Petit pays. Gaël FAYE - 2016
Publié le 8 Juin 2017
Petit pays
Gaël FAYE
Éditions Grasset, collection "Roman", 24 août 2016
224 pages.
Thèmes : Afrique, enfance, amitié, métissage, guerre, xénophobie, immigration, Réfugiés, politique, transmissions, Histoire, famille.
Lauréat du 15e Prix du Roman Fnac ; Prix Goncourt des Lycéens, Prix Talent Cultura ; Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama ; Prix du Premier Roman ; Prix Transfuge ; Prix Fetkann Maryse Condé ; Globe de Cristal meilleur roman ; Prix Palissy.
Il m’obsède ce retour, je le repousse, indéfiniment, toujours plus loin. Une peur de retrouver des vérités enfouies, des cauchemars laissés sur le seuil de mon pays natal. Depuis vingt ans je reviens ; la nuit en rêve, le jour en songe ; dans mon quartier, dans cette impasse où je vivais heureux avec ma famille et mes amis. L’enfance m’a laissé des marques dont je ne sais que faire. Dans les bons jours, je me dis que c’est là que je puise ma force et ma sensibilité. Quand je suis au fond de ma bouteille vide, j’y vois la cause de mon inadaptation au monde.
Ce « Petit Pays », c'est une impasse dans le Burundi.
Un petit bout dans la grande Afrique, un petit coin de paradis à l’odeur de citronnelle et de mangue, dans lequel vit Gabriel dix, puis onze ans.
Mais Gabriel a dû fuir. Deux décennies plus tard, le besoin du retour se fait impérieux.
Avec ses souvenirs, nous remontons le temps.
1992-1995
Gabriel, qui veut se faire appeler Gaby, habite dans le confortable quartier d’expatriés Kinanira de Bujumbara, capitale du Burundi. Il vit avec sa sœur Ana, 7 ans, et ses parents. Son père, Michel, ingénieur industriel est français, et sa mère, Yvonne, est une réfugiée rwandaise, dont la famille a fui les pogroms au début des années 1960.
Une origine qu’Yvonne ne cherche pas à entretenir ni à transmettre, malgré le rêve du retour au pays de sa propre mère.
Mamie en voulait à Maman de ne pas nous parler kinyarwanda, elle disait que cette langue nous permettrait de garder notre identité malgré l’exil, sinon nous ne deviendrons jamais de bons Banyarwandas, « ceux qui viennent du Rwanda ». Maman se fichait de ces arguments, pour elle nous étions des petits blancs, à la peau légèrement caramel, mais blancs quand même. S’il nous arrivait de dire quelques mots en kinyarwanda, aussitôt elle se moquait de notre accent. Au milieu de tout ça, je peux vous dire que je m foutais bien du Rwanda, sa royauté, ses vaches, ses monts, ses lunes, son lait, son mil et son hydromel pourri.
Mais entre ses parents, l'amour s'en est allé.
Une première perte d'innocence pour Gaby qui assiste à leurs disputes puis au départ de sa mère et à l’absence de son père qui se réfugie dans le travail.
Dans leur impasse, vivent d'autres couples mixtes, avec enfants.
Gaby fait les quatre cents coups avec ses copains: Gino, Armand et les jumeaux. Mais il n’aime pas Francis, plus âgé, plus violent, plus charismatique aussi.
Ils volent et dégustent des mangues du jardin de Mme Economopoulos, ils se baignent dans la Muha, se retrouvent dans la carcasse d'une voiture qu'ils appellent QG, ils vont à l'école française et doivent entretenir une relation épistolaire avec des élèves de CM2 d’Orléans.
La correspondante de Gaby s’appelle Laure, et ses lettres, même si elles sont épisodiques, nous permettent de voir comment la situation au Burundi est perçue.
De Laure à Gabriel :
PS : As-tu reçu le riz qu’on vous a envoyé ?
(Ceci me rappelle, lorsqu'étant à l'école primaire, nous donnions du riz pour qu'il soit envoyé en Somalie - cela me marque encore)
Malgré quelques aléas, la vie de Gabriel est plutôt paisible et il la voudrait éternelle.
Mais son enfance vole en éclats, par vagues successives, brisant sa naïveté, ses rêves et ses amitiés.
Secousses politiques, différences entre Hutus et Tutsis, coup d'état, nouvelles alarmantes venues du Rwanda où une partie de la famille maternelle est restée, engagement de Pacifique, leur cousin, au FPR. Humiliations, peurs, langues déliées, violences inouïes, gratuites, …
Il lui faut grandir d’un coup, trop vite.
Cet après-midi-là, pour la première fois de ma vie, je suis entré dans la réalité profonde de ce pays. J’ai découvert l’antagonisme hutu et tutsi, infranchissable ligne de démarcation qui obligeait chacun à être d’un camp ou d’un autre. (…)
La guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi. Moi qui souhaitais rester neutre, je n’ai pas pu. J’étais né avec cette histoire. Elle coulait en moi. Je lui appartenais.
Le "petit pays" de Gaby, son impasse, son enfance, sa jeunesse ne sont plus.
Les copains n'ont plus que des mots guerriers dans la bouche, rêvent de kalachnikovs, les jumeaux partent, les gangs se multiplient, la haine se fait contagieuse et exige qu'il fasse des choix.
Heureusement pour lui, il ne sera pas trop tard, pas totalement du moins.
Mais dans sa fuite, il a laissé quelque chose de lui dans ce pays et que seul un retour peut lui permettre de retrouver, peut-être…
Petit Pays est le premier roman de Gaël Faye. Chanteur, rappeur, auteur-interprète, il sait manier les mots, les faire s’accorder pour nous marquer, nous atteindre au cœur.
Sujet difficile, un peu autobiographique, Gaël Faye nous immerge dans son récit aux belles descriptions odorantes ou tactiles. Il reconstitue les lieux, les sensations, les odeurs, les émotions, les douleurs.
Après avoir bien discuté, lorsque l’après-midi s’évanouissait dans la lumière du couchant, nous flânions dans son jardin comme de drôles d’amoureux. J’avais l’impression d’avancer sous la voûte d’une église, le chant des oiseaux était un chuchotis de prières. Nous nous arrêtions devant ses orchidées sauvages, nous faufilions parmi les haies d’hibiscus et les pousses de ficus. Ses parterres de fleurs étaient des festins somptueux pour les souimangas et les abeilles du quartier. Je ramassais des feuilles séchées au pied des arbres pour en faire des marque-pages. Nous marchions lentement, presque au ralenti, en traînant nos pieds dans l’herbe grasse, comme pour retenir le temps, pendant que l’impasse, peu à peu, se couvrait de nuit.
Petit Pays n’est pas tant un roman sur la guerre, mais plutôt sur l’impact qu’elle a sur l’enfance, les désillusions qu’elle entraîne, les amitiés qu’elle abîme
Il n'y a que très peu d'accusations dans ce roman mais une immense nostalgie et une sensation de gâchis, de perte irrémédiable.
Ses nombreux Prix Littéraires parlent pour lui, j’ajoute ma petite pierre et mon amie Magali aussi, je crois !
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En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d'expatriés. Gabriel passe le plus clair ...
http://magalitdeslivres.e-monsite.com/pages/livres/o-p/petit-pays.html
"Loin de juger, à travers ses lignes, Gaël Faye met en lumière l’absurdité de la situation, l’impact qu’à la guerre sur l’enfance. Car une fois le bain de sang terminé il ne reste que les regrets."
Pour découvrir une interview de l’auteur, c’est ICI.
Ce roman participe au Challenge « 1% Rentrée Littéraire 2016 » de Sophie Hérisson (36/18).
Un autre titre sur ce génocide, côté Rwanda : Courir sur la faille de Naomi Benaron.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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Courir sur la faille. Naomi Benaron
Courir sur la faille. Naomi BENARON Editions 10/18, août 2013. (USA, 2011) 477 pages. Lorsque dans l'article sur l'Amour aux couleurs de l'Afrique, je vous disais que cette dernière s'imposait à...
http://vivrelivre19.over-blog.com/2014/03/courir-sur-la-faille-naomi-benaron.html