La Salle d’attente. Tsou YING-SHAN - 2016

Publié le 28 Juillet 2017

La Salle d’attente

 

Tsou YING-SHAN

Editions Piranha, 1er septembre 2016

192 pages

 

Thèmes : immigration, solitude, silence, Allemagne, Taïwan, famille, temps qui passe, le « Moi », les mots.

 

La salle d’attente, contrairement à son titre qui suggère l’immobilisme, est un roman certes lent, mais qui bouge.

Il explore avec beaucoup de finesse les notions du temps qui passe, de l’identité, du changement du « Moi », du « chez soi » de la famille, de la société (notamment avec le travail et la précarité) et de la solitude par le biais d’histoires entremêlées.

 

Une salle d’attente comme métaphore, comme préambule à quelque chose qui va advenir, en bien, en mal, de manière abstraite ou non, une rencontre, un projet.

 

Cette salle d’attente est comme la plupart des autres, de par le monde : vide, triste et froide, une publicité au mur et des chaises pour meubler, sommairement.

Le silence règne.

 

Nous sommes en Allemagne, à Berlin.

A l’intérieur, le personnage principal : Xu Mingzhang. Il est taïwanais, a suivi son ex-femme à Munich pour son travail. Leur union, commencée sur les bancs de la fac, s’est délitée au fil du temps et de son mutisme.

Il a choisi de rester dans ce pays. Il a changé de ville.

On le trouve au début du livre dans la salle d’attente du Ministère de l’Immigration pour faire prolonger son visa.

Le système administratif ne se soucie pas des individus, il ne se préoccupe que de savoir si l’identité de chaque individu est légale ou pas. L’existence des hommes n’a pas de poids, elle ne pèse pas plus que ce dossier que l’employé a dans les mains et sur lequel est collé une étiquette avec nom et prénom. Les individus ici deviennent des matériaux, des codes-barres, des papiers officiels, rien d’autre et il n’est pas besoin de plus.

Chaque personne qui arrive ici suit les documents qui la représentent et va d’une pièce à l’autre. Tous ceux qui ne savent pas dans quel bureau aller attendent dans la salle d’attente. Attendre. Dévorés par la noirceur de leur cœur, ils deviennent des étrangers à eux-mêmes.

Xu Mingzhang est un homme qui aime le silence et les mots, mais qui ne sait pas s’en servir à l’oral.

Il aime l’écrit, il est critique littéraire et lit à longueur de temps, il collectionne les petits mots, mais il ne sait pas les faire parler.

A Berlin, les mots lui sont lourds, il ne les comprend pas tous. La barrière de la langue l’esseule davantage.

 

Et pourtant, sans trop savoir pourquoi, il va rester, s’accrocher, réapprendre, chuter, s'opposer, faire des rencontres…

La vie de chacune des personnes qu’il va croiser en Allemagne nous est dévoilée.

 

Il y a Madame Meyer, qui travaille au Ministère de l’Immigration, comme une machine, sans sentiments. Tel un automate, elle prend ses médicaments contre le diabète et ses autres maux à heures fixes, va voir sa mère, Madame Meyer, qu’elle déteste, à la maison de retraire. Et quand ce ne sont pas les disputes et les cris, c’est le silence qui emplit la pièce.

Dans ses songes, sa jeunesse hippie et ses rêves d’alors viennent la hanter.

 

Il y a le couple Nesmeyanova. Maria, Victor et leur fils Alexandre. Xu Mingzhang a occupé une chambre chez eux.

Ils viennent de Minsk en Biélorussie.

Maria en rêve que d’y retourner, pleure sa vie d’avant, sa vi là-bas.

Victor, lui, a définitivement tourné le dos a son passé et veut se faire naturaliser.

Alexandre se sent Allemand mais est tendre avec la mélancolie de sa mère. Il est en froid avec son père.

 

Il y a Christian. Jeune Punk qui va aider Xu Mingzhang à se poser, à s’installer et à s’extérioriser.

 

Il y a Christina, allemande et turque de deuxième génération, artiste qui analyse et retranscrit à sa manière ce qu’est être ici et là-bas, d’être ici et de là-bas, ainsi que la notion de famille et de filiation, et particulièrement lorsqu’elle se retrouve écartelée.

Ils se rencontrent lors de son exposition sur l’intégration des immigrés.

Christina regarda Xu Mingzhang en souriant : « Mais les racines, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que ça représente ? Pour nous qui menons une vie errante, ce n’est pas évident. Mais moi, j’ai toujours désiré avoir une famille, pouvoir dire où st ma famille. »

Chengche lui a dit dans le passé : « Chacun doit se déterminer seul : qui tu es, ce qu’est une famille pour toi et, en fonction de tout ça, décider où est ta famille. Je pense que tu comprends que tu dois y réfléchir, les choses auxquelles tu dois réfléchir ne sont pas les mêmes que celles auxquelles je dois réfléchir, moi, c’est à toi seul de décider. Ce sera peut-être pour toi l’occasion de pouvoir commencer à y réfléchir, et commencer vraiment à vivre. »

La famille est décrite d’une manière ascendante (enfants envers les parents) mais aussi descendantes : avec les attentes que les parents génèrent pour leurs enfants, l’incompréhension face à leurs choix, leurs modes de vie, les ressentiments et les barrières des traditions.

 

Les prénoms sont redondants, ce qui peut amener une légère confusion, mais qui témoigne surtout de la mixité des cultures et des gens.

 

Malgré un passage de neuf lignes qui m'a semblé inutile, j’ai profondément aimé ce roman, sa douceur, même si les thèmes abordés sont durs.

Nul doute qu’il résonnera encore longtemps en moi.

Merci à Nathalie pour me l’avoir offert, bien qu’elle ne sache pas trop définir son sentiment face à cette lecture.

Découvrez son article ICI.

Ce roman participe à mon Objectif de lecture de juillet 2017, ainsi qu’au "Challenge 1% Rentrée Littéraire 2016" de Sophie Hérisson (44/18).

 

 

Un autre roman sur la solitude ? Découvrez La Soledad de Natalio Grueso.

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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N
Je saurai à qui conseiller ce titre au thème particulier. <br /> Parfois l'apparente immobilité des personnages permet des prises des conscience importantes. <br /> Tout est question de moment, je pense...<br /> Belle journée, Blandine !
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B
Oui je le crois aussi! Et il y a des choses qui prennent du temps, notamment l'administratif (et il en est question dans ce roman!)<br /> Belle soirée à vous!
N
Tant mieux s'il t'a plu ! Quelques mois plus tard, je ne l'ai pas oublié, mais j'en garde juste le souvenir de gens qui s'ennuient...
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B
Je n'ai pas eu l sentiment que les personnages s'ennuyaient. Mais je t'accorde que le rythme est lent, mais comme un apprentissage, une découverte, une (ré)appropriation.