Gold Star Mothers. Catherine GRIVE et Fred BERNARD – 2017 (BD)
Publié le 29 Novembre 2017
Gold Star Mothers
Scénario de Catherine GRIVE
Dessins et couleurs de Fred BERNARD
Editions Delcourt, collection « Mirages », 23 août 2017
120 pages
Thèmes : Etats-Unis, Souvenir/Mémoire, Première Guerre mondiale, Histoire,
C’est chez Mo’, lors d’un RDV « BD de la semaine », que j’ai découvert cet album et que je me suis dit : « Il me le faut » !
Première Guerre mondiale, Mémoire, souvenir, deuil… autant de mots qui m’ont happée.
Réalisé dans le cadre du Centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis dans le premier conflit mondial, cet album m’a permis d’apprendre, à nouveau, quelque chose : l’existence des Gold Star Mothers.
Cette association (qui existe toujours) a été créée par Grace Darling Seibold (qui a perdu son fils) le 4 juin 1928 avec 24 autres mères de Washington, et a été soutenue par le Général Pershing et le Congrès américain.
En 1929, elle rassemblait des mères de tous les Etats-Unis, ayant perdu un fils ou une fille au service de leur pays, et dont le corps n’avait pas été, ou pu être, rapatrié. Plus tard, les épouses ou enfants ont aussi été concernés.
Grâce à des expéditions entièrement financées par le Congrès (il y en a eu dix entre 1930 et 1933 emmenant 6654 femmes), elle a permis à de nombreuses mères et épouses de soldats de pouvoir se recueillir sur la tombe de leurs enfants ou maris, de faire leur deuil, d’entretenir et commémorer leur souvenir.
Pour les morts de la Première Guerre mondiale, comme de tous les autres conflits dans lesquels les Etats-Unis ont pris part depuis.
Une importante statuaire les célèbre. Source de l'image CLIC
Les critères d’acceptation étaient rigoureux.
Ces femmes devaient ne s’être jamais rendues sur place, ne s’être pas remariées depuis, être en bonnes conditions psychologique et physique.
Elles pouvaient emmener deux valises et devaient porter une étoile dorée tout le long de l’expédition (s’adjoindront par la suite une jupe et une chemise blanche).
En raison de la ségrégation qui sévissait alors, les Blanches et les Noires ne sont jamais parties ensemble, et six expéditions de Gold Star Mothers d’origine africaine furent organisées pour 304 femmes.
Source de l'image - CLIC
Le voyage durait un mois en tout, la traversée de l’Atlantique durait deux semaines (une pour l’aller, une pour le retour). Sur place, en France, outre l’hébergement dans des hôtels prestigieux (tels le Ritz), tout était payé : les grands restaurants, les pourboires, la blanchisserie, les visites touristiques, mais aussi les fleurs…
Ce nom de Gold Star Mothers a été choisi en raison de la décoration, la Gold Star (qui a remplacé la Blue Star), remise de manière posthume aux Soldats ayant fait le sacrifice de leur vie à leur pays, et constituait (et aujourd’hui encore) dévotion et fierté pour leur famille. Un cérémonial comme savent si bien le faire les Américains.
Le dernier dimanche de septembre les célèbre chaque année.
Source de l'image - CLIC
Tout ceci, la postface de cet album nous le détaille quand les planches nous le racontent.
Elles nous dévoilent quinze jours de la première expédition, partie le 7 mai 1930 de New-York, jusqu’au cimetière de Verdun.
A son bord, s’y côtoient des femmes plus jeunes et plus âgées, des épouses de quelques mois ou de « toujours », des femmes fortunées ou de condition bien plus modeste.
Toutes sont mises sur un pied d’égalité, tant par la Mort, que par l’organisation du voyage.
Toutes s’entraident, se soutiennent. Certaines sont submergées par l’émotion ou la douleur, d’autres par la colère, toutes ressortent apaisées de ce voyage/pèlerinage.
Le scénario se centre sur six d’entre elles et principalement sur Jane Smith, future photographe, et sa mère qui ont perdu leur frère et fils, Alan. A Paris, Jane va pouvoir retrouver un peu de sa vie et parler avec l’une de ses amies, Marie. Outre voir sa tombe, c’était surtout ça qui lui importait.
Au-travers de son portrait, nous découvrons que de nombreux jeunes Américains se sont engagés dans le conflit bien avant l’entrée officielle de leur pays, grâce à la Légion Etrangère.
Pour Alan, était-ce par idéalisme ou par déception ?
Il y a aussi Clara, mariée trois mois avant que la guerre ne lui enlève son mari et avec qui Jane se lie d’amitié ; Mrs Hartfield, fermière au Texas, qui a perdu ses deux fils ; Mrs Vanderbilt ; et puis, Anna Platt, la plus fragile de toutes, qui a perdu coup sur coup son fils et son mari, et que toutes soutiennent.
Tel un journal de bord, chaque jour de cette quinzaine commence par une unique photo, en noir/bleu et blanc, alors que le reste des planches est empli de couleurs gaies et vives, dans lesquelles se mêlent parfois des ombres ou des terrains décharnés.
Chacun est ponctué de visites solennelles ou plus ludiques, légères (Tombe du Soldat Inconnu, Château de Versailles, l’Opéra, le Café de Flore, les Boutiques telles Chanel…) qui dévoilent un autre visage de la France sur lequel ces femmes apposent quelques clichés ou idées reçues…
J’ai beaucoup aimé découvrir cet autre aspect du Souvenir, et qui perdure encore. C’est très émouvant.
J'ai aimé suivre ces quelques personnages , l'évolution de leurs sentiments. Ces six femmes qui représentent des milliers.
J’aime lorsque la BD (mais aussi les autres supports livresques), me/nous permettent d’apprendre ou d’approfondir nos connaissances, de découvrir ou de faire sortir de l’oubli des histoires comme celle-ci, ou des destinées héroïques et souvent tragiques (Tels Victor « Young » Perez ; Emanuel Ringelbum ; Francisco Boix ; Alice Guy ; Marie Marvingt ; Battling Siki etc.)
Catherine Grive, canadienne, s’est spécialisée dans les cimetières militaires, ces lieux de souvenirs si particuliers. Elle s’est appuyée sur l’unique livre qui traite du sujet et qui lui a donc, paradoxalement, laissé le champ libre : « The Gold Star Mother Pilgrimages of the 1930s », de John W. Graham.
Elle a aussi écrit un roman sur ce sujet: Reste le chagrin, paru chez JC Lattès en mars 2017.
Par contre, et à l’inverse de beaucoup il me semble, si la plume de Fred Bernard me plaît vraiment (notamment lorsqu’il est en binôme avec François Roca), son coup de crayon moins. Trop de hachures, de « pattes de mouches ». Par contre, j’aime ses aquarelles pleine page et ses cadrages, vastes qui embrassent les monuments, les moments ou plans resserrés, plus intimes.
Mais après tout, ce qui compte, c'est bien cette histoire des Gold Star Mothers.
Découvrez l'avis de Mo'.
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Noukette (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu’à mon challenge consacré à la Première Guerre mondiale, au challenge « 1% Rentrée Littéraire 2017 » (23/6) de Sophie Hérisson et au « Petit Bac 2017 » d’Enna pour la 7e ligne catégorie Sphère familiale.
Pour écouter la présentation de l’album par Jacqueline Petroz c’est ICI, comme pour découvrir comment Fred Bernard raconte cette histoire tout en dessinant Jane.
De Fred Bernard, je vous ai déjà présenté sur le blog : L’Indien de la Tour Eiffel, album illustré par François Roca.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.