Esclaves aux Trois-Rivières. Hervé MADAYA – 2017 (Dès 12 ans)

Publié le 16 Février 2018

Esclaves aux Trois-Rivières

 

Hervé MADAYA

Editions Les Points sur les i, collection « Réconciliation », mai 2017

160 pages

Dès 12 ans

 

Thèmes : Esclavage, XVIIIe siècle, Amitié, Amour, Entraide, Liberté

 

Je crois avoir beaucoup lu sur le thème de l’esclavage (et je sais qu’il m’en reste encore beaucoup à découvrir), mais cela concernait presqu’exclusivement les Etats-Unis. Or, il n’y a pas qu’eux qui ont « bénéficié » de cette manne quasi gratuite et corvéable à merci : Il y a aussi eu les Îles, françaises, hollandaises et anglaises.

Trois-Rivières, c’est le nom d’une ville (en rouge) de Guadeloupe, île française.

Elle doit son nom aux trois cours d’eau qui parcourent son étendue : La Rivière du Trou au Chien ; la Rivière du Petit Carbet ; la Rivière Grande Anse.

Entre elles se trouvaient auparavant de nombreuses plantations de cannes à sucre (aujourd’hui de bananes), dont les riches propriétaires tiraient profit grâce aux esclaves noirs ramenés d’Afrique.

 

Hervé Madaya nous emmène dans l’une d’entre elles, alors que l’esclavage fait l’objet de nombreuses remises en question de par le monde et soulèvements, généralement sanglants.

Tour à tour aboli ou rétabli, au gré des pressions économiques, politiques et raciales, ces remous n’épargnent pas la Guadeloupe où vivent des Blancs, des Noirs libres et des esclaves.

 

C’est dans la propriété de Mathieu de Deauville que le récit d’Hervé Madaya se centre, entre 1790 et 1803, mais plus largement entre 1760 et 1850 car il accompagne son histoire de nombreuses allusions historiques avérées.

Cette exigence de véracité historique m’a beaucoup plu, et me semble même nécessaire pour tous ceux qui, comme moi, ne connaissent pas bien cette « partie » de l’Histoire de l’esclavage, que ce soit depuis la prise en Afrique, jusqu’aux différents points de vente, et ici aux Antilles.

Mais, bouleversant la chronologie au début du roman, cela m’a demandé de relire certains passages.

 

Ainsi, nous faisons connaissance avec Ana-Laura, épouse de secondes noces de Mathieu de Deauville, de vingt ans son aîné, riche, autoritaire, violent.

Bien que fille d’un esclavagiste espagnol (Señor Ignacio), ayant toujours vécu à Paris, elle ne partage pas les vues de son mari et espère pouvoir l’influencer.

 

Elle se lie d’amitié avec Da-Sylva, née Yaté, arrivée à Trois-Rivières en 1792 et qui est domestique de maison.

Mathieu de Deauville réprouve ce lien mais n’arrive pas à le rompre.

Dans la relation liant la patronne et sa dame de compagnie, c’étaient leurs âmes qui échangeaient, dépassant toute différence.

Sur la plantation, de nombreux couples d’esclaves se forment.

C’est ainsi que Da-Sylva et Mongo tombent amoureux.

De nombreux enfants naissent, bien qu’il soit « conseillé » aux mères de ne pas s’attacher à eux, car valeur marchande gratuite, ils peuvent être vendus à tout moment.

Mais avec eux, en dépit de cela, une force naissait...

Des couples se formaient entre ces déracinés qui, venus des horizons dont ils ne se souvenaient pas du chemin, étaient conscients qu’ils seraient « assimilés » d’une certaine manière à la culture européenne.
(…)
Une nouvelle cuisine et des mœurs nouvelles naissaient.
Une identité hybride vit le jour.
Un nouveau peuple célébrait sa venue au monde !

En 1793, alors que les deux femmes apprennent leur grossesse, une terrible rébellion secoue la ville et est depuis dénommée Le Massacre des Trois-Rivières.

Puis, telle une fumée qui se répand inexorablement, des nouvelles leur parvinrent ayant peut-être un lien avec cet étrange mal-être qui habitait depuis quelques jours les habitants : selon une certaine rumeur, dont les jambes aussi longues que celles des dromadaires couraient à travers la ville, des travailleurs s’en prendraient aux Blancs à travers la Guadeloupe, passant d’une habitation à l’autre, laissant derrière aux cris de détresse et désolation. On racontait que la révolte était menée par Pierre et Jean-Baptiste, connus par la plupart des nègres, et cela n’étonna personne, vu ce qu’il s’était passé un an plus tôt à Grande Anse.

Les deux enfants, nés à quelques mois d’intervalle, une fille (Meggy) pour la première, un garçon (Petit-Jean) pour la seconde, passent tout leur temps ensemble, protégés par leurs mères et éduqués dans le respect de l’autre.

Jusqu’à ce que la réalité de leur vie et de leurs conditions les rattrape…

Sauront-ils, pourront-ils y échapper, aller au-delà ?

 

Source photo - CLIC

 

Hervé Madaya nous immerge dans une histoire qui exacerbe notre sensibilité.

La photographie de couverture (issue du Monument aux Esclaves, Stone Town, à Zanzibar en Tanzanie) est vraiment dure et est à l’image des sous-entendus du livre. Car si nous imaginons les exactions, elles ne sont pas toutes décrites, et c’est très bien ainsi.

 

Un roman intéressant, et sans doute nécessaire tant les conséquences de l’esclavage sont toujours palpables, quelque soient leurs formes actuelles.

 

Merci aux Editions Les Points sur les i

 

Ce roman participe au Challenge d’Enna « African American History Month » (certes, il ne se déroule pas aux Etats-Unis mais les changements qui s'y déroulent impactent les Îles, dont la Guadeloupe).

Belles lectures et découvertes,

Blandine

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N
Ce qui est encore plus terrible que ces histoires (abominables) du passé, c'est de savoir que sur notre belle planète, l'esclavage existe toujours...<br /> Avais-tu lu cette terrifiante bd "Atar Gull ou le destin d'un esclave modèle" ? http://www.dargaud.com/bd/Atar-Gull/Atar-Gull/Atar-Gull-tome-0-ou-le-destin-d-un-esclave-modele
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N
Cette histoire a l'air poignante !<br /> Quant à la couverture, elle donne des frissons. <br /> Merci pour la découverte Blandine et bon week-end.
Répondre
B
Oui la couverture, même si la statue est en pierre, est très forte!<br /> Bon week-end à vous aussi Nancy!
E
ça a l'air vraiment intéressant! Surtout pour les jeunes lecteurs! Par contre ça ne rentre pas vraiment dans mon challenge car je prends les titres qui parlent des Noirs aux Etats-Unis...
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E
Si tu dis que les États-Unis sont évoqués, on va le laisser
B
En effet, je m'en suis rendue compte au cours de ma lecture. Les Etats-Unis sont abordés, mais dans les précisions historiques, qui sont intégrées à la narration. Si tu veux, je retire!