La couronne fait-elle le Roi ? (2 albums dès 5 ans)
Publié le 9 Juillet 2016
Les deux animaux de cette chronique le pensent en tout cas.
Qu’ils soient « nés » avec cet emblème ou qu’ils l’aient trouvé, tout concourt à leur donner une royale estime d’eux-mêmes, confortée par les courbettes et flagorneries des courtisans ou nouveaux amis.
Mais si la couronne fait Sa Majesté, que leur permet-elle de faire ou d’avoir ? Qu’est-ce que le pouvoir et comment l’exercer ?
Ces deux albums utilisent les mêmes animaux et des procédés assez similaires mais avec des angles de vue et des personnalités très différentes. Ils évoquent le pouvoir et ses dérives, lorsqu’il tend vers l’autoritarisme et la dictature, semant le trouble et la peur, mais, paradoxalement, favorisant le courage de la contestation et de la désobéissance civile.
Le Roi de la Jungle
Texte de Nancy GUILBERT
Illustrations de Florian LE PRIOL
Éditions Marmaille et Compagnie, 2014.
Dès 5 ans.
Notions abordées : animaux, pouvoir, autorité, amitié, excès de confiance en soi.
Un accident peut si vite arriver !
Une noix de coco qui tombe et se fracasse sur le crâne de Chapacha le chat doré, et le voilà qui se prend pour le Roi !
Rien que ça !
Il en était si convaincu, que toutes les hyènes, ses amies, après avoir ricané pendant des heures, finirent par se laisser convaincre elles aussi.
Et voilà qu’il se met à déclamer ses ordres et volontés sous peines de menaces, absurdes et au mieux ridicules, avec une tonalité bizarre.
Sa MaZesté nouvelle ne supporte pas la contrariété, et à la moindre suspicion de rébellion, les hyènes se chargent de faire régner l’ordre.
Ses amis et membres du groupe de musique Jungle Rock croient d’abord à une blague.
Mais lorsque Grabidon l’hippopotame subit la torture des chatouilles ou que tous doivent courir dans un marigot boueux, ils comprennent qu’il va falloir mettre un terme à cette comédie.
Ils font alors appel à leur ami Bono-le-décoiffé, le lion le plus déjanté de la jungle, et qui par un stratagème autant audacieux qu’astucieux, remet les idées en place dans la tête de Chapacha.
Avec mon trio, nous avons beaucoup aimé cet album qui met en scène des personnages qui ne sont pas sans nous en rappeler d'autres.
Par le biais des désirs plus excentriques que loufoques du roi autoproclamé Chapacha, Nancy Guilbert écrit une histoire contre les dérives du pouvoir. Surtout lorsque celui-ci n’a pour but que l’amusement au détriment d’autrui, et qui frise davantage l’humiliation que le ridicule.
Pour égayer le propos, les noms des personnages sont rigolos (Curedan, Korbillar, Binoclar…) et les illustrations de Florian Le Priol vives, colorées et chatoyantes.
Le petit Guili
Texte et illustrations de Mario RAMOS
Pastel pour L’Ecole des Loisirs, mars 2013.
Album posthume.
Dès 4 ans.
Notions abordées : Animaux, pouvoir/dictature, désobéissance civile, absurde, expressions.
Léon le lionceau est petit, très petit, mais voué à être grand, le plus grand même !
Devenu grand, il est le Roi des animaux et plus le temps passe et plus il exerce son pouvoir avec autorité et cruauté.
Instaurant la peur, il ne supporte pas la discussion, la protestation, ordonne à son envie, n’acceptant pas que l’on puisse être plus haut que lui, au sens propre comme au figuré.
Un jour, il inventa une loi qui interdisait aux oiseaux de voler.
Les parents étaient obligés de briser eux-mêmes les ailes de leurs petits à la naissance.
La révolte commença à gronder.
Mais, alors qu’il fait diversion en provoquant la guerre contre son ennemi, à l’autre bout du royaume, un oisillon voit le jour.
Sa maman l’appelle Guili. Sans lui briser les ailes, elle lui apprend à se servir de son corps comme de sa tête.
Farceur et intrépide, il se pose des questions sur le monde qui l’entoure et notamment sur ce roi venu parader par chez lui.
« Vive le roi ! » crièrent les animaux.
« Pourquoi ? » lança Guili.
Tous les animaux se tournèrent vers lui.
« S’il est méchant, pourquoi est-il le roi ? » insista Guili.
« Parce qu’il a la couronne », répondirent les animaux.
« Ridicule » dit Guili qui s’élança, agita les ailes et… s’envola.
Si la couronne fait le roi, il suffit de la lui ôter pour qu’il ne le soit plus, non ?
Et aucune menace, aussi terrible soit-elle, ne peut rien contre un oiseau qui vole.
Guili s’en va alors poser la couronne sur différentes têtes et toutes de décréter, ordonner, stipuler, pour leur bien propre, autant de désirs jugés sans appel « ridicules » par l’oisillon !
« Se laver une fois par an est bien suffisant et j’exige qu’aux carnivores, on arrache toutes les dents. »
« Trente-six repas chauds servis au lit, et qu’on écrase toutes les petites souris. »
« Les poules et les lapins pourront courir dans les champs, les canards et les oies seront libres comme le vent. Je veux que tout le monde circule librement ! »
Excédé, Guili prend l’objet qu’il lâche dans une immensité bleue et s’en va vers d’autres horizons.
Mais l’histoire peut-elle vraiment s’arrêter là ?
A la manière de Jean de La Fontaine, Mario Ramos nous décrit les dérives du pouvoir en utilisant les animaux, et en détournant le conte Les habits neufs de l’Empereur.
Avec un vocabulaire très autoritaire, voire même guerrier, son illustration très épurée étonne et détonne de prime abord. Sobriété du trait au crayonné apparent, grands à-plats de couleurs ou fonds blancs, détails minimes et collages.
Une fable cruellement d’actualité où l’on s’occupe des affaires extérieures pour ne pas regarder vers l’intérieur du royaume, où l’on sape toute liberté. Car le vol des oiseaux n’est que métaphore. Il est le symbole de l’éducation, de la connaissance et du savoir, mais inatteignable les ailes brisées.
Avec cet album publié après son décès, Mario Ramos nous a laissé une trace, à mon sens, fataliste et triste. Si l’étincelle de la révolte (au sens positif) existe toujours, le départ de Guili, fuyant sa terre natale, où il laisse sa mère, me laisse dubitative. Je ne sais pas trop quoi en penser, ou déduire.
Mario Ramos a déjà évoqué l’exercice du pouvoir par le biais du poids des responsabilités et de l’équilibre/justesse des décisions à prendre sans que respect ne se confonde avec autoritarisme. Pour ce faire, il a aussi employé la figure du lion dans Nuno Le petit Roi.
Nuno, le petit roi. Mario Ramos (dès 4 ans)
Nuno, le Petit Roi. Mario RAMOS Ecole des Loisirs, collection " Pastel ", mars 2000. Dès 4 ans. Notions abordées: animaux, différences, Comme j'aime les livres de Mario Ramos : le style, l'écri...
http://vivrelivre19.over-blog.com/2013/11/nuno-le-petit-roi.html
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Ces deux albums participent au Challenge de Sophie Hérisson « Je Lis Aussi des Albums 2016 » autour du thème mensuel de la jungle.
65 et 66/100
Et Le Roi de la Jungle à celui d’Enna pour son « Petit Bac 2016 », pour ma 6e ligne, catégorie Lieu.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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