Le sourire du Diable. Nancy GUILBERT – 2018 (Dès 13 ans)
Publié le 25 Janvier 2019
Le sourire du Diable
Nancy GUILBERT
Oskar Editeur, 6 décembre 2018
177 pages
Dès 11 ans selon l’éditeur, mais je dirais dès 13 ans
Thèmes : Famille, relations transgénérationnelles, relation mère/fille, Deuxième Guerre mondiale, secrets, silences
Lecture Commune avec Pauline et Cécile
Tout commence par une lettre reçue en mars 1959 par Louise Duval, 15 ans.
Le pli est en provenance de Berlin, Allemagne, et est rédigé par un certain Wolfgang Gershert.
La curiosité de Louise est piquée et un échange épistolaire s’instaure.
Wolfgang semble savoir des choses qu’elle ignore, au sujet de sa mère, de ses parents, de la guerre. Lorsqu’il comprend, étonné, stupéfait, désolé, que Louise n’est au courant de rien, il l’encourage à parler avec sa mère, Rose, et ne dévoile rien.
Mais il ne peut se représenter combien leurs relations sont abîmées, mauvaises.
Ma mère m’envoie constamment au visage des réflexions mordantes sur mon physique mais aussi sur mon caractère. Certains jours j’ai l’impression qu’elle ne supporte pas que je me trouve dans la même pièce qu’elle. Il m’est arrivé une fois de la regarder avec gentillesse : elle m’a poussée violemment contre le mur en me disant que j’avais le « sourire du diable ».
Louise a ouvert une boîte de Pandore.
C’est par le journal intime de sa mère, rédigé en 1943 durant l’Occupation allemande, et déposé sur son lit, que Louise découvre et comprend, sans pour autant excuser, ce qu’il s’est passé et ce qui en a découlé.
Louise a préféré la fuite, plus commode, plus sécurisante, nécessaire à sa survie, à sa reconstruction.
Elle ne pouvait imaginer que, trente ans plus tard, elle aurait à nouveau à faire face à ce passé qui ne lui appartient pas vraiment, mais qui lui pèse tant.
1989, sa fille Nina, 13 ans, veut connaître sa grand-mère « avant qu’il ne soit trop tard » et partager avec elle des moments privilégiés. Elle ne comprend pas les refus ou réponses fuyantes de sa mère.
Louise est obligée, contrainte, de faire face, au passé et au présent.
*****
Trois années-clés (1943-1959-1989), trois générations de femmes, une même famille: Rose, Louise, Nina.
La grand-mère, la fille et la petite-fille.
Nous les découvrons toutes pendant leur adolescence, alors que leur vie, ou une partie de leur vie, bascule.
Le roman oscille entre différentes formes d'écriture: épistolaire, journal intime, dialogues, narration, citations et références musicales ou poétiques: Victor Hugo, Né en 17 à Leidenstadt de Jean-Jacques Goldman, Goethe, Sully Prudhomme, Imagine de John Lennon, etc.
Il se divise en huit parties comme autant de phases qui explorent la manière dont ces filles/femmes sont impactées et réagissent au fil du temps aux révélations familiales.
Elles mettent en avant des personnages secondaires mais essentiels : Friedrich, Marie, Renée… et apportent des réponses. Elles nous permettent aussi de mesurer combien peuvent être différents (voire opposés) les regards que plusieurs personnes portent sur une seule.
Entre ces périodes, on devine, on comble, les silences soigneusement glissés par Nancy Guilbert, et qui participent, indirectement, au sentiment d’oppression.
A cause d’un secret.
Ou plutôt d’un silence, qui perdure, se transmet, se transforme, qui engendre honte, haine, rejet, incompréhensions et questionnements.
Un silence, reflet de peurs.
Behandeln Sie die Leute, als ob sie das waren, daß sie sein könnten und Sie werden ihnen helfen, das zu werden, daß sie fähig sind zu sein.
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Traitez les gens comme s’ils étaient ce qu’ils pourraient être et vous les aiderez à devenir ce qu’ils sont capables d’être.
Ce roman, poignant, qui mêle l'intime à l'Histoire, est salvateur et libérateur.
Les différentes émotions que traversent les personnages sont très bien retranscrites grâce à l’écriture sensible et empathique de Nancy Guilbert . Et tous, nous pouvons trouver une résonnance avec notre propre histoire familiale.
On retrouve nombre de thèmes qui lui sont chers : la relation mère/fille, la famille, la transmission, le passage du temps, la musique… Ils forment un fil rouge entre ses différents livres.
Notamment avec Deux secondes en moins, son premier roman ado, co-écrit avec Marie Colot, et présenté ICI.
Avec ce deuxième roman ado, Nancy Guilbert confirme qu’elle excelle dans différents types de genres, de styles et de narrations.
Il est servi par une très belle couverture aussi mystérieuse qu’annonciatrice.
Qu’en ont pensé Pauline et Cécile (qui a eu la bonne idée de mêler à son article des photos de certains lieux cités dans Berlin ainsi qu'une playslit) ?
Allons lire leurs avis !
Retrouvez une interview de Nancy Guilbert au sujet de son roman ainsi qu’une discussion croisée entre Pauline, Cécile et moi sur nos ressentis de lecture.
Il y a dans les souvenirs une odeur de tombe ; oui, il y a l’odeur du passé, odeur vague et fade de vieille poussière qui me jette dans une ivresse lourde, pleine de larmes qui ne peuvent tout à fait couler.
PS : J’ai eu la chance de découvrir ce roman en tant que bêta-lectrice.
Nancy, merci de m’avoir permis de vivre cette expérience et de mesurer le chemin parcouru entre les huit ou neuf versions lues et celle-ci, de vraiment voir le travail d'écriture, de vraisemblance, les recherches, de ressentir ces émotions qui accompagnent la création (et encore, j'avais un rôle moindre!!).
Merci à Nancy Guilbert ainsi qu’aux Editions Oskar
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