Girl. Edna O'BRIEN - 2019

Publié le 31 Janvier 2020

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Girl

 

Edna O'BRIEN

Roman traduit de l’irlandais par Aude de SAINT-LOUP et Pierre-Emmanuel DAUZAT

 

Éditions Sabine WESPIESER, 5 septembre 2019

256 pages

 

Thèmes : Témoignage, Enlèvement, Maternité, Reconstruction, Afrique, Nigéria, Résilience

 

Grand Prix des Lectrices Elle 2020 Blog Vivrelivre

 

L’enlèvement des 276 lycéennes au Nigéria par Boko Haram en 2014 a été le point de départ de ce roman. Pendant trois ans, Edna O’Brien a fait quantité de recherches et de rencontres sans qu’elle ne trouve l’angle d’approche. Jusqu’à le saisir, comme une évidence.

Il lui fallait raconter cette horreur de l’intérieur. Par les yeux et les sentiments contraires d’une de ces jeunes filles.

 

Ainsi rencontrons-nous Maryam.

Une jeune fille qui aime les mots et la nature.

Ainsi vivons-nous, à ses côtés, à travers elle, l'irruption en pleine nuit de ces hommes armés dans son école, le déferlement de violences, verbales et physiques, jusqu'à la phrase sentence "les filles, ça le fera".

Et elles qui ne devaient pas être emmenées sont ainsi chargés dans des camions. Qu'elles ne s'avisent pas de pleurer, de se débattre ou encore de sauter. Douleurs et mort s'abattraient.

Leurs affaires jetées pour les retrouver, l'espoir qui s'effiloche au fil des kilomètres puis l'arrivée dans un lieu inconnu, si lointain.

Puis les ordres aboyés, les visions terrifiantes et annonciatrices, la violence constante et continuelle, les sévices physiques et psychologiques, leur religion assénée, les corvées incessantes la peur comme gardienne. L’espoir malmené.

Aucune solidarité féminine, bien au contraire. Les femmes reproduisent sur les nouvelles, sur les plus jeunes, sur les plus faibles, les gestes auparavant subis.

Et qu’elles ne s’avisent d’aucune once de liberté. Viol et lapidation ne sont jamais loin.

Les hommes assènent leur interprétation de la religion.

Tournez-vous vers le Coran, vers les hadiths du Prophète, où que vous soyez, tournez-vous vers Allah. Sans quoi nous devrons vous forcer, et nous ne reculerons pas devant les châtiments. En attendant, vaquez à vos tâches quotidiennes avec bonheur, apprenez par cœur les sourates, délectez-vous de vous savoir enrôlées dans l’immense et invincible armée d’Allah. Vous êtes des guerrières.

Puis pour Maryam, le mariage avec l’un des chefs, Youssouf.

Elle aurait pu tomber plus mal. C’est ce qu’elle se dit.

La grossesse et l'accouchement. Terrible.

Ce n’est pas un garçon.

 

Puis la blessure, la disgrâce et l’isolement de son mari.

Et enfin, la fuite dans la forêt avec Babby, et Buki, une fille du lycée, pas vraiment son amie jusque-là.

La peur, la traque, la survie, la marche de nuit puis de jour, se cacher, la mort qui toujours rôde et frappe, sournoise...

La survie avec Babby, cette enfant non désirée, avec laquelle elle ne sait, ni ne veut savoir s’y prendre.

Cette enfant qu’elle n’aime pas, qu’elle observe et détaille, mais qu’elle ne peut quitter…

« »Je ne suis pas assez grande pour être ta mère », dis-je lâchement.
(…)
Je pleure du creux de mon ventre. Je pleure d’où devrait être la racine de mon amour pour elle.

Puis le retour chez elle, glaçant, dans le village détruit, après bien des mesures de sécurité et d’identification. La violence n'est pas finie, elle est même pire.

« Fille du bush », Maryam fait peur. Peur qu’elle soit radicalisée, peur que la famille ne soit l’objet de représailles.

Maryam ne peut compter que sur elle-même.

Tant sont morts.

Son père, son frère.

Babby lui est enlevée. Objet de honte et de superstitions. Maryam est exorcisée sur demande de sa mère qui se tient toujours à distance.

 

Il y a si peu d’espoir et si peu d’avenir possibles.

Heureusement, Maryam n’est pas seule.

 

***

 

Cette fiction a la force d’un témoignage.

Atroce, horrible, indicible.

Il m’a fallu faire des pauses.

 

Aucune des filles n’a jamais parlé ou pu parler.

Edna O’Brien leur donne une voix, reconstitue ce qu’elles ont vécu, subi, mais aussi un pays transformé, dévasté, des paysages à la nature sauvage, hostile et inhospitalière, une société, une culture, des traditions et des croyances.

 

Et parfois, seulement parfois, l'once d'humanité et l'entraide. Et c’est parfois juste nécessaire pour pouvoir continuer et se reconstruire.

Ce roman participe au « Challenge 1% Rentrée Littéraire 2019 » de Sophie Hérisson.

Belles lectures et découvertes !

Blandine.

 

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E
Je ne lis ton avis qu'en diagonal car je vais découvrir ce titre pour le prix Audiolib !
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N
Il faudra que je lise ce roman un jour, chacun de vos posts m'y invite...<br /> Belle journée, Blandine, et merci.
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B
Merci Nancy <3