Au fil de l’eau. Juan DIAZ CANALES – 2016 (BD)

Publié le 12 Juillet 2017

Au fil de l’eau

 

Scénario et dessins de Juan DIAZ CANALES

Traduction de Sophie HOFNUNG

Editions Rue de Sèvres, 15 septembre 2016.

108 pages

 

Thèmes : Espagne, précarité, famille, vieillesse, transmissions, polar

 

 

Il y a un secret.

Mais il ne se laisse approcher qu’à partir d’un certain moment de sa vie.

Un moment fugace, particulier, mais qui transforme.

Pourtant, il ne se révèle pas à tous avec la même force. Il peut simplement passer ou nous ébranler.

S’il s’impose, ce secret fait s’écrouler nos certitudes, nos espérances, nos idéaux.

 

Certains l’acceptent, d’autres le fuient.

Il est à la fois universel et intime.

Il ne peut s’échanger qu’entre initiés.

Ce secret, c’est celui de la vie.

 

 

Niceto et sa bande de copains octogénaires le connaissent ce secret.

Ce secret, si lourd, qui leur fait si peur.

Dans une Espagne frappée par la crise économique, dans un quartier de Madrid, ils comblent les fins de mois, comme ils trompent l’ennui de la vieillesse et du temps qui passe, en revendant des objets volés. Argent qu’ils rejouent ensuite aux cartes.

Quand d’autres, tous profils sociaux confondus, en ont désespérément besoin pour (sur)vivre.

 

Les petites combines du clan ne passent pas inaperçues et valent à Niceto de souvent voir Pepa, la policière. En raison de son âge et de son passé, il n’est pas trop ennuyé.

 

Mais ses amis meurent, assassinés, les uns après les autres, dans des circonstances troubles.

Et lui disparaît…

 

Son fils Roman, médecin-légiste nouvellement à la retraite, et son petit-fils, qui travaille au Samu, le recherchent et font de déroutantes découvertes…

 

C’est là que le récit se fait polar.

Le mobile du tueur peut sembler flou, impalpable. J’ai aimé ce voile de pudeur déposé sur ses raisons comme sur le passé des personnages, que l’on imagine semé d’embûches et de combats… mais qui semblent si futiles à présent, à cause de ce secret.

Il y a beaucoup de choses non-dites, de silences, de mystères dans cet album. Ce qui peut paraître déconcertant mais que j'aime: chaque lecteur y met sa propre compréhension, y mêle son expérience, sa sensibilité.

 

Comme l’eau est indispensable à la vie, elle s’écoule tout au long de cet énigmatique album sous toutes ses formes et symboliques. Un fleuve, des larmes, le liquide amniotique, l’eau bénite, la pluie, les égouts…

Passage du temps et des générations… Trois s’entremêlent ici, s’entrechoquent, se complètent ou se divisent. La quatrième chasse la première.

Au fil de l’eau va la vie.

La vie va au fil de l’eau.

L’auteur de BlackSad (série que je découvre en parallèle) se fait aussi ici dessinateur pour mieux cerner la précarité de la vie, brouiller les frontières du réel ou celles de la conscience : il fait parler deux rats, un fantôme, entremêlent les symboles et les métaphores…

 

Rendu davantage sombre par les dessins en noir et blanc qui jouent sur les contrastes et les ombres comme ils donnent plus d’intensité aux personnages et aux situations, cet album est triste, mais juste, vrai.

Il m’a profondément touchée, émue.

La maladie n’est pas ce qu’il y a de plus douloureux dans le fait de vieillir.

Le pire, c’est l’indifférence.

Un beau jour, tu te rends compte que la réalité a gagné la partie.

Une partie que tu n’avais même pas conscience de jouer.

Et toi, tu restes impassible, comme un arbre que l’automne laisse avec le pantalon baissé au milieu du bois.

Mais tels de bons arbres, nous vivons étrangers à cette ironie.
Un arbre sans yeux, sans oreilles, sans dents…

Pas un bûcheron pour donner un sens à ta vie, pas un oiseau sur tes branches.

Juste des racines qui t’attachent à la terre qui jusqu’alors t’a nourri mais à qui bientôt tu rendras la faveur.

Mais le vieil arbre se fiche de tout ça.

C’est avec l’article d’Enna que j’ai découvert cet album, également chroniqué par Mo’, Jérôme, Mylène et Noukette (qui a un problème de blog en ce moment – d’où l’absence de lien).

Il participe à mon Objectif de lecture du mois de juillet 2017, surtout dédié à l’Espagne, et au Challenge « 1% Rentrée Littéraire 2016 » de Sophie Hérisson (40/18).

 

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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M
Je regrette vraiment d'être passée à côté de ce titre. J'ai bien aimé mais il m'a laissé un drôle d'arrière goût en bouche, trop de zones d'ombres, une fin qui ne me convient pas parce que je ne suis pas certaine de la comprendre. Bizarre koa :)
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B
Beaucoup ont eu le même ressenti que toi. A l’inverse, ce flou m'a conquise... comme quoi!
N
Une BD très particulière qu'il faudrait que je lise je pense, pour mieux la comprendre !<br /> L'extrait choisi est très touchant.<br /> Belle journée Blandine !
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B
Merci Nancy!<br /> Un album qui m'a beaucoup marquée et que je vous souhaite de découvrir.<br /> Belle journée à vous!