Mariée par correspondance. Mark KALESNIKO – 2008 (BD)
Publié le 11 Avril 2018
Mariée par correspondance
Mark KALESNIKO
Traduit de l’anglais par Laura PARRAT
Editions Paquet, septembre 2008
266 pages
Thèmes : Canada, Corée, mariage, Amitié, Identité, Fuite, Art, Liberté
Le titre de ce roman graphique, et sa couverture, m’ont immédiatement fait penser au magnifique roman choral de Julie Otsuka, Certaines n’avaient jamais vu la mer.
Un roman sur les mariages arrangés, d’après de simples photographies, qui firent venir nombre de jeunes Japonaises aux Etats-Unis à la fin de la Première Guerre mondiale.
Mais si la rencontre de Monty Wheeler (Canadien) et de Kyung Seo (Coréenne) est le fruit d’une annonce et d’un échange photographique débouchant sur un mariage, le parallèle s’arrête là.
Les lieux, l’époque ni le récit n’étant similaires.
Ce roman graphique finit comme il a commencé : dans un moment de tension, sur une corde raide.
Mais entre le début et sa fin, les caractères des deux personnages nous ont été révélés, avec leurs espoirs, faiblesses, craintes, désirs aussi.
Et nos sentiments à leurs égards bien tourneboulés.
Monty Wheller a 39 ans, est célibataire, vit à Bandini, est l’heureux propriétaire d’un magasin de jeux-jouets-bandes dessinées, se décrit comme un homme-enfant, et son appartement, juste au-dessus du magasin, ressemble à une annexe tant il est encombré de poupées, affiches, figurines, collections diverses et masques…
Monty ne sort que pour assurer ses livraisons (le jeudi), pour rendre visite à sa famille (qui le moque, voire l’humilie), ou à un groupe de retraités, ses seuls amis.
Et il a un fantasme : les femmes asiatiques… dont il a une certaine vision.
C’est donc après avoir répondu à une annonce matrimoniale qu’il rencontre Kyung Seo, une jeune Coréenne, très grande, très fine, qui parle l’anglais parfaitement et sans accent.
De son passé, on ne sait rien, elle n’en dit rien, elle a tout effacé dans sa mémoire, dans son comportement. Elle n’a gardé qu’une robe traditionnelle, qu’elle dit détester mais que Monty adore. Elle la rend « si exotique », « si asiatique ».
Tout le long de l’album, les deux apprennent à se connaître, se jaugent, s’affrontent, revêtent différemment masques…
Surtout Kyung.
Lui, on le cerne très vite. Ses nombreux points négatifs étant très mis en avant.
Tandis qu’elle, elle prend ses marques peu à peu, se révèle moins docile, « moins asiatique » que prévu.
Elle s’expose, devient modèle photo, prend des courts d’Art, se fait des amis (notamment Eve une photographe éprise de liberté, et Franck, un professeur d’Art, vétéran du Vietnam).
Elle sort, rentre tard, s’émancipe … mais se retrouve confrontée à la réalité, celle qu’elle ne faisait que fuir…
Liberté, apparences, ennui, valeurs morales, résignation, besoins émotionnels, exigences, le récit explore cette relation de couple forcément si particulière, bâtie autour de rien, d’idées reçues et d’aspirations contraires, si ce n’est celle du changement.
La fin est ouverte, mais on la sent oppressante.
Le dessin, en noir et blanc, froid, presque brouillon, maintient notre empathie à distance.
Nos sentiments à l’égard des personnages balancent constamment. Car de nouvelles révélations viennent entacher le petit attachement que l’on pourrait avoir pour l’un ou l’autre.
Des portraits de jeunes filles sensuelles, aux lèvres pleines et pulpeuses, et un adjectif, rappellent à Monty la teneur de l’annonce mais aussi la profondeur de son illusion/désillusion quant à son épouse, qui ne leur correspond en rien.
Cet album fut nominé pour le Prix du meilleur album à Angoulême en 2005 (première édition en 2004), et a remporté le Prix de la Meilleure BD adaptable au Cinéma lors du Forum International Cinéma et Littérature de Monaco en 2005.
Il participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Stephie (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu’au « Petit Bac 2018 » d’Enna pour ma 5e ligne, catégorie Déplacement.
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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