L’été dernier à Syracuse. Délia EPHRON - 2017
Publié le 16 Juillet 2017
L’été dernier à Syracuse
Délia EPHRON
Editions Michel Lafon, juin 2017.
352 pages
Thèmes : amitié, amour, mensonges, Italie, enfance, huis-clos, polyphonie.
Le titre évoque l’intrigue et le mystère.
La photographie de couverture ne laisse place à aucun doute : quelque chose s’est brisé à Syracuse l’été dernier. Il y avait un avant, et il a un après désormais…
L’été dernier, cinq Américains fortunés se sont rendus dans cette antique cité sicilienne, après avoir visité Rome pendant trois jours. Une sixième personne les a rejoints. Chacun avec ses secrets, ses mensonges, ses silences, ses envies, ses espoirs…
Tous y ont perdu quelque chose, peu y ont gagné
Six personnes, cinq couples, une enfant. Un roman polyphonique à quatre voix.
Il y a Lizzie Ross. Journaliste sans piges et qui cherche dans tout et n’importe quoi un sujet d’article.
44 ans, new-yorkaise, elle est volontaire et assez égocentrique, aime décider et attirer l’attention.
Mariée à Michael Shapner, écrivain, ancien lauréat du prix Pulitzer, elle sent que son mariage est en pente et met ça sur le compte du nouveau livre que son mari est, soi-disant, en train d’écrire.
Michael Shapner aime contrôler les choses et voit donc avec mauvais œil les imprévus, surtout lorsque ceux-ci prennent les formes de sa maîtresse, Kath.
Cette dernière, réceptionniste dans le restaurant italien qu’affectionnent Lizzie et Michael, est jeune, exubérante, frivole. Et a des exigences.
Elle va s’insinuer dans le groupe, de manière peu subtile, mais sans avoir voix au chapitre. On ne la connaît que par le regard des quatre voix narratrices.
Finn Dolan est l’ex-petit ami de Lizzie. Quinze ans qu’ils se sont quittés mais en gardant toujours un contact fort.
Il est restaurateur à Portland dans le Maine, craque pour Jessa, une pêcheuse, s’est remis à fumer en secret.
Fêtard, plutôt irresponsable, il est marié à son parfait opposé : Taylor, avec qui il a eu une fille Snow, 10 ans.
Taylor dirige l’office de tourisme de Portland. Blonde, elle a une allure sophistiquée, ne s’habille qu’avec des vêtements de créateur, a des goûts de luxe, une haute estime d’elle-même, est sensible à la flatterie, à la réputation et à la notoriété.
S'il m'entendait, Finn serait choqué, même s'il n'était pas le père de Snow, mais pas Michael car c'est un écrivain, et les écrivains ont plus d'indulgence pour les remarques cruelles. Je dirais qu'elles les fascinent. Elles les déculpabilisent, les dédouanent de leurs propres vacheries. Du coup, ils se sentent autorisés à faire ce qu'ils considèrent comme un droit : se nourrir de leurs amis pour créer des personnages qui conviennent aux besoins de leurs fictions.
Snow, 10 ans, est la fille unique de Finn et Taylor, dont elle est l’exact reflet, donc d’une beauté parfaite.
Elle souffre d’une timidité maladive, s’exprime peu, est surprotégée par sa mère qui n’a de cesse de louer son intelligence et vivacité d’esprit, tout en lui conférant une aura de mystère. Snow ressent les choses plus qu’elle ne les sait, n’a que peu de filtres.
Cette enfant discrète, qui ne s’exprime que par les dires des autres, plus ou moins selon l’intérêt que lui voue le locuteur, se trouve pourtant sans cesse au cœur de l’attention et des discours.
Snow reflète la personnalité des autres. Ils voient en elle ce qu’ils veulent y voir, son père surtout : « c’est une Dolan », comme s’il avait besoin d’en être sûr, de s’en persuader.
Syracuse, cette ville déplaît tout de suite à Taylor, qui la trouve sale, en ruines, trop rustique, pas assez sophistiquée, trop banale.
Et pourtant… Ce qui va leur arriver, d’une manière individuelle comme collective, est d’un classique : la maîtresse qui débarque, les mensonges, les non-dits, les silences, les secrets, les jeux de séduction de chacun…
Delia Ephron arrive à nous happer par ses nombreuses descriptions des villes (Rome, Syracuse), ses portraits, leurs sentiments, une réflexion sur la famille, l’amour, sur « ce qui compte » et, bien sûr, par la construction de son récit.
Chacun (Lizzie, Michael, Finn et Taylor) à tour de rôle, nous raconte sa version, et leur point de vue (forcément biaisé et avec un an de recul), de ce qui s'est passé l'été dernier à Syracuse (j'adore ce procédé), en s'adressant parfois à nous lecteurs (ce que j’aime moins), pour nous prendre à témoin, pour nous convaincre de leur bonne foi, et qu’ils ont eu raison : Qu’aurions-nous fait à leur place ?
Chacun fait progresser le récit, dans un huis-clos qui va en s’oppressant, bien que certains aspects m’aient paru survolés ou invraisemblables.
FINN
Syracuse. C’est là que tout a foiré. Une ville à mon goût : sans chichis, où l’on peut se cacher facilement.
Toutes les directions semblaient à la fois intéressantes et sans intérêt. J’ai aimé l’aspect déglingué d’Ortygie, ses bâtiments délabrés encore debout, les uns contre les autres, comme une armée en déroute refusant de se rendre. Dans certaines rues, j’aurais pu, en marchant au milieu, toucher les parois de chaque côté. J’exagère un peu, mais vous voyez l’idée. Les immeubles partageaient leurs murs. Ça m’a scotché. D’accord, on s’en fout, et je l’avais déjà vu ailleurs, mais cela avait un côté amical. Si l’un se cassait la gueule, les autres s’effondreraient. Par camaraderie.
Cette réflexion en voyant cette ville fut prémonitoire, mais de quelle manière?
La double chute (dont une mise en abyme – j’aime aussi ce procédé), m’a réservé une belle surprise.
L’été dernier à Syracuse fait passer un bon moment de lecture et fait voyager : Je retournerai bien à Syracuse !
Merci aux Editions Michel Lafon
Ce roman participe au challenge « il viaggio 2017 » de Martine.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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