Interview Sandrine Beau - 2019
Publié le 17 Mai 2019
Interview de Sandrine Beau
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J’ai découvert Sandrine Beau grâce à l’album « Mon chat fait ouaf » gagné lors d’un de ses concours.

Coup de cœur immédiat.
Pour l’album.
Pour l’écriture de Sandrine.
Une rencontre !
Chacun de ses livres me parle, l’histoire ou un élément, un détail, une anecdote, une découverte, un destin, il y a toujours quelque chose qui me va au cœur.
Et toujours avec une écriture pleine de dynamisme, pep’s, humour, sensibilité, engagement, ou frissons, selon le genre.
Sandrine, merci pour ta confiance !

Qui es-tu Sandrine Beau ?
Alors, en quelques mots, je suis une écrivaine, qui vit en Franche-Comté, emmitouflée sous une épaisse couche d’écharpes, de bonnets et de gants ! J’écris des albums et des romans pour les enfants depuis la maternelle jusqu’au début du lycée. Je suis aussi maman, lectrice, curieuse, rieuse, voyageuse, amoureuse,… et certainement encore d’autres « euse » que j’oublie !



Des questions sur Anna, Journal d’un cygne
Sandrine, comment t’es venue l’idée d’écrire sur Anna Pavlova ?
Est-ce une envie de longue date, une rencontre qui a favorisé le projet, une suggestion d’ami.e (ou de quelqu’un d’autre) ou d’éditeur ?
Cette idée et ce projet ont été portés par ma formidable éditrice, Servane Champion, qui me l’a proposé. Quand j’ai découvert la vie, le parcours et la personnalité d’Anna Pavlova, que je ne connaissais pas, j’ai tout de suite été emballée.

Anna Pavlova est considérée aujourd’hui comme la première grande ballerine de l’histoire de la danse classique. Elle a révolutionné la danse, par sa grâce et par l’émotion qu’elle transmettait aux spectateurs dès qu’elle montait sur scène. Et pourtant, il lui a fallu beaucoup de persévérance pour en arriver là. Elle a dû se battre contre les préjugés. Anna était très mince, ce qui ne correspondait pas au profil des danseuses de son époque, qui au contraire étaient très robustes. Il lui a fallu faire ses preuves pour accéder à l’enseignement de l’Ecole Impériale de Ballet de Saint-Pétersbourg puis, une fois acceptée, il lui a encore fallu faire face aux remarques et aux réflexions de la part des autres élèves de son âge.
Déjà trois tomes de parus, deux autres en route (merci Instagram^^), trois mois (seulement) se sont écoulés dans l’histoire, cela promet une longue série.
Où t’arrêteras-tu ? A un âge ou à un moment- clé de sa carrière, de sa vie ? Où bien y aura-t-il des bonds dans le temps ?
Pour l’instant, rien n’est encore défini précisément. Nous sommes en pleine discussion sur la série avec mon éditrice. Ce qui est sûr, c’est que nous allons boucler la première année d’Anna dans son école de danse. Pour la suite, je te tiendrai au courant, promis !
Quels sont les retours sur Anna ?
Les retours sont bons, parfois même très enthousiastes. Par exemple, il m’arrive régulièrement d’avoir des petits mots de lectrices d’Anna, journal d’un cygne. Et sur les salons du livre auxquels je participe régulièrement, je retrouve souvent de jeunes lectrices qui sont venues acheter le tome 1 le samedi et qui reviennent le dimanche pour s’offrir les suivants « parce qu’elles ont trooop aimé ! »

Des questions sur l’écriture et le processus éditorial
Quand as-tu commencé à écrire sur Anna ?
J’ai commencé l’aventure d’Anna, journal d’un cygne en janvier 2017, quand mon éditrice m’a parlé de ce projet. Tout le premier semestre de 2017 a été consacré à Anna. Je travaillais bien sûr sur mes autres livres et je continuais les rencontres et salons, mais mon cerveau était branché en permanence sur ce personnage, cette série à venir et sur tout ce qui était à imaginer pour qu’elle prenne vie. Ça a été une période très intense (et très stressante aussi !)
Le manuscrit a-t-il été long à peaufiner, à être accepté ?
Oui. Tout était à imaginer comme je le disais. Les personnages qui gravitaient autour d’Anna. Ses amis, les autres élèves de sa classe et de son école, ses professeurs, le personnel de l’école, sa maman,...
il m’a fallu aussi faire de très grosses recherches sur Anna Pavlova et il y a malheureusement peu de choses sur elle. Et encore moins sur son enfance.
Il a donc fallu aussi imaginer quelle jeune fille avait pu être Anna, ce qu’elle avait ressenti en étant traitée de « manche à balai » ou de « vilain petit canard » (info que j’ai trouvée pendant mes recherches).
L’Ecole Impériale de Ballet, son fonctionnement, son directeur emblématique, le couple Impérial qui la subventionnait m’ont demandé aussi de nombreuses recherches. Tout comme la Russie de 1890.
Un autre domaine m’a demandé beaucoup de recherches et de visionnages de vidéos : la danse classique et les cours de danse.
Ensuite, une fois tout ça effectué, il a fallu imaginer les aventures qu’allait vivre Anna.
C’est seulement après tout ça que j’ai pu commencé à écrire le premier tome du journal d’un cygne.
Comment le choix de l’illustrateur.trice s’est-il porté sur Cati Baur ?
Avais-tu déjà travaillé avec elle ?
Nous avons longuement cherché avec mon éditrice qui pourrait illustrer l’histoire d’Anna. Et après plusieurs échanges, c’est elle qui m’a proposé le nom de Cati. J’ai tout de suite craqué sur son travail et je me suis pratiquement rongé les ongles, les doigts et les poignets en attendant sa réponse, tellement je ne pouvais plus imaginer quelqu’un d’autre qu’elle sur ce projet.
Heureusement pour moi (et mes avant-bras), elle a tout suite dit oui !
C’est notre première collaboration et à chaque nouvel envoi de dessins (il y en a eu un ce matin ♥), je fonds devant tant de beauté…
Des questions sur tes choix d'écriture

Ce n’est pas le premier destin de femme que tu présentes (je pense notamment à Alice Guy Blaché – CLIC ).
Présenter des destins féminins ou écrire sur une thématique antisexiste (Céleste dans La Revanche des Princesses par exemple), est-ce quelque chose qui te tiens particulièrement à cœur ?
Oui, bien sûr. Je suis pour l’égalité. (Et j’ai même du mal à comprendre comment on pourrait ne pas l’être !) Je trouve totalement anormal et hallucinant qu’en 2019, ce soit encore un sujet de lutte. Et pourtant, il y a tant à faire !
Quand je vois la situation des femmes et des filles dans certains endroits du monde, je suis carrément scandalisée. On est quand même la seule espèce vivante sur cette planète à faire autant de mal à celles qui donnent la vie…
Donc, oui, c’est un sujet qui me tient à cœur et dont je ne me lasse pas de parler avec les enfants et les adolescents que je rencontre.
Et tu as raison, présenter des destins de femmes, qui n’ont pas été reconnues à leur juste valeur, pour l’unique raison qu’elles étaient femmes, me tient aussi à cœur. Tout simplement parce que c’est ma façon de « réparer » (bien modestement) une injustice et aussi parce que leur redonner leur « vraie » place est une façon de montrer aux petites filles et aux jeunes filles que des modèles de réussite féminine existent. Ça fait partie de ma lutte pour l’égalité. J’ai appris il n’y a pas longtemps que seulement 2% des rues françaises portaient le nom d’une femme. C’est complètement fou, cette invisibilisation des femmes !
Après Anna Pavlova, après Alice Guy (la première femme- et la première tout court- à avoir réalisé des films de fictions), vous pourrez bientôt découvrir le destin exceptionnel d’Elise Deroche, qui a été, elle, la première femme française à obtenir son brevet de pilote d’avion.
C’était au début des années 1900, à une époque où les Fous du ciel étaient uniquement des hommes et où l’Académie de Médecine avait affirmé que l’aviation était « contre nature » pour les femmes, parce que « leurs organes ne supporteraient pas l’expérience » !
Ce nouveau roman aura pour titre « La cascadeuse des nuages », il sera publié chez Alice Editions à la fin de cet été.

Elise Deroche - Source
Pourquoi le faire dans des livres pour jeune public (dès 8 ans) ?
Parce que c’est le public auquel j’aime m’adresser, parce qu’il est important de parler de ce sujet-là (et de pleins d’autres) aux jeunes lecteurs et lectrices. Parce que je me rends compte qu’ils sont sensibles à ce sujet de l’égalité et qu’ils sont majoritairement plus ouverts d’esprit que certains adultes. Et parce que, comme je le disais plus haut, il est important de donner des modèles aux filles. Ce sont aussi ces modèles qui nous construisent et nous permettent de nous projeter et de rêver.
Des questions sur ton parcours de lectrice et d’autrice
Quels sont les auteurs, illustrateurs et/ou personnages qui t’ont marquée (d’hier et d’aujourd’hui) et peut-être influencée ?
Dans le désordre, la série du club des 5 et le personnage de Claude, qui a été le premier personnage d’aventurière que j’ai rencontré. Romain Gary et « La vie devant soi » qui m’a fait vivre ma première grande émotion de lectrice. (Un livre peut provoquer ces petits fourmillements sur la peau des bras, ces bulles dans le ventre et ces chatouillis sous les paupières ?... Waouh !) « Quand j’ai eu 5 ans, je m’ai tué » d’Howard Buten, qui a été un choc littéraire. Une sorte d’ovni qui m’a secouée dans tous les sens. Ensuite, j’ai découvert « Le deuxième sexe » de Simone de Beauvoir, et les livres de Benoite Groult, qui m’ont ouvert les yeux sur la condition des femmes. Il y a eu aussi les polars que j’ai dévorés de façon boulimique, en démarrant par Agatha Christie et en poursuivant avec tout un tas d’autrices et d’auteurs. Et puis, et puis, des tas de livres qui restent gravés : ceux de Barbara Kingsolver, de Barbara Constantine, de John Irving, « La petite fille de Monsieur Linh » de Philippe Claudel, « Un secret » de Philippe Grimbert, et j’en oublie des tas !
Et en jeunesse, « La ballade de Sean Hopper » de Martine Pouchain, « Jusqu’ici tout va bien » de Gary D. Schmidt, « Je suis ton soleil » de Marie Pavlenko, « Les chiens » d’Allan Stratton , « Le sel de nos larmes » de Ruta Sepetys, « Oublier Camille » de Gaël Aymon, « Pëppo » de Séverine Vidal… et là encore, j’en oublie des tas !
Tu as exercé nombre de métiers très différents avant d’écrire (Réalisatrice de documentaire, clown, animatrice radio, Miss Météo), et qui font certainement l’autrice éclectique et débordante d’énergie que tu es aujourd’hui – et qui se ressent dans tes livres (je pense notamment à Suzy, Gaspard et les enfants bizarres).

Mais où trouves-tu tes inspirations ?
Dans la vie de tous les jours. En écoutant une émission de radio, en regardant un documentaire, en lisant un article de journal, en parlant avec mes amis, ma famille. Et aussi bien sûr forcément, même si la plupart du temps, c’est inconscient, en regardant de bons films, en lisant de bons livres, en allant voir des peintures sublimes et des sculptures magnifiques. L’art, et tout ce qui est beau, est une source inépuisable d’inspiration. J’ai l’impression que tout ce qui me touche et m’émeut me nourrit et me remplit. (Ça a peut-être l’air un peu ridicule écrit comme ça, mais c’est vraiment ce que je ressens !) Même un coucher de soleil, une heure face à l’océan, un arc-en ciel ont le même effet sur moi.
La vie qui foisonne est une source d’inspiration sans fin :)
Comment écris-tu ?
As-tu un rituel d’écriture ?
J’écris sur un cahier. Avec un feutre de couleur. Un joli, qui me ravit l’œil et qui glisse bien. Dans un beau cahier avec des pages douces (ce qui ravit ma main ;) J’aime bien ce côté charnel de l’écriture.
Ça, c’est mon programme du matin (quand je ne suis pas en déplacement dans des classes ou sur un salon du livre).
L’après-midi, je reprends ce que j’ai écrit le matin et je le retravaille sur mon ordi.
Peux-tu nous dévoiler (un peu de) tes projets en cours ?
Seule ou à plusieurs mains ?
Je finis les corrections de « La cascadeuse des nuages », dont je vous ai parlé plus haut. Je vais bientôt attaquer celles d’un autre roman, pour ados celui-ci, et dont le titre n’est pas encore défini. Un roman qui parle d’un sujet difficile et qui me tient très à cœur, le viol des garçons.
Je retravaille également sur l’histoire d’Alice Guy, qui ressortira sous une nouvelle forme, plus longue et enrichie.
Evidemment, « Anna, journal d’un cygne » continue avec quatre nouveaux tomes l’année prochaine et enfin, je suis également en train d’écrire un nouveau polar pour les 10 ans et plus.
La vie de tes livres

Comment vis-tu la vie de tes livres une fois qu’ils « partis », « envolés » ?
Je suis toujours très impatiente d’avoir les premiers retours de lectrices et de lecteurs . Ce n’est qu’à ce moment-là que je me détends enfin un peu ! ;)
Ensuite, on perd un peu la main. Même si évidemment, je fais un travail de promotion en les présentant dans les écoles et les salons où je suis invitée tout au long de l’année, nos livres nous échappent un peu. On espère juste qu’ils vont trouver leurs lectrices et lecteurs.
Nombreux sont tes livres sélectionnés pour différents Prix (notamment Prix des Incorruptibles) en France ou ailleurs. C’est génial !

Le Petit Chaperon qui n'était pas rouge, illustré par Marie Desbons - sélection Prix des Incorruptibles 2015-2016

Traquées - Lauréat Prix Gayant Lecture 2018
Que ressens-tu ?
Une grande joie !
C’est toujours aussi émouvant pour moi d’apprendre qu’un de mes livres a plu à un comité de sélection et qu’ils ont eu envie qu’il soit lu par de nombreux lecteurs. (Je me souviens encore du premier coup de fil que j’ai reçu pour m’annoncer ma toute première sélection !)
C’est un coup de pouce formidable à chaque fois, avec une histoire qui va être découverte par un plus grand lectorat et c’est aussi un sacré coup de projecteur sur mon travail.
Donc, merci aux comités de sélection des Prix littéraires !
Et merci aux lectrices et aux lecteurs des Prix, qui parfois votent pour mon livre et me font vivre une deuxième énorme joie !

Merci infiniment Sandrine pour cette interview !
Quelques autres livres de Sandrine sur le blog
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Série Lasco de la Grotte illustrée par Eglantine Ceulemans | C'est la rentrée, album illustré par Maureen Poignonec | Mon grand frère tombé du ciel | La porte de la salle de bains |
Et le petit dernier, bientôt:

Belles lectures et découvertes,
Blandine
