Auschwitz. Pascal CROCI – 2002 (BD)

Publié le 22 Août 2018

Auschwitz

 

Scénario et dessins de Pascal CROCI

Emmanuel Proust Editions, collection « Atmosphères », août 2002 (4e édition)

94 pages

 

Thèmes : Shoah, Auschwitz, famille, Guerre, Mémoire, Histoire, Transmission

-Et combien de temps êtes-vous resté dans le silence ?
-Cinquante-deux ans ! Je vous le dis, avant, on ne s’intéressait pas à tout ça…

Témoignage de Maurice Minkowski.

Ces quelques mots qui ouvrent l’album ont été recueillis par Pascal Croci parmi les nombreux témoignages qu’il a reçus dans l’optique de cet album pour transmettre, faire perdurer le souvenir des disparus et raconter l’enfer vécu dans ses moindres détails par les rescapés des camps, et qui s’en vont à présent…

 

Mais comment parler d’un tel sujet lorsqu’on n’est pas historien ? Son empathie et son désir de connaissance comme de transmission sont-ils assez légitimes ? Longtemps, les scénaristes de BD se sont confrontés à cette épineuse question lorsqu’il s’agissait de retranscrire l’Histoire (Le magazine Beaux-Arts en a fait le sujet de l’un de ses hors-série, consacré à la Première Guerre mondiale – mais transposable)

 

Le dossier qui clôt l’album nous apporte son point de vue, la genèse et le cheminement de son travail (qui lui a pris 5 ans), ses sources d’inspiration (Shoah ; La liste de Schindler mais aussi La vie est belle, …) les personnes rencontrées, leurs réactions aux différentes étapes, ainsi que des éclaircissements sur les camps et la vie à Auschwitz-Birkenau.

 

Pour ce faire, Pascal Croci a entremêlé les différents témoignages reçus, faits dénichés dans des livres (notamment la survie d’une jeune fille dans la chambre à gaz), ainsi que deux époques – comme un continuum dans les guerres et la cruauté possible des Hommes envers leurs semblables … pour qu’Aushwitz ne demeure pas comme un élément du passé.

Parce qu’après Auschwitz, il existe encore des Hommes pour tuer d’autres Hommes, d’autres crimes contre l’humanité sont à craindre.

Il les a cristallisés dans le couple formé par Cessia et Kazik que l’on trouve et quitte en 1993, en ex-Yougoslavie.

Dans une ville en ruines et poursuivis, ils se confient, enfin l’un à l’autre, sur leur détention à Auschwitz, les épreuves subies, et le décès de leur fille Ann (en couverture).

 

Ses planches, uniquement en noir, blanc et gris, retranscrivent les arrivées au camp par le train, les ordres aboyés, les exécutions sommaires, la brutalité des kapos, la construction de la rampe, les différentes personnalités (mais non moins cruelles) des officiers, le Sonderkommando, les épidémies à la Libération et surtout l’existence du camp des familles au centre d’Auschwitz et dont nombre de témoins ignoraient l’existence.

Il a accueilli des Tchèques juifs issus du ghetto de Therensienstadt.

S’y trouvaient donc dans un même lieu des hommes, des femmes et des enfants, qui ont gardé leurs bagages, pour qui une école a été créée et qui servait de lieu de théâtre pour les Allemands le soir.

Jusqu’au bout, ils ont cru pouvoir partir de là comme leur en assuraient les Nazis. Ce ne fut pas le cas.

Le dessin de Pascal Croci (dont il explique la volonté) est très minutieux et réaliste mais aussi froid (voire même glacé), dur, sévère, notamment dans les visages et plus particulièrement les grands yeux brillants qu'il a donné à ses personnages.

Le rendu nous garde à distance, d’autant qu’il n’est pas toujours aisé de reconnaître qui est qui, que ce soit du côté des Juifs ou des Nazis.

L’émotion passe tout de même, notamment avec la lecture et l’éclairage du dossier.

Et le souhait du devoir de mémoire de Pascal Croci est pleinement réalisé.

En partant sur les traces du « Boxeur d’Auschwitz » (Victor « Young » Pérez), Tomer Sisley a aussi œuvré dans ce sens. CLIC ICI et LA pour tisser le lien entre cette génération qui part et celle qui arrive.

Cet album participe au « Petit Bac 2018 » d’Enna, pour ma 8e ligne, catégorie Titre en un seul mot.

 

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

 

 

 

 

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S
Je l’aI lu il y a plusieurs années et j’en garde un souvenir poignant et dur.
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N
Tellement touchant et important...<br /> Dommage que ce soit en noir et blanc (pour le confort de lecture) mais les illustrations sont superbes.<br /> Merci pour la découverte, Blandine.
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B
Merci à vous!<br /> Je pense que le noir et blanc instaure une distance (temporelle et émotionnelle) tout en sublimant le dessin. Je ne sais pas si la couleur aurait pu permettre ce résultat...<br /> Cet album et le processus de travail et de reconstitution historique expliqués par l'auteur sont poignants!
M
Un album puissant qui me touche à chaque lecture.
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B
Et je comprends pourquoi!
N
Le titre et la couverture me font déjà plus peur que le pire des thrillers. .. Pas pour moi. Pas maintenant en tous cas !
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N
Je trouve la couverture très belle mais c'est le sujet qu'elle annonce qui m'effraie (même si je "sais" ce qui s'est passé, les récits sur ce sujet me bouleversent toujours autant. ..)
B
Je comprends... même si c'est cette couverture et cet œil qui m'avaient fait le prendre à la bibliothèque! Comme quoi ;-)