Leurs enfants après eux. Nicolas MATHIEU – Prix Goncourt 2018
Publié le 28 Janvier 2019
Leurs enfants après eux
Nicolas MATHIEU
Editions Actes Sud, août 2018
432 pages
Thèmes : France, Adolescence, chronique sociale, déterminisme social
Une fois n’est pas coutume, je vous livre la quatrième de couverture.
Août 1992. Une vallée perdue quelque part dans l’Est, des hauts-fourneaux qui ne brûlent plus, un lac, un après-midi de canicule. Anthony a quatorze ans, et avec son cousin, pour tuer l’ennui, il décide de voler un canoë et d’aller voir ce qui se passe de l’autre côté, sur la fameuse plage des culs-nus. Au bout, ce sera pour Anthony le premier amour, le premier été, celui qui décide de toute la suite. Ce sera le drame de la vie qui commence.
Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La France du Picon et de Johnny Hallyday, des fêtes foraines et d’Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.
J’ai été conquise par ces mots, par cette période choisie qui se confond un peu avec mon adolescence, avec quelques éléments vécus en commun, par ses références musicales et notamment à Smells like teen Spirit de Nirvana.
Je l’ai acheté dès sa sortie, puis il s’est fait désirer – j’aime procéder ainsi.
Entretemps, ce roman a fait son petit bonhomme de chemin, enthousiasmant les critiques, jusqu’à obtenir le Goncourt.
Puis je l’ai lu.
Et là, rien, ou pas grand-chose.
L’alchimie n’a pas pris.
*****
Cela commence comme ça :
Vacances d’été 1992, Anthony a 14 ans, et avec son cousin plus âgé (et non nommé) ils volent un canoë, voguent sur le lac, direction la plage des « culs-nus ».
C’est ainsi qu’ils font la connaissance, entre autres, de Steph, un joli brin de fille jemenfoutiste, le premier amour d’Anthony, son utopie pour un bon moment.
Lors d’une fête où elle se trouve, il se fait voler la moto de son père (un violent) – ce sera le fil rouge du roman.
Hélène, sa mère, accro aux anti-dépresseurs, ne voit qu'une solution pour sauver sa famille: aller parler au voleur. Il s'agit d'Hacine, ado désœuvré et dealer, qui met le bazar là où il passe.
Il est le fils d'un Marocain immigré aux illusions perdues.
*
Quatre étés, quatre moments-clés de la vie et en toile de fond, par le prisme de leur vision étriquée et des rêves déglingués, désabusés, de leurs parents, le contexte économique, sociétal et social de l'époque.
Ils vivent à Heillange, une ville (fictive) de Lorraine dont l'usine s'est tue et dans laquelle la perspective d'avenir est quasi nulle.
Après tout, lui [Anthony] en avait ras le bol de toute cette mémoire ouvrière. Elle donnait à ceux qui n’avaient pas vécu cette époque le sentiment d’être passés à côté de l’essentiel. Elle rendait par comparaison toute entreprise dérisoire, toute réussite minuscule. Les hommes du fer et le bon vieux temps faisaient chier depuis trop longtemps.
La silicose et le coup de grisou ne faisaient plus partie des risques du métier. On mourait maintenant à feu doux, d’humiliation, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveille à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi.
Depuis que les usines avaient mis la clef sous la porte, les travailleurs n’étaient plus que du confetti. Foin des masses et ces collectifs.
L’heure, désormais, était à l’individu, à l’intérimaire, à l’isolat. Et toutes ces miettes d’emplois satellitaient sans fin dans le grand vide du travail où se multipliaient une ribambelle d’espaces divisés, plastiques et transparents : bulles, box, cloisons, vitrophanies.
Chacun suit ou subit sa vie, ne se projette pas ou prend conscience qu’il est grand temps de s’y mettre, déterminisme social contre volonté, nécessaire, vitale, de s’extraire de cette fange, où l’ailleurs ne peut être que meilleur, fuir pour devenir, malgré le prix à payer, tout en pensant, tout en étant persuadé d’être mieux, de faire mieux, que ses parents, et de pouvoir s’en sortir.
Désœuvrement, mensonges de toute nature, cigarettes, alcools et drogues, vulgarité de certaines scènes, paroles, pensées m’ont laissée en marge.
Pourtant les thématiques et l’écriture avaient tout pour me plaire, mais j’ai eu du mal à entrer pleinement dans ce roman au rythme assez lent.
Je n’ai pas ressenti ce besoin irrépressible de le lire, d’être auprès de ses personnages (qui n'échappent pas à certains stéréotypes), de connaître/côtoyer leurs galères ou réussites. Ça n’a pas collé. Je ne me suis ni attachée, ni identifiée à eux (hormis ces quelques éléments de culture commune).
Alors comment conclure ?
Malgré un avis peu enthousiaste, il est vrai, je suis tout de même contente d’avoir lu ce roman.
Bien sûr qu’il peut et a trouvé son public.
Peut-être vous plaira-t-il, ou peut-être pas.
Ce roman participe au Challenge "1% Rentrée Littéraire 2018)" (41/6).
Découvrez aussi l’avis de Cristie (qui n’a pas aimé du tout et qui le dit, notamment, en chanson).
Belles lectures et découvertes,
Blandine