La Vie, la Mort et les arbres – deux albums dès 5 ans
Publié le 16 Juin 2016
Les Arbres sont symboles de vie et de transmission, de lien entre la terre et le ciel, ou l’inverse, et de renouveau.
Ils (me) semblent éternels, immuables, rassurants, protecteurs, même au plus froid de l’hiver ou de la vie. Ce n’est pas leur ascension qui m’attire, ni même leur feuillage bien que j’aime à les observer dans la lumière, mais leurs racines. La manière dont elles zèbrent ou s’engouffrent sous terre, ressortant ça et là, disloquant ainsi le sol alentour, et parfois jusque loin du tronc.
Il paraît que la manière dont on dessine un arbre, et plus particulièrement ses racines, en dit long sur notre sentiment et représentation de la famille. Le petit noyau comme le cercle plus élargi. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que l’on parle d’arbre généalogique… Pendant longtemps, mes arbres n’ont pas eu de racines. Et ceux de mes enfants ont des branches qui y ressemblent, inversées…
Ces deux albums abordent cette grande thématique de la transmission et du lien, de manière subtile, délicate ou plus franche. Ils se complètent à merveille.
Sam & Watson. Les saisons de la vie.
Texte de Ghislaine DULIER et illustrations de Bérengère DELAPORTE.
Editions P'tit Glénat, collection "Petites histoires pour la vie", mars 2016.
Dès 5 ans.
Notions abordées : Arbres, saison, le temps qui passe, famille, transmission, nature, vie/mort, bienveillance.
P'tit Glénat inaugure une nouvelle collection avec ces deux personnages, Sam le petit garçon, et Watson le chat gris pour aborder les grandes questions de la vie avec la fraîcheur dont les petits ont besoin !
Et c'est réussi!
C’est d’abord le titre qui m’a attirée, à la fois clair et poétique, évident pour nous, moins pour les enfants.
L’album commence par une introduction très intéressante écrite par Jacques Vigne, médecin psychiatre et essayiste, sur la notion du temps, la crainte du changement et de la transformation qu’il induit et sa difficile préhension ou acceptation. Elle est à la fois si simple et si juste que j’ai presque envie de vous la livrer dans son ensemble.
En voici quelques passages :
Il est important que très tôt, les enfants apprennent à ne pas avoir peur des transformations qu’il [le temps] apporte, mais au contraire à les vivre de façon positive. (…) Instinctivement, les enfants comme les adultes craignent le changement. L’éducation profonde doit apprivoiser cette frayeur.
Le courant de la vie est un flux permanent, on ne peut s’attacher sentimentalement ou craintivement au passé, mais cela nous apportera plus de souffrance que de bonheur, alors qu’être dans le présent sans peur de l’avenir nous libère. On pourrait dire que quand le cœur pleure pour ce qu’il a perdu, l’esprit rit pour ce qu’il a gagné.
Nous faisons la connaissance de Sam, un petit garçon qui sort d’une balade en forêt avec ses grands-parents et qui se pose des questions.
-Dis donc, Watson, tu sais, toi, pourquoi les feuilles tombent des arbres ? Moi je crois qu’elles sont vieilles. Elles sont fatiguées, alors elles tombent…
Et c’est donc son chat, Watson !, qui va lui raconter le cycle de la vie de l’arbre, le rôle des feuilles lorsqu’elles sont sur ses branches, puis par terre et ainsi faire le lien avec le cycle de la vie humaine et ses différents âges, rôles et occupations.
Car vieillir, ce n’est pas s’arrêter, c’est continuer, mais autrement.
Savoir que l’on peut faire plein de choses d’une manière différente ou dans un autre domaine, et avec les moyens que le corps permet.
Et vieillir, c’est aussi réunir, transmettre, aider. Lorsque la société l’accepte.
J’ai beaucoup aimé cet album dont les mots abordent avec délicatesse et justesse ces questions importantes que les enfants ne savent pas toujours poser, car difficiles ou qu’ils n’osent pas. Tandis que nous, adultes, pouvons être gênés ou ne pas trouver les mots.
-Dis, Mamie, quand on a fini d’être vieux, est-ce qu’on disparaît nous aussi, comme les feuilles ?
-Oui, Sam chéri, mais pas complètement. Notre âme, cette petite lumière qui nous habite, reste vivante. Quand notre corps disparaît, elle va se reposer quelque part…
-Comme une étoile dans le ciel ?
-Oui, un peu comme ça. C’est joli, non ?
L’explication imagée de la Mort laisse la porte ouverte à une discussion. Notamment sur la spiritualité, voire la réincarnation. Cela offre un aspect intéressant qui prolonge la lecture.
Même si j’ajouterais volontiers que la personne décédée ne disparaît pas totalement puisque vit toujours dans le cœur et le souvenir de ses proches, ou des gens qui l’ont connue.
Les illustrations accompagnent très bien le texte, apportant touches de couleurs et vivacité. Elles sont pleines de pep’s, de clins d’œil et d’humour.
Liyah aussi a beaucoup aimé cet album et vous en parle ICI.
L'arbragan.
Jacques GOLDSTYN.
Éditions La Pastèque, 2015.
Dès 5 ans.
Notions abordées : Arbres, saisons, le temps qui passe, famille, transmission, nature, vie/mort, solitude, nonconformisme, amitié.
Nous retrouvons ici les mêmes thématiques, et bien d’autres encore, abordées avec beaucoup de pudeur, de justesse et de subtilité.
Un petit garçon, dont on ignore le prénom, nous raconte l’histoire de son ami Bertolt.
Bertolt est un arbre, un chêne solide et majestueux sur lequel il aime grimper. Il aime se retrouver au creux de ses branches, à l’abri de son feuillage, là où personne n’oserait jamais aller.
Ce n’est pas seulement une cachette mais aussi une maison, un refuge, un labyrinthe, une forteresse.
Ainsi protégé, saison après saison, il observe le monde qui l’entoure.
La nature qui parfois se déchaîne, l’écosystème, insoupçonné, que Bertolt renferme et favorise.
Et il apprend.
A son sommet, il domine tout, semble percevoir la courbure de la Terre au-delà des villages, distingue les occupations des uns et des autres.
Autres avec lesquels il ne se mélange pas sans que cela ne le chagrine. Car il est un solitaire que l’originalité et le regard des autres n’effraient pas.
Car il sait. Il sait les petits secrets ou manies de chacun, leurs différences.
L’hiver fini, son impatience est grande de retrouver Bertolt.
Mais alors que tous les arbres alentour verdissent et fleurissent au printemps renaissant, Bertolt semble s’être endormi à jamais.
Est-il … mort ?
Notre petit garçon se questionne, essaie de comprendre, compare avec ce qu’il sait, connaît et décide de lui rendre hommage, à sa façon.
Dans une course effrénée, contre le temps peut-être, il réunit des esseulés, pour leur donner un autre sens, ou utilité. Et c’est ainsi que le titre de cet album prend tout son sens.
Mais il le fait aussi pour lui-même. Pour s’aider à grandir, à aller au-delà. Comme une transmission, une filiation, incarnée dans le dessin du bonnet de notre petit bonhomme.
Le sujet pourrait être triste, pourtant, ce n’est pas ce sentiment qui demeure à sa fermeture.
Petit format intimiste dans lequel le blanc prédomine, teinté sensiblement par les crayonnés de l’auteur qui rappelle tant les traits esquissés par Sempé, cet album est empreint de douceur et de poésie. De détails, de sens et de symboles.
Mais Bertolt est-il vraiment mort ? Rien n’est moins sûr. Za le pense, tandis que Pépita non…
Céline du Tiroir, Laurette, Le Petit Carré jaune, et le blog Campagne pour la lecture ont également été séduit(e)s par cet album.
Vous voulez en savoir un peu plus sur ce livre et son auteur ? CLIC
Un après-midi avec Jacques Goldstyn
Assis à son bureau, Jacques Goldstyn est entouré d'une myriade de crayons-feutres et de tubes d'aquarelles. Sous ses mains, les bandes dessinées qui paraitront dans le prochain numéro de Les D...
« Le thème de la liberté est intrinsèquement lié à la volonté artistique de l’auteur, et l’émancipation de ses personnages semble faire écho à celle de la main, qui souhaite esquisser des formes plus déliées, plus spontanées, comme en témoignent Le Petit Tabarnak (La Pastèque, 2013) et L’arbragan, au style approchant celui de Sempé. »
Ces deux albums coup de cœur participent au Challenge de Sophie Hérisson « Je Lis Aussi des Albums 2016 » et le premier à celui d’Enna pour son «Petit Bac 2016 », pour ma 6e ligne, catégorie Prénom.
59 et 60/100
Belles lectures et découvertes,
Blandine.
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