L'amie prodigieuse. Elena FERRANTE - 2016
Publié le 8 Juillet 2017
L'amie prodigieuse
Enfance, adolescence
Elena FERRANTE
Traduit de l’italien par Elsa DAMIEN
Editions Gallimard, collection "Folio", janvier 2016. (Paru en 2011 en Italie sous le titre L’amica geniale)
448 pages
Thèmes : Italie, Amitié, Famille, traditions, Jeunesse
Qui n’a pas entendu parler de cette saga, L’Amie Prodigieuse, au succès planétaire et de sa mystérieuse auteure (ce qui participe d’autant à son attrait) ??
Les succès sont toujours à double-tranchant, car ils créent de grandes attentes, avec parfois des déceptions proportionnelles.
Avec mon amie Magali, à notre tour, nous nous sommes lancées dans cette lecture.
J’ai aimé, j’ai adoré même.
Mais je ne vous cache pas qu’il m’a fallu un peu de temps de rentrer dans l’histoire (et pour Magali aussi) pour m’adapter à la narration, aux nombreux personnages (d’autant qu’ils sont parfois appelés par leur nom de famille et qu’il y a plusieurs membres dans chacune d’elle) et à leur caractère. Je ne saurais dire quand le point de bascule s’est opéré, une page puis une autre, et j’étais emportée dans le récit.
Ne vous laissez donc pas rebuter par le début du roman, répétitif, qui semble un peu tourner en rond, car il revient sur les mêmes événements. C’est dire leur importance pour notre narratrice ! Ils sont le fondement de cette amitié hors-norme racontée en trois parties (Prologue – Effacer les traces ; Enfance – Histoire de Don Achille ; Adolescence – Histoire des chaussures) et trois tomes.
L'amie prodigieuse, c'est Lila Cerullo (surnom de Rafaella pour Elena ; Lina pour les autres). C'est l'amie d'enfance d'Elena Greco (surnommée Lenù ou Lenuccia), la narratrice.
Le roman débute sur la disparition de Lila, septuagénaire, dont le fils appelle Elena pour lui en faire part. Mais cette dernière n'est pas vraiment troublée. Lila est ainsi et elle avait toujours annoncé qu'elle s'en irait un jour sans laisser de traces. De fait, il ne reste rien d'elle. Non seulement chez elle, pas de vêtements, de courriers, de photos, de livres, mais chez Elena non plus. Elle s'en rend compte. Elle non plus n'a aucune trace de son amie, si ce n'est sa mémoire, parfois abîmée.
Alors elle décide de nous la raconter, depuis le début. Depuis leur rencontre sur les bancs de l'école, en primaire, vers 9-10 ans jusqu'au mariage de Lila à ses 16 ans.
Lila apparut dans ma vie en première année de primaire, et elle me fit tout de suite impression parce qu’elle était très méchante.
Telle fut sans doute ma manière de réagir à l’envie et à la haine, et de les étouffer. Ou peut-être déguisai-je ainsi mon sentiment de n’être qu’un second rôle, et la fascination que je subissais. Quoi qu’il en soit, je m’habituai à accepter de bon gré la supériorité de Lila dans tous les domaines, ainsi que ses vexations.
Tout ou presque oppose les deux fillettes qui sont autant amies qu'en compétition permanente. C’est cela ce qui caractérise leur amitié, fascination et soumission mêlées, toujours à sens unique, d’Elena vers Lila.
Lila n'aura de cesse d'être un modèle dans tout ce qu'elle fera et dans tous les domaines: intellectuel, familial, amical, même dans ses renoncements.
Leurs destinées, si elles sont liées, ne sont ni ne peuvent être similaires.
Il y a leurs physiques, leurs caractères, leur famille.
Elena, fillette blonde et menue, est devenue une adolescente boutonneuse, ronde et à lunettes, mais elle est "la gentille" pour les autres.
Tandis que Lila, "la méchante", au caractère vif et impétueux, a longtemps gardé un corps trop maigre, enfantin. Lorsqu’il a enfin éclos, il a occulté celui des autres, la rendant gracieuse et désirable.
La première a pu poursuivre ses études (non sans heurts – à quoi cela sert-il d’étudier pour une fille ?) au collège et même lycée, avec félicitations et éloges de ses professeurs.
La seconde, surdouée, a appris à lire seule, a emprunté des centaines de livres à la bibliothèque et aidé Elena dans ses études, a été travaillé dans la cordonnerie de son père, des rêves d'enfant plein la tête (créer ses propres chaussures) et une volonté de fer, voulant tout savoir, tout connaître. Avant de décider de s’enfermer à la maison, en aidant sa mère à la maison et de se "ranger" en épousant Stefano.
J’ai du mal à dire que l’effet les réponses de Pasquale purent avoir sur Lila, je risque de me tromper aussi parce qu’à l’époque elles n’eurent aucun effet concret sur moi. En revanche, et comme toujours, Lila en fut imprégnée et bouleversée au point qu’à la fin de l’été elle devint obsédée par une unique pensée, qui m’était assez insupportable. Avec mes mots d’aujourd’hui je tenterai de la résumer ainsi : il n’existe aucun geste, aucune parole ni soupir qui ne contienne la somme de tous les crimes qu’ont commis et que continuent à commettre les êtes humains.
Elle retourna ainsi à son thème de l’ »avant », mais pas de la même façon qu’en primaire. Elle m’expliqua que nous ne avions rien, ni quand nous étions petites ni maintenant, et que par conséquent nous n’étions pas en mesure de comprendre quoi que ce soit : tout dans notre quartier, chaque pierre, chaque morceau de bois, tout était là avant nous, mais nous avions grandi sans nous en rendre compte, et même sans jamais y penser. Et nous n’étions pas les seules.
(…)
Ils pensaient que ce qui s’était produit avant c’était du passé et, pour en avoir la paix, fermaient les yeux : or ils n faisaient partie, de ces choses d’avant, et ils nous y maintenaient nous aussi et du coup, sans le savoir, ils les perpétuaient.
En parallèle de leurs parcours personnel, nous découvrons leurs relations, et particulièrement celles avec les garçons, les frères d'abord, protecteurs (voulant ou devant l'être), et les autres.
Les prémices amoureux, avec les garçons du quartier, forcément.
Les comportements à adopter pour éviter roustes et/ou mauvaise réputation. Les cancans sur les uns ou les autres.
Il y a aussi celles avec le voisinage, les considérations sociales, la famille avec pouvoir (=mafia ; les Solara) l'éducation que l'on donne aux filles.
Les contours de la ville de Naples, d'abord resserrés autour du quartier, miséreux, s'élargissent progressivement, en même temps qu’Elena grandit : collège, lycée, premières vacances.
Et l’usage de la langue, le dialecte dans les familles, dans le quartier, l’Italien à l’école et en-dehors, signe extérieur d’éducation.
Ce roman, écrit au passé simple, nous parle d’une amitié, dans toutes ses subtilités, qui résiste, qui s’adapte au passage du temps et aux changements. Mais aussi de la construction des êtres. Il a quelque chose d’universel dans le particulier.
Il nous parle d’une société, d’un pays avec son histoire à lui, et de l’Histoire en général.
Le personnage d’Elena est attachant, et il me plaît de savoir que je vais la retrouver dans les deux prochains volumes de cette saga.
Je crois savoir que Magali a aussi beaucoup aimé ce premier volume.
Son article, ICI.
Aujourd'hui, je vais encore une fois vous parler d'un roman qui a défrayé la chronique tant par la qualité de la saga familiale dont il est issu, que par le mystère entourant son auteur. Il s'a...
http://magalitdeslivres.e-monsite.com/pages/livres/a-b/l-amie-prodigieuse.html
""L’amie prodigieuse" est une fresque historique à couper le souffle. Le portrait que nous dresse l’auteure de l’Italie de la fin des années 50 est tout simplement sublime. C’est un tableau aux milles détails qu’elle nous livre."
Ce billet participe au Challenge « Il viaggio 2017 » de Martine.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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