Le Port des Marins Perdus. Teresa RADICE et Stefano TURCONI – 2016 (BD)
Publié le 10 Mai 2017
Le Port des Marins Perdus
Scénario de Teresa RADICE
Dessins de Stefano TURCONI
Traduit de l’Italien par Frédéric BREMAUD
Editions Glénat, collection « Treize Étrange », 8 juin 2016.
320 pages
Thèmes : aventure, Marins, Angleterre, mémoire, quête initiatique, Mort, poésie, mélancolie
Quelle couverture !
Quel titre !
Je savais que ce roman graphique me plairait.
Mais je ne pouvais pas encore deviner combien j’allais être transportée et émue.
Avant de commencer ce récit, je vous conseille d’aller découvrir, juste avant l’épilogue, sa bande-originale.
Une invitation musicale au voyage, avant celle des dessins et des mots, car les auteurs nous embarquent dans un opéra graphique en 4 actes.
Entre 1807 et 1810,
Entre mers, océans et terres,
Entre Plymouth, l’île du Siam, le Cap Agulhas (Cap des Aiguilles), le Cap-Horn,
Entre le navire Explorer qui appartient à Sa Majesté et le Last Chance de la Compagnie des Indes,
Entre navigation et combats sur l’eau,
Entre prose, poésie, légendes, traditions et chansons.
Apprêtez-vous à vivre une formidable aventure saupoudrée de vocabulaire marin, de fantastique, de références littéraires, poétiques et musicales.
Une quête initiatique et mélancolique sur le sens de la Vie, le destin, aux prises avec les éléments marins, les ambitions, cupidités et douleurs humaines.
Comment peut-on dire que l’on sait quelque chose de l’existence, si on ne l’a pas appris de la mer ? Il n’y a que sur la mer, qui ne connaît jamais la paix, que j’avais l’impression de trouver la paix.
Sur cette immensité liquide, les malheurs des hommes sont éphémères et insignifiants…
La mer se fiche de nos attentes quand elle déferle sur les navires et les dévastent. Elle n’entend pas nos prières quand elle nous entraîne dans les profondeurs et nous garde, nous privant d’un nom… et d’une sépulture.
Je voulais être ainsi, moi aussi. Etranger aux concepts de péché et de culpabilité, de salut et de perdition, de vérité et de mensonge.
Je croyais à tort que sans rien à cœur, je ne perdrais jamais rien, et que, insubmersible, aucun drame ne pourrait atteindre.
Il y a Abel, jeune naufragé amnésique recueilli par William Roberts, Premier Officier sur le navire Explorer et avec lequel il se lie d’amitié.
Il y a Abel Stevenson (serait-ce un hommage au célèbre romancier ?!), l’omniprésent par son absence. Capitaine de l’Explorer, déclaré traître, voleur, assassin, et déserteur.
Il y a ses trois filles, Helen, Heather et Harriet, aux caractères en tous points différents. La première est aussi réservée que la seconde est dévergondée et la troisième, volubile.
Elles vivent et travaillent dans l’auberge L’Albatross, autrefois si prisée et aujourd’hui vidée de ses habituels clients. Elles vont recueillir Abel.
Il y a Rebecca, la jolie rousse, gérante de la Maison close Pillar To Post. Mélancolique, elle aide Abel à recoudre les lambeaux de sa mémoire grâce à des passages choisis de poésie anglaise, de phrases pleines de mystères et de bribes de son histoire personnelle.
Il y a Nathan McLéod, colosse au cœur tendre, amoureux fou de Rebecca. Capitaine du Last Chance, il hésite entre la terre et la mer, rêvant de l’une ou se languissant de l’autre.
Mozart - Violin Concerto No. 3 in G, K. 216 [complete]
The Violin Concerto No. 3 in G major, K. 216, was composed by Wolfgang Amadeus Mozart in Salzburg in 1775. Mozart was only 19 at the time. The piece is in three movements: 1. Allegro 2. Adagio and ...
Romanesque, initiatique et épique, le scénario voit évoluer et s’entremêler les personnages au long de ces quatre actes.
Chacun se centre sur l’un d’entre eux, approfondissant par des vers de poésie anglaise ou de chants marins, son histoire personnelle, ses désirs, ses manques, ses fêlures.
« Ma mère gémit, mon père pleurait.
Dans le monde dangereux, j’ai sauté.
Impuissant, nu, hurlant comme un démon caché ans un nuage.
Déchiré entre les mains de mon père,
Luttant contre les lignes qui m’enveloppaient.
Ligoté et fatigué, je m’abandonnai et vins échouer sur le sein de ma mère. »
Et voilà, je suis venu à la lumière.
J’ai renvoyé l’enfant qui m’a accompagné jusqu’ici.
Je lui ai dit merci.
Et je suis né homme à nouveau.
Riche et complexe, il y a cependant parfois quelques incohérences et l’épilogue n’était, à mon sens, pas nécessaire, car convenu.
La (première) fin, seule, m’aurait davantage plu, d’autant qu’elle est ouverte.
Quant au dessin, il est fabuleux.
Réalisé uniquement à la mine de plomb, avec pour seules nuances le noir, le blanc et le gris donc, il dégage une forte atmosphère, qu’il soit extrêmement travaillé, détaillé ou fait de « simples hachures » pour signifier le mouvement des vagues ou le paysage lointain.
Il nous propulse dans cette époque, dans ces décors urbains ou végétaux, ces navires pris dans la tempête ou immobilisés par la bonace.
Cette apparente fragilité du dessin donne l’impression qu’il vient d’être réalisé dans l’instant, juste pour nous. Alors qu’il a demandé un peu plus de deux ans de travail à Stefano Turconi.
Seule la couverture bénéficie de couleurs, et c’est très bien ainsi.
Petit détail livresque, la tranche de mon exemplaire « grince » à chaque page tournée, donnant l’impression d’être, un peu, sur l’un de ces navires chahutés par les flots.
Don't Forget Your Old Shipmate
Lyrics to the sea shanty Don't Forget Your Old Shipmate, as performed by Jerry Bryant and Starboard Mess from the album Roast Beef of Old England. This song was used in the film Master and Commander.
Cet album a reçu le Prix du meilleur roman graphique au festival de Lucca en 2015.
Je ne suis pas satisfaite de mon article (qui ne restitue pas assez mon engouement je trouve) mais j’espère vous avoir tout de même donné envie de lire cet album, coup de cœur.
Et pour vous convaincre davantage (peut-être) :
Les avis de Nathalie (merci !), de Jérôme et de avis de Noukette chez qui se déroule aujourd’hui le RDV BD de la semaine (Retrouvez-y toutes les participations du jour - CLIC) ainsi qu’au « Mois italien » de Martine car ses deux auteurs viennent d’Italie. (Duo d’auteurs comme à la ville, leur parcours ferme ce roman graphique).
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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