Ker-Is. La légende de la ville au milieu des flots. Jean-Pierre KERLOC'H et Jérémy MONCHEAUX – 2010 (Dès 8 ans)
Publié le 18 Mars 2018
Ker-Is
La légende de la ville au milieu des flots
Texte de Jean-Pierre KERLOC'H
Illustrations de Jérémy MONCHEAUX
Editions Albin Michel Jeunesse, septembre 2010
Dès 8 ans
Notions abordées : Légende, Conte, Bretagne, Amour, Religion, Liberté, Mythe
Nous voici contée une légende bretonne, un mythe des origines.
Une légende faite de terre et de mer, de croyances et de superstitions, d’amours et de traîtrise, de liberté et de prémonitions.
Et comme toute légende, Ker-Is (aussi orthographiée Ker-Ys ou simplement Ys) est un récit mille fois narré, modifié, allongé même, christianisé aussi, et qui nous est ici conté dans l'une de ses versions primitives.
En des temps révolus, le Roi Gradlon, puissant souverain de Kemper et de Cornouaille, revint de guerre chevauchant Morvac’h, le vigoureux Cheval de Mer, et ramenant contre lui sa fille, Dahud, née de son union avec une femme de l’Outre-Monde.
Les années passèrent et Dahud grandit, toujours plus belle, toujours plus libre, toujours plus rebelle.
Alors qu’une marée basse exceptionnelle révélait les fonds marins, Dahud demanda à son père de luis construire une cité sur ce sable des profondeurs, ressentant le lien qui l’unit à ces lieux.
Bâtie en trois nuits, la ville était magnifique.
Elle était protégée des marées les plus fortes et des terribles tempêtes de l’hiver par une haute muraille de granit. Elle était fermée par une double porte de dur airain. Et les marins pouvaient l’apercevoir de loin, émergeant dans l’écume comme une couronne de lumière posée sur l’écrin gris-vert de la Mer.
On l’appela Ker-Is, ce qui voulait dire « la ville plus basse que la Mer ».
Avec ses tourelles, ses portiques, ses palais de marbre et ses dômes de vermeil, ses statues de porphyre, ses jardins suspendus, ses rues pavées d’ivoire, ses mosaïques de nacre et de corail, elle surpassait en splendeur toutes les cités de légende, Héliopolis, Xanadu, et Babel, dont la tour montait jusques aux cieux. Elle étai si belle que plus tard, lorsque les Galots de France bâtirent leur capitale, ils l’appelèrent Par-Is, ce qui signifiait « semblable à Is ».
Joies, fêtes, danses, plaisirs, poésies, musiques y étaient de mise.
Dahud était libre de tout.
Seul un devoir lui incombait : fermer les portes-écluses, grâce à la clé d’or toujours suspendue à son cou, lors des marées hautes ou les jours de tempête pour ne pas que l’eau noie la cité.
Tout ceci contrariait très fortement le premier conseiller du Roi Gwennolé, homme de sérieux et de la religion du Dieu unique, déplorant la dépravation de meurs tout en la jalousant.
Un jour de printemps, un mystérieux visiteur accosta à Ker-Is. Il permit aux habitants de la cité de vivre une dernière fête somptueuse, les enivrant de musique, conquérant le cœur de Dahud.
Qui était-il? Nul ne le sait vraiment, mais de sombres desseins l’animaient.
Au petit matin l’eau pénétrait la Cité, percutant les murs, envahissant les salles, noyant les voix et les regards…
Dahud ne put jamais rejoindre le rivage bien que son père l’ait sortie de Ker-Is grâce à Morvac’h.
Son ancien conseiller, Gwennolé, homme sombre, religieux du Dieu unique, se dressait aussi rigide que sa morale, lui ordonnant de se séparer du démon, se faiant se cabrer le cheval et sombrer Dahud dans les eaux.
On dit que lorsque la mer est calme, non loin des côtes de Douarnenez, on peut apercevoir dans l'eau, les reflets de la cité, et entendre dans le vent, une chanson résonner...
Et ceux qui savent dire encore la langue d’autrefois aiment à rappeler l’antique prophétie :
Pa vo beuzet Paris
Ec’h advaso Ker-Is
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Quand Paris sera noyé sous les eaux
Alors Ker-Is ressurgira des flots.
L’engloutissement d’Is serait pour certains la victoire du Bien sur le Mal.
Pour d’autres, l’expression de la punition divine s’exerçant sur les habitants pêcheurs de la Cité ; annonçant ainsi la transition d’un paganisme celtique vers le christianisme.
Ainsi, Dahud emprunte-t-elle deux figures opposées : celle d’une victime ou celle d’un danger pour la Foi.
Ce triste mais magnifique album est superbement illustré par Jérémy Moncheaux !
Ses peintures (à l’huile ?) mises en pleine page face au texte ciselé de Jean-Pierre Kerloc’h, ou même en double-page, nous immerge dans ces paysages, dans cette cité, nous fait ressentir les vents et les embruns…
Elles me renvoient à celles, non moins sublimes, de François Roca.
Cet album participe au Challenge de Bidib « Le Mois des Contes et des Légendes », à celui de Sophie Hérisson "Je lis aussi des albums 2018" (18/60), ainsi qu’au « Petit Bac 2018 » d’Enna, pour ma 3e ligne, catégorie Lieu.
Bidib a fait une présentation plus complète de cette légende sur son blog – CLIC – en album, BD, et chansons.