Le portrait de Dorian Gray. D’après Oscar WILDE. Stanislas GROS – 2008 (BD)
Publié le 21 Juin 2017
Le portrait de Dorian Gray
D’après Oscar WILDE
Scénario et dessin de Stanislas GROS
Couleurs de Laurence CROIX
Editions Delcourt, collection « Ex-Libris », mai 2008.
64 pages
Thèmes : Art, morale, philosophie, jeunesse, dandy, Irlande, fantastique
J’avoue !
Je n’ai pas (encore) lu le roman, éponyme, et unique, d’Oscar Wilde, publié en 1890 (puis retouché en 1891).
Aussi, lorsque j’ai trouvé cette BD à la bibliothèque, me suis-je dit que je ferais coup double !
Il arrive que les classiques n’attirent pas, mais que leur version BD comble cela. Je ne saurais dire si cette adaptation est bien fidèle au texte d’origine, mais, en tout cas, elle m’a ravi et m’a donné envie de lire le roman. Pari réussi, non ?
Voici donc l’histoire d’un portrait. Celui d’un jeune dandy irlandais, Dorian Gray.
Jaloux de son image renvoyée, de sa beauté et jeunesse éternelles, il formule un vœu.
Le portrait, devenu magique, ou maléfique, va subir à sa place les outrages du temps.
Pendant plusieurs années, Dorian Gray fait siennes les théories toutes particulières sur la jeunesse, le plaisir et le rang social de Lord Henry Wotton (dit Harry), ami du peintre Basil Hallward et auteur du portrait.
Vous avez excité en moi, Harry, une curiosité de la vie qui croît à mesure qu’elle trouve à se satisfaire…
Plus j’en sais, plus je désire en savoir : mes appétits sont furieux, et en s’assouvissant deviennent plus voraces encore !
Mon objectif est d’être moi-même expérience, et non le fruit de l’expérience, que celle-ci soit douce ou amère !
Cette apparente impunité, cette liberté que semble lui conférer les paroles d’Harry vont amener Dorian à passer du charme suave à la colère la plus noire, à perpétrer toutes sortes de délits (ou considérés comme tels) et les plus horribles crimes. Sa curiosité est insatiable, sa moralité très poreuse, sa personne précédée de rumeurs scandaleusement attirantes, ses excentricités appréciées, sa jeunesse insultante et son narcissisme toujours plus fort.
Malgré les années, il garde un visage juvénile, insolent de beauté, de fraîcheur et d’innocence.
Un aspect physique parfait qui dissimule une âme noire, écartelée entre le désir de tout expérimenter, connaître, et la douleur de la honte, voire du remords, qu’il enfume d’opium.
Ce que le portrait représente, ce n’est pas seulement la vieillesse, mais aussi le reflet des actions, en l’occurrence mauvaises, du « jeune » homme. A chaque double page, en bas à droite, et à la façon d’un flip-book, nous voyons le portrait se marquer, le corps s’affaisser, la nature se flétrir, les couleurs s’affadir.
Pour ne pas s’encombrer, et surtout, pour n’être pas découvert, le portrait est déplacé dans une pièce fermée à double tour, au grenier. Cela rappelle un conte, non ?
Le don est devenu malédiction, comment y mettre fin ?
L’artiste est le créateur de belles choses.
Révéler l’art et dissimuler l’artiste, tel est le but de l’art.
(…)
La vie morale de l’homme forme une part du sujet de l’artiste, mais la moralité de l’art consiste dans l’usage parfait d’un moyen imparfait.
L’artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même les choses vraies peuvent être prouvées.
L’artiste n’a point de sympathies éthiques. Une sympathie morale dans un artiste amène un maniérisme impardonnable au style.
(…)
C’est le spectateur, et non la vie, que l’art reflète réellement.
(…)
Nous pouvons pardonner à un homme d’avoir fait une chose utilise aussi longtemps qu’il ne l’admire pas. La seule excuse d’avoir fait une chose inutile est de l’admirer intensément.
Tout art est tout à fait inutile.
Voilà la préface de ce texte fantastique qui en appelle au mythe de Faust et qui prend l’hédonisme comme postulat.
Le texte se veut philosophique, les réparties de Lord Henry d’un cynisme poétique.
Il questionne l’Art, le passage du temps, la pérennité de l’être et de son apparence, la notion de beauté et se développe dans des cases qui entremêlent des couleurs pimpantes à des tableaux célèbres, des références littéraires ou à des représentations de misères sociales (et ouvrières) représentatives de cette fin XIXe siècle britannique, avec l’incursion voulue par Stanislas Gros de Sherlock Holmes. Sous certains aspects, ce récit est aussi un parallèle de la vie de son auteur.
Un texte aux résonnances toujours très actuelles, avec cette volonté de fuir le passage du temps et de faire perdurer la jeunesse (et pas seulement physique).
Cet album participe au RDV « BD de la semaine » qui se passe aujourd’hui chez Stephie (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC), au « Mois anglais » de Lou et Cryssilda ainsi qu'à mon challenge "Je relis mes Classiques".
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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