Vives et vaillantes. Sept héroïnes de contes. Praline GAY-PARA – 2018 (Dès 6 ans)
Publié le 18 Mai 2018
Vives et vaillantes
Sept héroïnes de contes
Textes de Praline GAY-PARA
Illustration d’Anne-Lise BOUTIN
Editions Didier Jeunesse, collection « Recueil de contes », avril 2018
60 pages
Dès 6 ans
Thèmes : Contes, Temps qui passe, amour, Peurs, Mort, Quête
Non, les filles et les femmes des contes ne sont pas des "nunuches" soumises et passives qui attendent sans rien faire que le Prince Charmant viennent les délivrer et les épouser.
Pour nous démontrer qu'elles sont volontaires, actives et actrices de leur destin, Praline Gay-Para, après une courte introduction, nous raconte sept contes issus de Méditerranée, méconnus, pour nous le prouver.
Puis, après une petite postface de Céline Murcier (directrice littéraire), elle nous indique l'origine, avérée, possible ou mêlée de ces contes, qu'elle a parfois mixé ou réactualisé pour coller à l'esprit d'aujourd'hui.
Le tout est vraiment intéressant, instructif et divertissant!
Je me suis régalée !
Quant à l’objet-livre, je le trouve très beau avec sa couverture rouge qui attire l'oeil et ses personnages en silhouettes, qui créent du mystère…
Sous la peau d’un homme
Conte existant dans les Contes de l’enfance et du foyer des Frères Grimm, les Contes populaires russes d’Afanassiev et dans les Contes populaires italiens d’Italo Calvino.
Ici, libre adaptation du conte d’Afrique du Nord, Tête-de-veau.
Dans ce conte, une jeune fille prouve à son oncle, et aux dépends de son cousin à qui elle a lancé un défi, qu’elle est intelligente, rusée et débrouillarde.
Pour ce faire, elle revêt, des habits d’homme, habite chez un Prince pendant un an, qui, troublé, lui lance à son insu trois épreuves pour déterminer son sexe… mais dont le verdict (elle serait un homme) mettent à mal les préjugés qu’ils véhiculent. Et c’est tant mieux !
Le conte finit comme il se doit : les deux jeunes gens se marient
La fille du savetier et la touffe de basilic
Conte-nouvelle très répandu dans les pays d’Europe méridionale (il existe plus de cent versions rien qu’en Sicile), au Maghreb, et au Moyen-Orient, comme en Amérique Latine.
Ici, libre adaptation du conte du Liban, « La Planteuse de cumin ».
Dans ce conte, une jeune fille, maligne, et le fils d’un Roi, fier de son rang, se livrent une joute verbale rythmée et rimée.
D’abord galante mais piquante, elle devient vite moqueuse, voire même compétitive…
Un jour, le Prince la demande en mariage, ce qu’elle accepte, non sans demander un délai pour pouvoir préparer un dernier ( ?) coup !
Ce conte est vraiment plein de malice et de réparties.
Il est vraiment très agréable à lire et à dire !
Bonjour jeune fille à la voix si belle
Combien de feuilles ta touffe de basilic a-t-elle ?
Et toi, jeune homme à la voix si frêle
Combien de poils ta barbe porte-t-elle ?
Et quelle saveur avait le baiser
Qui a payé le poisson frais ?
Et celui qu’a la mule tu as donné
Etait-il amer ou sucré ?
Maîtresse, il y a des puces et des moustiques
Ça pique, ça pique, ça pique !
Je suis jeune, tu t’es trompée
Mon père et ma mère, c’est la porte à côté !
L’Amoureux de sucre, de miel et de farine
Conte venant surtout de Grèce, mais aussi en Turquie en Italie (chez Basile ou Italo Calvino).
Ici, libre adaptation du conte de « L’Amoureux fait de miel » du Sicilien Giuseppe Bonaviri.
Une jeune femme, fille d’un cordonnier veuf, n’était à 20 ans, toujours pas mariée.
Un jour, elle demande à son père de lui apporter du miel, du sucre et de la farine afin de créer l’homme qu’elle ne trouve pas en vrai.
Pour ce faire, elle se laisse un an, un mois et un jour. Après moult essais et un baiser de vie, le résultat est à la hauteur de ses attentes et elle sort se pavaner au bras de son amoureux.
Mais une vieille femme, de qui elle s’est moquée, lui lance une malédiction. Le jeune homme a disparu et ce ne sera qu’après avoir usé sept paires de souliers qu’elle pourra le retrouver.
Sorfarina
La plus ancienne version littéraire de ce conte remonte au XIe siècle et il a inspiré, depuis, nombre de grands auteurs.
Ici, libre adaptation de « L’Histoire de Sorfarina », collectée en Sicile par Laura Gonzenbach au XIXe siècle.
Sorfarina était une belle et intelligente jeune fille qui allait à l’école avec le fils unique du Roi.
Un jour, alors qu’elle faisait la classe en remplacement du maître, elle donna une claque au Prince qui n’était pas attentif.
Bien des années plus tard, le Prince demande en mariage Sorfarina, qui accepte, mais la gifle arrive très vite dans leur discussion, et aucun ne veut lâcher sa position.
Lui veut des excuses, tandis qu’elle estime qu’elle était justifiée, et qu’elle est prête à lui en coller une autre.
La nuit et plusieurs semaines passent, et chacun reste sur ses positions. Jusqu’au chantage qui n’aboutit pas.
Mais le Prince a oublié, ou ignore, combien son épouse est maligne et pleine de ressources.
Drita, la jeune fille soldat
Ce conte ressemble à celui de « Sous la peau d’un homme », mais sa fin, radicalement différente, le place dans la catégorie des contes merveilleux, alors que l’autre relève des u conte-nouvelle.
Ici, L’auteure s’est inspirée de « La Fille changée en garçon » des Contes albanais d’Auguste Dozon (1881)
Ce conte ressemble beaucoup à celui de Mulan, la jeune fille guerrière chinoise.
Dans ce conte, une jeune fille, Drita, la benjamine d’une fratrie de trois sœurs, décide de partir à la guerre à la place de son père, trop vieux. Elle se travestit donc en homme et s’en va.
Dans le même temps le Roi est désespéré de devoir livrer son fils unique à la kulshedra, l’hydre à sept têtes, en l’échange de la paix.
Drita arrive au château juste à temps pour tuer le monstre et ainsi sauver le Prince, qui lui conseille de demander en remerciement à son père, son cheval Demirçil, plutôt qu’un royaume.
Il se trouve que ce cheval est d’une rare intelligence et qu’il est doté de paroles.
Dans le royaume voisin, Drita, avec l’aide de Demirçil, réussit un défi, lui permettant d’épouser la fille du roi.
Mais elle ignore que Drita est aussi une fille et cette dernière devra subir plusieurs épreuves pour garder la vie. La dernière lui permettra même de devenir un homme !
A mon sens, ce conte s’éloigne un peu du postulat de ce recueil. En effet, même si Drita accomplit divers exploits (que le l’on pense réservés aux hommes), elle ne les réussit (sauf le premier) et survit que grâce aux conseils délivrés par un être masculin (le Prince, le cheval et même un serpent). Dès lors, peut-on vraiment dire, ici, qu’elle est maîtresse de son destin ?
La Jeune Fille plus avisée que le juge
Conte existant chez les Frères Grimm, en Europe et dans le monde.
Ici, adaptation personnelle de l’auteure et mix de différentes versions.
Ce conte est un régal d’énigmes à lire, à dire et à relever !
Alors qu’un jeune juge rentrait de voyage, il fut surpris par la nuit et demanda l’hospitalité dans une petite chaumière où habitait une jeune fille et ses deux parents.
Pendant la nuit, le père posa une question à sa fille, à laquelle elle répondit simplement, comme si c’était une évidence.
Charmé par cette réponse, le juge convoqua le lendemain le père au tribunal d’une drôle de manière. Décontenancé, le père demanda conseil à a fille qui lui dit comment faire, et fit de même le lendemain lorsque son père dut à nouveau se rendre au tribunal.
En procédant ainsi, le juge, non dupe, voulait s’assurer de l’intelligence de la jeune femme qui le charmait et qu’il souhaita épouser.
La Lune brille par la lumière du Soleil,
Le Soleil a reçu douze étoiles de la Lune,
Le Soleil veut-il briller aux côtés de la Lune ?
Lorsque leur mariage fut acté, il ne lui demanda qu’une seule chose : qu’elle ne se mêle jamais de ses jugements au tribunal…
Mais un jour, elle manqua à sa parole, bien involontairement…
La Fille qui détestait les hommes
Ce conte vient d’Inde et est plus connu sous la version tibétaine de « La Fille de nid bum »
Ici, cette version a été recueillie au Liban en 1981 par l’auteure.
Dans ce conte, une jeune fille refuse de se marier, ni même d’avoir un seul contact avec un homme.
Son père, agacé par la visite de multiples prétendants, ensuite éconduits, lui fit construire une île, sur laquelle elle se réfugia tout en en interdisant formellement l’accès à tout homme.
Pourtant, un Prince, déguisé en marchand, arriva à pénétrer dans le palais, à percer son secret et à lui faire un cadeau.
Curieuse, elle chercha à savoir qui il était et le fit rechercher.
La suite, on la devine, à peu près !
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C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert ces sept contes, et surtout ces caractères féminins, indépendants, rusés, déterminés.
Mais, en comparaison, la figure des hommes semble souvent terne ou faible (notamment dans Sorfarina), sauf dans La Jeune Fille plus avisée que le juge, voire La fille du savetier et la touffe de basilic.
Surtout, ces contes en rappellent d’autres, et démontrent que sa fore n’est pas fixe, qu’elle évolue, s’adapte en fonction des époques et des lieux mais sans pour autant perdre de sa facétie ou de son message.
S'il existe des récits entiers ou des motifs du répertoire traditionnel sexistes, c'est à nous qui les transmettons aujourd'hui de faire le tri dans ce que nous racontons et de penser nos histoires ici et maintenant.
Un recueil à découvrir et partager, que l’on soit fille ou garçon !
Merci aux Éditions Didier Jeunesse.
Ce recueil participe au « Petit Bac 2018 » d’Enna, pour ma 6e ligne, catégorie Mot Positif.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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