Baddawi. Une enfance palestinienne. Leila ABDELRAZAQ – 2018 (BD)
Publié le 7 Février 2018
Baddawi
Une enfance palestinienne
Leila ABDELRAZAQ
Traducton de Marie GIUDICELLI
Editions Steinkis, janvier 2018
120 pages
Thèmes : Conflit israélo-palestinien, Liban, école, vie quotidienne, famille, Histoire, Mémoire, Transmission, Quête
Voici un album comme je les aime.
Des pages épaisses, un dos arrondi, un petit format (19x21cm) presqu'intimiste, pour une prise en main aisée et un fort message. Avéré.
Un album qui me permet d’apprendre, de ne plus ignorer, de savoir. Le conflit israélo-palestinien est toujours d’actualité et pourtant je ne le « connais » que trop peu.
Un album qui mêle la grande Histoire à la petite, à cause d’épreuves qui la dépassent, l’enferment et la conditionnent.
Un album qui raconte un parcours de vie, et celles qui se rattachent à lui, forcément.
Un album de souvenirs et de transmission, d’une nouvelle génération qui ne veut plus subir.
Leila Abdelrazaq est américaine, d’origine palestinienne.
Dans son premier roman graphique, elle nous raconte l’enfance de son père, et par lui, de l'histoire de son pays, celui de ses aïeux, et de tous ceux qui ont dû le fuir à cause de la guerre et dont le retour leur est interdit.
Sur la couverture, ce petit garçon au t-shirt rayé, représenté de dos, emblématique.
Son prénom est Handala. Il a été créé par l’artiste Naji al-Ali.
Naji al-Ali avait promis qu’Handala grandirait et que le monde découvrirait son visage quand le peuple palestinien serait libre et autorisé à rentrer chez lui.
Naji al-Ali a été assassiné en 1987, et Handala ne s’est toujours pas retourné. Il est aujourd’hui à la fois l’un des symboles les plus célèbres de la résistance palestinienne et la représentation la plus évidente de l’enfant réfugié palestinien.
Leila a donné les traits de son père, Ahmed, à Handala.
D’Handala, elle a prit le t-shirt rayé. Il nous permet de reconnaître instantanément Ahmed.
Avec un trait épais et en noir et blanc, qui n'est pas sans rappeler ceux de Zeina Abirached et Marjane Satrapi, et dont quelques motifs reprennent les dessins typiques de la broderie traditionnelle palestinienne (appelée tatreez), Leila nous immerge dans le quotidien d’une enfance vécue en temps de guerre, qui cherche à se construire et à éclore, quitte à faire fi des traditions.
Son récit se scinde en trois parties et court de 1959 à 1980.
De la « Nakba » (= Catastrophe) que son père n’a pas connue, mais qui a entraîné la fuite de ses grands-parents de Palestine vers le nord Liban et le camp de Baddawi (qui donne son titre à cet album), puis l’emménagement à Beyrouth, le retour au camp et surtout à son école.
Jusqu’au départ d'Ahmed vers les Etats-Unis, et le Texas, où il part pour ses études.
Entre deux, Leila figure les différentes scènes de la vie quotidienne, comme l’école, les jeux, les copains, les bêtises, les bobos, la fratrie (ils étaient neuf), le travail du père et son absence.
Celles-ci sont communes à tous les enfants, à la fois banales et extraordinaires, intimes et nécessaires.
Ces scènes aux doux noms d’enfance (le CP, les billes…) sont entrecoupées, entachées, puis investies par celles de la guerre et de son vocabulaire (le raid nocturne ; les bombes à sous-munitions ; « Al-Naksa » - la défaite ; « intifada » - soulèvement, …), de la peur, du danger, de la restriction et de la mort.
Celle des militaires, des civils puis des proches
Bientôt, ces deux quotidiens se confondent.
Si Ahmed apprend les échecs, c’est pour tuer le temps passé à la cave lors des bombardements.
J'y ai beaucoup appris, en termes historiques, en termes humains.
Un glossaire et quelques photos d’Ahmed jeune et de sa famille ferment l’album dont je suis ressortie un peu sonnée et émue.
Malgré la dureté des faits, authentiques mais sans pathos, le propos reste doux, empreint d’une tendre mélancolie et de beaucoup de sensibilité.
Cette histoire parle d’une seule personne, mais les faits sont racontés dans d’innombrables familles, aux enfants, tard le soir et au moment du coucher. Nous mélangeons nos récits à notre café avec de la cardamome, puis nus lisons dans le marc resté au fond de la tasse notre retour au pays. Parce que pour les palestiniens, la préservation du passé est un acte de résistance. Cela nous rappelle que nous devons continuer à nous battre, jusqu’à la libération et jusqu’au retour.
Découvrez l'avis de Mo';
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Moka (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu’au « Petit Bac 2018 » d’Enna pour ma première ligne, catégorie Lieu.
Merci aux Editions Steinkis
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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