Les optimistes meurent en premier. Susin NIELSON – 2017 (Dès 13 ans)
Publié le 26 Octobre 2017
Les optimistes meurent en premier
Susin NIELSON
Illustration de couverture par Louise LOCKHART
Réalisée par Katie FECHTMANN
Editions Hélium, septembre 2017 (Parution au Canada en 2017 sous le titre Optimists Die First)
192 pages
Dès 13 ans
Thèmes : Adolescence, culpabilité, mal-être, angoisse, amitié, amour, humour, résilience.
Pétula, 16 ans, est une lycéenne emplie de mal-être et de certitudes négatives.
Pourtant, elle n’a pas toujours été ainsi.
Avant, elle était vive, joyeuse, hyper créative, avait des amis, et particulièrement Rachel.
Mais ça, c’était avant qu’un accident (j’ai frémi à sa lecture – j’en frémis encore à me le remémorer) détruise sa vie, sa confiance en elle, bouleverse son équilibre émotionnel et ne fasse vaciller sa famille.
Depuis, elle est persuadée que si les gens faisaient un peu plus (beaucoup) attention (à tout), moins d’accidents surviendraient. Que d’inconsciences commises par étourderies, illogismes ou au nom de la joie, même éphémère ! Que de malheurs et douleurs engendrés.
Les optimistes croient que tout s’arrangera pour le mieux. Les optimistes vivent dans un monde de déni en sucre glace aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Les optimistes passent à côté des signaux d’avertissement.
Les optimistes meurent en premier est devenu son mantra ; elle le nourrit des faits divers qui abondent dans les journaux et dont elle recense les plus incroyables ou courants dans un carnet, pour se souvenir que « prudence est mère de sûreté » (non non, ce n’est pas de la paranoïa !), qu’elle ne doit, qu’elle ne peut, se laisser aller…
Ainsi, elle fait un grand détour pour aller au lycée afin d’éviter les chantiers (et leur chute potentielle de gravats ou autres), nettoie tout à l'antibactérien, refuse tout contact corporel avec les autres ou la barre du bus, assure le quotidien à la maison pour compenser, pour combler, pour faire ciment.
Ce, à la place de ses parents, dont l’un dit passer son temps au bureau quand l’autre se dévoue à une animalerie tout en ramenant constamment des chats.
Des chats aux prénoms de héros de la littérature jeunesse : Gruffalo, Elmer, maman Moumine, Stuart Little…
Mais à force de précautions, Pétula s'est isolée, enfermée dans un monde en marge de la vie.
Elle ne la retrouve qu'au lycée ou dans son groupe d'Artpsy, un groupe de thérapie par l’Art, animée par Betty, qui semble oublier qu’elle s’adresse à des adolescents et non à des maternels.
Et pourtant, c’est là, dans ce groupe improbable d’ados abîmés et fracassés par la vie, le regard et les paroles des autres, qu’elle va se reconstruire, se retrouver, avancer.
Comme les autres du groupe, les uns avec les autres, les uns grâce aux autres.
L’arrivée du nouveau, Jacob, au bras bionique, va permettre à tout ce petit groupe de se connaître, de s’apprécier, de se souder, de devenir amis et de se réaliser.
Jacob que Pétula retrouve aussi en cours, avec qui elle fait des projets scolaires, avec qui elle ose s’ouvrir, faire des découvertes, mais non sans questionnements.…
J’ai adoré ce roman à la fois triste et gai, difficile et délicat, grave et drôle, d’amitié et d’amour, et initiatique raconté en « je » par Pétula.
Son récit est parsemé de références littéraires (les Hauts de Hurlevent <3) et cinématographiques (surtout des adaptations) qui le rendent d’autant plus attractif.
Son style est accrocheur, ses chapitres courts s’enchaînent, son humour se mêle à la gravité ou à la subtilité de ce qu’elle nous relate : des histoires difficiles (à la fois si intimes et si banales) vécues par ces ados (Jacob compris bien sûr – aussi doué pour aider les autres que se cacher derrière cet altruisme), un premier amour. Ils ont tous en commun la culpabilité et le besoin (pas toujours conscient ou avéré) d’être pardonnés. Pétula a bien conscience d’être extrême mais ne trouve pas, seule, d’équilibre.
Comment vivre, se remettre, avancer après un drame qui (nous) détruit soi et les autres ?
Comment vivre sous la menace potentielle d’un accident, d’un attentat ?
Faut-il laisser nos angoisses s’exprimer, ou au contraire les raisonner, s’y préparer ?
Pétula ne sait pas encore mais la fin, ouverte, est espérance.
Un roman coup de cœur !
Merci aux Editions Hélium.