La Mer à l'envers. Marie DARRIEUSECQ - 2019

Publié le 19 Novembre 2019

La Mer à l'envers

 

Marie DARRIEUSECQ

 

Editions P.O.L., août 2019

256 pages

 

Thèmes : Famille, Migrants, Entraide, Espoir, Quête, Héroïsme ordinaire

 

 

Rose, mère de famille et psychologue, est à la croisée des chemins.

Pour l’aider à y voir plus clair, sa mère lui a offert pour Noël une croisière sur la Méditerranée.

Ce temps passé avec ses enfants (Emma, 7 ans, et Gabriel, ado), entre ici et ailleurs, est censé lui donner de quoi réfléchir à sa vie, tant personnelle que familiale.

Doit-elle rester, quitter son mari, Christian, agent immobilier au bord de la dépression porté sur la boisson? Le déménagement de Paris à Clèves (au Pays Basque) apportera-t-il le salut tant attendu?

 

Alors qu'ils se dirigent vers la Grèce, le paquebot s'arrête, une embarcation pneumatique est aperçue au loin et ceux à son bord, recueillis.

Il s'agit de migrants. Des enfants, des femmes, des hommes.

Poussée par la curiosité et le besoin de faire quelque chose, Rose s'empresse d'aller (les) voir et offre le manteau et le téléphone de son fils à un jeune, prénommé Younès, qui vient du Niger comme elle le comprendra, plus tard.

Elle est accroupie devant lui et elle lui donne le téléphone et le petit sac des affaires chic de son fils et elles passent de main en main et il y a cette transmutation extraordinaire, le sac devient baluchon. Ce qu’ils touchent s’insécurise. Le monde perd en certitudes et se retourne comme un vieux gant.
Ils cherchent un passage mais ce passage se remplit d’eau, de débris de plastique et de lambeaux. Sa place à elle, sur la planète, est à son nom, avec papiers et comme un perpétuel numéro de réservation.

Dès lors, ce qui semblait avoir de l'importance n'en a plus.

Elle prend de plein fouet l'écart entre leurs deux vies. Elle s’interroge.

Ses soucis sont-ils réels, fondés, sa vie n'est-elle pas que futilité, les désirs de ses enfants que des caprices ?

Et pourtant, eux aussi ont leurs inquiétudes, leurs problèmes relationnels, leurs secrets, leurs peurs...

 

Rentrée à Paris, reprise du train-train et du travail, entre patience et habitudes.

Son téléphone sonne, souvent, avec comme image le visage encore poupin de son fils. Elle n'a pas modifié le contact, malgré le hors-forfait elle continue à payer l’abonnement, elle l’augmente même. Mais elle ne répond pas. Pas encore.

Un jour, elle le fait, et se rend à la Gare de Lyon où elle a compris que Younès arriverait, le soir même. Mais elle ne l'aborde pas, et se contente de le suivre. Ça la rassure. Ça lui donne bonne conscience. Il semble n’être pas seul. Pas tout à fait seul.

 

Puis le déménagement, précipité, devenu vital.

Pour elle, pour sa fille surtout.

Sonne encore le téléphone. Younès a des problèmes, il la réclame, elle « la maman », chevilles en piteux état à force de tentatives ratées.

 

Il aura fallu qu’elle parte pour qu’ils se retrouvent, pour qu’elle se trouve aussi.

Mais son ailleurs à elle n’est pas son ailleurs à lui. Et malgré le soin et les attentions, il rêve de partir, là-bas, de l’autre coté de la mer, vers l’autre terre, en Angleterre.

Elle n’en revient pas de l’aspect business du passage. Passer tout seul prend du temps, en moyenne six mois à Calais, et si on est grillé par les flics ou les passeurs il faut se déplacer vers Dunkerque ou la Belgique voire les Pays-Bas.
Mas à Calais l’Angleterre on la voit.

La fin  m’a semblé ouverte et pourrait s'avérer à double sens.

J’ai aimé.

 

J’ai aimé découvrir l’écriture de Marie Darrieussecq, que je n‘avais jamais lue.

Douce, tendre, intime, poétique, pudique, sans pathos pour nous décrire ces parcours de vie, ce monde qui permet ou empêche, question de naissance, de lieu de naissance.

Son titre est parfait et joue sur différentes sonorités, mer/mère, mère double, de substitution ; à l’envers, s’éloigner pour mieux repartir, affronter, franchir.

Ses premières pages sont percutantes.

 

J’ai aimé la découvrir sur ce thème, sur ces thèmes : la Famille, le couple, les choix de vie, les Migrants mais aussi l’héroïsme ordinaire et la quête d’un ailleurs, forcément meilleur, plus sécurisant, plus ressemblant, plus authentique. Retour aux racines ou l’inconnu.

L’héroïsme de Rose est à la fois empreint de curiosité, d’un sentiment de devoir, de honte, de culpabilité, d’urgence, d’envie d’aider et de bien faire mais est freiné par la peur, la crainte. Que ça bouscule, perturbe. Sa vie, son quotidien, ses certitudes.

 

Et cela nous fait nous questionner, sur les politiques migratoires, sur nous-mêmes, sur ce que l’on ferait.

 

Un roman à découvrir !

Il participe au « Challenge 1% Rentrée Littéraire 2019 » de Sophie Hérisson (9)

Belles lectures et découvertes,

Blandine

 

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S
J'ai eu du mal avec l'écriture et l’héroïne m'a parfois énervée mais le livre renvoie à nous-même, à nos propres comportements et ça c'est intéressant.
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B
Je te rejoins sur la réflexion que cela engage mais, à ton inverse, j'ai vraiment aimé cette écriture, et le personnage de Rose, certes plein d'hésitations et de doutes, m'a touchée...
N
Je suis en train d'écrire avec une classe de 3ème sur le thème des migrants (à la demande des ados).<br /> ce n'est pas évident, je n'y connais pas grand-chose, mais on s'accroche.<br /> Ce roman semble très émouvant; je suis d'accord avec vous, pourquoi faut-il toujours "apporter quelque chose de nouveau", comme si les auteurs étaient censés avoir tout lu sur tous les livres portant sur le thème choisi ^^<br /> Belle journée Blandine !
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B
Merci Nancy <3<br /> C'est en effet un beau et fort thème qu'ils ont choisi! Courage pour l'écriture ;-)<br /> Belle soirée à vous!
F
Tu me donnes envie de découvrir cette auteure à mon tour !
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B
Tu m'en vois ravie <3
N
Une autrice que je n'ai pas encore lue. Pourquoi pas avec celui-ci ?
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B
Si le thème te tente (il paraît qu'on a déjà beaucoup écrit dessus et que ce roman n'apporte rien de nouveau, perso, je ne vois pas pourquoi il faudrait quelque chose de "nouveau", c'est assez dramatique comme ça), fonce!