Film : Green Book, sur les routes du Sud - 2019
Publié le 22 Février 2019
Green Book
Sur les routes du Sud
Réalisé par : Peter FARRELLY
Scénario : Nick Vallelonga, Brian Hayes Currie et Peter Farrelly
Avec Viggo MORTENSEN; Mahershala ALI; Linda CARDELLINI; …
Genre :Drame, Biopic
Nationalité Américain
Sortie américaine : 21 novembre 2018
Sortie française : 23 janvier 2019
Durée : 2h 10mn.
Film vu en VOST (pour la petite histoire, ce n’est qu’au bout de 15mn qu’on s’est rendu compte avec ma fille qu’il était en VO !!)
Thèmes : Etats-Unis, Ségrégation, Racisme, Musique, Préjugés, Amitié
« Inspiré d’une histoire vraie »
GREEN BOOK Bande Annonce VOSTFR (2019) Viggo Mortensen, Mahershala Ali
En 1962, alors que règne la ségrégation, Tony Lip, un videur italo-américain du Bronx, est engagé pour conduire et protéger le Dr Don Shirley, un pianiste noir de renommée mondiale, lors d'u...
Green Book Soundtrack - "Old Black Magic" - Green Book Copacabana Orchestra
"Old Black Magic" was written by Harold Arien and Johnny Mercer and performed by Green Book Copacabana Orchestra for the motion picture "Green Book"
Je vous propose d’accompagner la lecture de mon billet en musique !
Le « Green Book », de son nom entier « The Negro Motorist Green Book » du nom de son auteur Victor H. Green, postier noir) était un guide destiné aux Africains-Américains venant et/ou circulant dans le Sud, et publié annuellement de 1936 à 1966.
Dans le contexte de la ségrégation et des lois Jim Crow, ce guide permettait aux Noirs de trouver où se loger, où se restaurer, où trouver de l’essence ou des garages, mais aussi des équipements de loisirs, sans risquer d’être humiliés, agressés, ou pire encore…
Dans le Sud des Etats-Unis, mais aussi à New-York, au Canada ou au Mexique.
Suite à la promulgation du Civil Rights Act en 1964 interdisant toute discrimination raciale, sa publication ne fut plus utile et il tomba dans l’oubli.
Le "Green Book" édité en 1962.
*
1962, New-York, dans le Bronx.
Tony Vallelonga (Viggo Mortensen), dit Tony Lip (car il a de la tchatche), d’origine italienne, est marié à Dolores et est père de deux garçons.
Il est videur au cabaret Copacabana qui doit fermer ses portes deux mois pour rénovations.
Tony doit se trouver un nouveau travail, et vite !
C’est ainsi qu’il devient le chauffeur du pianiste prodige de renommée mondiale (qu'il ne connaît pas) : Dr Don Shirley, d’origine jamaïcaine.
Accompagné de ses deux musiciens (avec qui il forme le Don Shirley Trio), ce dernier souhaite effectuer une tournée de concerts de huit semaines, dans plusieurs Etats du Sud jusqu’en Alabama, et confie à Tony le soin de le conduire, de s’assurer que tous les éléments du contrat sont respectés (un piano Steinway pour chaque représentation par exemple), de trouver des hôtels conformément au « Green Book » et d’assurer sa sécurité.
Les deux hommes sont de parfaits contraires.
Tony est aussi rustre que Don est raffiné.
Tony est aussi roublard que Don est respectueux.
Tony est grossier et utilise les poings quand Don préfère les mots, toujours prononcés de manière posée.
Tony n’est pas très cultivé quand Don a cumulé les diplômes, lorsqu'il s'est trouvé découragé par le manque d’opportunités pour les musiciens noirs classiques.
Tony est raciste ou a des réflexes racistes, pendant que Don espère faire évoluer les mentalités grâce à son talent.
Il a bien conscience de n’être pas assez Noir pour certains ou pas assez Blanc pour d’autres, ce qui le confine à la solitude, à être en marge, et à en souffrir…
Tony est une caricature, un stéréotype, à l’inverse de Don, qui surprend. Sa personnalité, sa psychologie sont vraiment très intéressantes et confèrent beaucoup de profondeur à ce personnage.
Mahershala Ali et Don Shirley
Tony Vallelonga et Viggo Mortensen
Don aurait pu rester tranquillement dans le Nord, être payé une fortune pour chacune de ses représentations, et pourtant, il veut faire cette tournée et prouver à ces Blancs (si riches du Sud qui s’enorgueillissent de sa venue tout en lui renvoyant sa supposée infériorité et l’interdisant de manger dans leur restaurant ou d'utiliser dans leurs commodités), à cette Amérique pétrie d’incohérences et de préjugés qu’un Noir peut (aussi) faire de la musique classique et y exceller, sans avoir à être enfermé dans un style musical.
Et cela (me) renvoie à l’histoire de Nina Simone qui, même si elle a eu une formation classique, n’a pu y évoluer en raison de sa couleur de peau. (Voir le très bel album d’Alice Brière-Haquet et Bruno Liance, Nina).
« Il faut du courage pour changer le cœur des gens. »
Du courage, il leur en faudra !
De la compréhension, de l’abnégation, du respect, de la foi en l’humanité aussi.
Ce film, c’est une histoire de compromis, de rencontres à plusieurs niveaux, un road-movie enchanté où l’on passe des larmes au rire.
Beau et terrible, touchant et émouvant, et malgré quelques « facilités », il regorge de scènes cocasses : lorsque Don aide Tony à rédiger ses lettres pour sa femme, lorsque Don oblige Tony à faire reculer la voiture pour ramasser le gobelet qu’il a jeté par la fenêtre…
Entre les deux hommes, de l’estime se glisse, s’installe, et se transforme en amitié.
*
Avec ma fille, nous avons beaucoup aimé ce film et avons passé un excellent moment.
Cependant, j’ai eu une impression de trop peu.
Le film aurait pu être un peu plus long.
La tournée semble s’être déroulée trop vite et trop facilement.
Le « Green Book » du titre est finalement peu exploité.
Je ne minimise pas les difficultés rencontrées ou les violences subies, physiques, psychologiques comme verbales, elles sont restituées : le « « confort comme à la maison » » des hôtels pour Noirs, l’interdiction de rouler de nuit ou plutôt d’être dehors la nuit pour un Noir, les latrines dans un cabanon, les brutalités policières… mais il paraît peu probable qu’il n’y en ait pas eu davantage et de teneur encore plus grave (hommes cagoulés, croix enflammées, que Don puisse être transuillement assis à l'arrière voire même dormir …).
L’accent est mis sur un côté feel-good et privilégie le regard de Tony, le Blanc.
Ce qui peut s’expliquer par le fait que le film a été écrit par le fils de Tony Vallelonga, Nick.
Comme dans tout biopic, des arrangements, ou oublis, avec la réalité, avec la vérité, semblent avoir été pris. Ainsi, le frère de Don Shirley (qui n’aurait pas été contacté) conteste plusieurs points du film (du détail de la marque de la voiture à l’amitié entre les deux hommes) et appelle à son boycott. Pour lire l’article, c’est ICI.
Le jeu des acteurs est saisissant.
Viggo Mortensen (qui a beaucoup pris pour le rôle) (que j’aime beaucoup – Aragorn <3 !) est génial, mais j’avoue avoir préféré celui de Mahershala Ali (que je ne me souviens pas avoir déjà vu).
Il incarne tellement son personnage, à qui il confère énormément de dignité.
Il est magnifique !
Dimanche 17 février 2019, Green Book a remporté trois Golden Globes (sur cinq nominations) : Meilleur acteur secondaire pour Mahershala Ali ; Meilleur film musical ou de comédie ; Meilleur scénario.
Mahershala Ali a également reçu le BAFTA du meilleur acteur dans un second rôle le 10 février 2019.
Ce billet participe à l’African American History Month Challenge d’Enna, qui a aussi vu le film.
Son avis, ICI.
Et celui de Marion, LA.
Belles lectures et découvertes,
Blandine