Tant que nous sommes vivants. Anne-Laure BONDOUX - 2014 (Dès 15 ans)

Publié le 22 Mars 2016

Tant que nous sommes vivants

Anne-Laure BONDOUX

Couverture illustrée par Hélène DRUVERT

Éditions Gallimard, septembre 2014.

304 pages.

Thèmes abordés : quêtes initiatiques, conte et détournement, anticipation, famille, Amour, bonheur, humanité.

Il faut toujours perdre une part de soi pour que la vie continue.

Tel est le leitmotiv de ce conte philosophique qui se divise en quatre parties et quatorze chapitres dont les intitulés jouent avec les contrastes : L’ombre et la lumière ; La quiétude et l’inquiétude ; Le connu et l’inconnu ; Le départ et le retour

Et que la couverture, magnifique, retranscrit à merveille.

Le récit se passe dans une période indéfinie de l’Histoire des Hommes, à la fois d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Dans un monde industriel, pollué, détruit, au côté duquel une nature sauvage et mystérieuse existe toujours et dans laquelle la magie et/ou la superstition se côtoient au-travers d’êtres un peu surnaturels, de savoirs ancestraux, de gestes millénaires...

Et d’une Humanité forte mais surtout oublieuse, donc faible…

Dans un monde où les gens ne se connaissent pas ni n’imaginent les frontières de leur pays, et pourtant sans barrière de langue.

Dans une ville où une usine d’armement rythme en deux temps les vies de ses habitants, nous faisons connaissance avec Hama, de l’équipe de nuit, et de Bo, le grand gaillard venu du Nord, qui la remplace à l’aube.

Le coup de foudre est immédiat. Cet amour absolu, ce bonheur déclaré, rebondit contre les murs de l’Usine, pénètre le cœur des gens, inonde la ville et rayonne sur ce quotidien morne et répétitif.

Mais une catastrophe survient, annoncée par un vieil homme étrange et un peu fou, oiseau de mauvaise augure mais prédicateur.

Depuis l’explosion, nous avions repris nos habitudes craintives : aux grandes joies de l’existence, qui s’accompagnaient aussi de grandes peines, nos esprits paresseux préféraient le confort médiocre d’une vie sans risque. Or, l’amour de Bo et Hama nous semblait plus dangereux que les explosifs stockés dans les hangars de l’Usine.

Page 73

Hama perd ses deux mains, Bo redevient l’étranger et est désigné responsable des maux de la ville. Des graines de violence, de rancœur, de culpabilité et de vie se développent, imbriquées. Hama est enceinte, le couple, fuit, met au monde une petite fille, Tsell.

Dans une forêt, ils sont pris en charge par une famille de troglodytes qui leur apprend à apprendre, la patience, le temps, qui ils sont.

Et la Mort.

Celle des petites choses, de l’Invisible, de la mort des Temps et des Êtres. De sa nécessité, de la place qu’elle laisse pour le (re)nouveau.

-Chaque enfant naît avec une longe histoire, finit-il par murmurer. Cette petite fille possède une longue, longue… très longue histoire.

Page 129.

Hama rêve d’ailleurs.

Ils reprennent alors tous trois la route et arrivent à la Presqu’île qui s’ouvre sur une mer fermée mais dont on ne connaît pas l’horizon, les limites.

C’est là dans la bicoque montée de bric et de broc par ses parents que grandit Tsell, dans un havre de paix, de tranquillité, de ciel bleu azur, d’amour, loin du chaos.

Du moins le pensent-ils…

Entre ces lignes d’amertume, il semblait reprocher à ma mère de l’avoir empêcher de devenir lui-même. La face sombre et douloureuse de l’amour avait pris le dessus, et je sentis que c’était irréparable.

Page 244

Un cargo immense, une véritable Arche de Noé guerrière, des paroles anxiogènes, une présence hypnotique et ce sont toutes leurs certitudes qui se brisent.

La famille se disloque, disparaît la promesse du « toujours ensemble » et Tsell fuit, en compagnie de Vigg, qui quitte le navire. Sans le savoir, ils font le chemin inverse de Bo et Hama, entrepris douze ans pus tôt.

Ils suivent le besoin impérieux et inconscient de revenir aux origines, car on ne sait pas où on va tant qu’on ne sait pas d’où on vient.

Ce roman fait écho. Il m’a véritablement happée et questionnée. Sur le sens de l'Amour, sur le sens de la Vie. Au moment de le refermer, il me faut accepter de n’en avoir pas saisi tous les sens, de n’avoir pas toutes les réponses.

Ce roman est multiforme.

Les genres se mêlent et s’imbriquent, les descriptions sont à la fois précises, oniriques, saisissantes. L’écriture est sensible, forte, emplie de métaphores, chorale dans la première partie, puis intime dans les suivantes. 

Il y a du Orwell, il y a du Tistou (les pouces verts), il y a du Alice, il ya du Dino Buzzati, il y a du Tolkien, il y a des contes, il y a des croyances indiennes, il y a du fantastique, et il y a du réel.

D’après ce que nous expliqua l’amiral, la guerre s’était déclarée un an plus tôt, à nos lointaines frontières. Nous n’en avions rien su, mais elle faisait désormais rage à tous les points cardinaux, sous les formes les plus confuses.
-Guerre de l’information, guerre financière, économique chimique… énuméra l’amiral (et le lieutenant Mendès brandissait systématiquement un feuillet tamponné pour appuyer ses dires). Guerre logistique, guerre psychologique… Vandalisme, terrorisme !
(…)
-Pillages, guérillas urbaines, raids aériens, expéditions punitives, grèves administratives et tentatives de putsch, je vous passe les détails !

Page 206.

Tant que nous sommes vivants, nous croyons, nous aimons, nous espérons, nous progressons, nous échouons, nous avançons, nous détruisons, nous transmettons, nous oublions, nous recommençons…

Pour conclure, je vous invite à aller voir le site d’Anne-Laure Bondoux qui nous révèle, surtout en images, les coulisses de l’écriture de ce roman.

*

Il a obtenu le Prix SGDL (Société des Gens De Lettres) du roman jeunesse 2015. Extrait du dossier de presse, par Gérald Aubert, dramaturge, administrateur de la SGDL et membre du jury : «Tant que nous sommes vivants emprunte parfois les pistes du récit social le plus brutal, explore un instant les chemins du conte merveilleux, passe avec fluidité du roman d’amour au récit initiatique, mais avec toujours au centre de l’écriture, cette conviction qu’il existe, même au cœur du danger, de la désillusion et de la mort, un atome d’humanité que personne ne pourra jamais détruire. La force d’Anne-Laure Bondoux est de nous montrer qu’une vie difficile n’est pas une vie ratée, qu’un amour non abouti reste un amour, et que le rêve brisé de l’un sera probablement réalisé par l’autre. C’est cela la puissance de la vie. Cette transmission du désir d’exister et cette quête non négociable du bonheur.»

Ainsi qu’à aller lire les articles d’Enna et de Laurette, pour notre lecture croisée.

Ce titre participe au Prix des Incorruptibles 2015-2016, sélection 3e/Lycée.

Ainsi qu’au Challenge “Petit Bac 2016” d’Enna pour ma quatrième ligne, catégorie Phrase.

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Je vous ai déjà présenté un livre d’Anne-Laure Bondoux, son plus intime : L’autre moitié de moi-même.

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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E
J'ai beaucoup aimé aussi . Ce roman est vraiment fort et riche, il y a tant de facettes et effectivement il y a du conte mais comme tout conte, il s'y cache des vérités. Une belle découverte!
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B
Voilà pourquoi il nous parle tant, à tous, aussi différents que nous sommes!<br /> Merci pour avoir "provoqué" sa lecture grâce à la lecture croisée!<br /> Vivement la prochaine :-)
N
Je l'ai tellement aimé aussi ...tant de choses qui résonnent, une écriture fluide et poétique...<br /> Vous l'avez très bien analysé, je suis admirative, bravo Blandine.<br /> Belle soirée !
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B
Merci beaucoup Nancy :-)<br /> Belle journée à vous aussi!
L
Des questions en suspend pour moi aussi pour ce roman mystérieux rempli de symboles divers qui nous aura happé toutes les 3 ... La synthèse de Gerald Aubert est bien jolie, je ne l'avais pas vue ! Bises
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B
Oh oui, beaucoup d'échos...<br /> Va sur le blog d'Anne-Laure Bondoux, c'est intéressant de découvrir les éléments qui l'ont amenée à écrire. Si certains éclairent le roman, d'autres, pas vraiment... le mystère de la création ;-) Bises