La nostalgie heureuse. Amélie NOTHOMB (2013)
Publié le 3 Avril 2018
La nostalgie heureuse
Amélie NOTHOMB
Editions Albin Michel, août 2013
162 pages
Thèmes : Retour, Japon, Mémoire, Histoire, Transmission
Lorsque j'avais entendu Amélie Nothomb parler de son (nouveau) roman lors de la Rentrée Littéraire 2013, j'ai eu le sentiment qu'elle parlait (aussi) un peu de moi. C'est pourquoi je me suis ruée pour l'acheter mais que j'ai mis, paradoxalement, tant de temps pour le lire.
Amélie explore et donne un autre sens au mot « nostalgie » (d’où le titre) et à ce qu’elle appelle « la pulsion du néant ».
Pour faire simple : c'est vouloir vraiment quelque chose mais tout faire pour ne pas l’obtenir, trop tenté par « l’appel du vide ».
« Natsukashii » désigne la nostalgie heureuse, répond-elle, l’instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l’emplit de douceur. Vos traits et votre voix signifiaient votre chagrin, il s’agissait donc de nostalgie triste, qui n’est pas une notion japonaise.
A la question de savoir si la madeleine de Proust est nostalgique ou « Natsukashii », elle penche pour la deuxième option. Proust est un auteur nippon.
Mars-avril 2012, seize ans après avoir quitté, fui, le Japon une seconde fois (la première étant lorsqu’elle avait cinq ans suite à la mutation de son père, diplomate), Amélie y revient.
« Métaphysique des tubes » y est traduit et la télévision souhaite réaliser un reportage-documentaire sur son enfance japonaise.
Il lui faut donc y retourner, retrouver des lieux, en partie perdus par le temps ou le béton, ou anéantis par le séisme de Kobé (1995) ou la catastrophe de Fukushima (2011) : Osaka-Kobé-Shukugawa-Kyoto-Tokyo-Fukushima-Tokyo / son ancienne maison, son école maternelle, le lieu du séisme, le parc Shirogane Koen, le quartier Shibuya.
Et bien sûr, revoir des personnes.
Rinri évidemment, le fiancé éconduit qu’elle a plaqué sans préavis et dont elle a raconté leur histoire dans « Ni Eve ni d’Adam » mais aussi Nishio-san, sa nounou d’alors, quittée lorsqu’elle avait cinq ans, et qu’elle retrouve (si) vieille femme.
« Tout ce que l’on aime devient une fiction. »
Si ce roman constitue une belle suite à « Ni d'Eve ni d'Adam », notamment parce qu’il nous dévoile ce qu’est devenu Rinri mais aussi le regard qu’il porte sur la relation qu’ils ont entretenue, il n’en a pas le même ton.
Celui-ci est plus lent, intimiste, introspectif et beaucoup pourraient être rebutés par cet aspect.
Et, comme souvent, Amélie Nothomb a tendance à « se minorer », à raconter des détails incongrus (ses humeurs) et pas spécialement utiles à la narration.
Mais lorsqu’on la « connaît » (ou tout du moins son écriture »), cela passe et peut même être plaisant.
Certains passages sont même drôles même s’ils ne sont pas les plus nombreux. Je pense notamment au choix, pour le moins étonnant, du prénom du futur bébé de la traductrice de « Métaphysique des tubes ».
Je pense que ce roman est plus à lire en complément de ses précédents autobiographiques ; comme une sorte d’annexe.
Dans un sens plus large, Amélie Nothomb distille, avec anecdotes et références culturelles nippones, des réflexions sur le sens de la vie, de nos existences, ce qu’on se permet, s’oblige ou s’interdit. Avec une mise en opposition de l’Occident et du Japon.
Elle apporte aussi son regard sur l’expérience du vécu.
A aucun moment je n’ai décidé d’inventer.
Cela s’est fait de soi-même. Il ne s’est jamais agi de glisser le faux dans le vrai, ni d’habiller le vrai des parures du faux. Ce que l’on a vécu laisse dans la poitrine une musique : c’est elle qu’on s’efforce d’entendre à travers le récit. Il s’agit d’écrire ce son avec les moyens du langage. Cela suppose des coupes et des approximations. On élague pour mettre à nu le trouble qui nous a gagnés.
Ce roman participe au Challenge « Un mois au Japon » d’Hilde et Lou, à celui de Pauline consacré à Amélie Nothomb, ainsi qu’au « Petit Bac 2018 » d’Enna, pour ma 4e ligne, catégorie Mot Positif.
D'Amélie Nothomb, je vous ai présenté:
- Barbe-Bleue.
- Un essai sur Barbe-Bleue dans lequel son roman est cité et analysé.
- Ni d'Eve ni d'Adam.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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