Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier. Patrick MODIANO - 2014 - Prix Nobel de Littérature
Publié le 9 Janvier 2016
Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier
Patrick MODIANO
Éditions Gallimard, 2014.
148 pages.
Thèmes abordés : Mémoire/souvenirs, enfance, histoire.
Le narrateur, Jean Daragane, la soixantaine, vient récupérer son vieux répertoire retrouvé par un certain Gilles Ottolini, qu’une jeune femme intrigante, Chantal Grippay, accompagne.
Le geste de ce dernier n’est pas désintéressé. Il ne lui rend son carnet que parce que le nom de Guy Torstel y figure.
Le malaise ressenti par Jean depuis le coup de fil ayant rompu sa solitude s’amplifie au fil des pages, mais son attrait pour Chantal aussi.
Mais pourquoi donc était-il entré dans l’intimité de gilles Ottolini et de cette Chantal Grippay ?
Autrefois, les nouvelles rencontres étaient souvent brutales et franches – deux personnes qui se heurtent dans la rue, comme les autotamponneuses de son enfance. Là, tout s’était passé en douceur, un carnet d’adresses perdu, des voix au téléphone, un rendez-vous dans un café… Oui, tout avait la légèreté d’un rêve. Et les pages du « dossier » lui avaient procuré une sensation étrange : à cause de certains noms, et surtout celui d’Annie Astrand, et de tous ces mots tassés les uns sur les autres sans double interligne, il se trouvait brusquement en présence de certains détails de sa vie, mais reflétés dans une glace déformante, de ces détails décousus qui vous poursuivent les nuit de fièvre.
S’ensuivent alors toutes sortes d’émotions contraires, des rendez-vous, du stress, de l’anticipation, des mensonges et des révélations, des questionnements, un « dossier » et une plongée dans le puzzle houleux des souvenirs, qui le ramène à sa propre enfance, oubliée, enfouie.
Il ne pouvait détacher son regard de cette photo et il se demanda pourquoi il l’avait oubliée parmi les feuilles du « dossier ». Etait-ce quelque chose qui le gênait, une pièce à conviction selon le langage juridique, et que lui, Daragane, aurait voulu écarter de sa mémoire ? Il éprouva une sorte de vertige, un picotement à la racine des cheveux. Cet enfant, que des dizaines d’années tenaient à une si grande distance au point d’en faire un étranger, il était bien obligé de reconnaître que c’était lui.
Réminiscences qui refont surface de plusieurs façons, qui s’entrechoquent.
Jusqu’à la fin, glaçante.
Mystère des origines, quête, construction et dissimulation de l’identité, méandres de la mémoire, oublis inconscient ou non, sont au cœur de ce roman, qui me laisse un peu perplexe. Je ne suis pas sûre d’avoir tout saisi de l’enfance du narrateur. Le récit mêle volontiers le présent à plusieurs moments de son passé, sans qu’il soit toujours facile de les dissocier. L’auteur entretient ce flou, pouvant le faire appartenir à plusieurs évènements du passé, bien qu’un épisode ayant réellement eu lieu soit mentionné. Au lecteur de se faire sa propre opinion, car dans un scénario comme dans l’autre, tout se tient.
Le rythme est lent, comme le narrateur, qui a quelques manies. Je l’ai bien souvent involontairement confondu/superposé avec l’auteur. Me donnant l’impression de l’entendre lire, lui qui a une élocution si particulière.
Les phrases s’enchevêtraient et d’autres phrases apparaissaient brusquement qui recouvraient les précédentes, et disparaissaient sans lui laisser le temps de les déchiffrer. Il était en présence d’un palimpseste dont toutes les écritures successives se mêlaient en surimpression et s’agitaient comme des bacilles vus au microscope.
Je n'avais jamais lu de roman de Patrick Modiano auparavant. Et même si cette lecture me laisse dubitative, je suis tout de même curieuse d’en découvrir d’autres car les thèmes abordés, et qui font son œuvre, me sont chers.
Initialement prévu en lecture croisée avec Laurette, ce roman n’a pas su la convaincre. Comme elle, beaucoup ont été déroutés, pourtant bien dans le style de l’auteur, mais pas son meilleur, aux dires des uns et des autres.
Ce titre participe aux Challenges « Les Anciens sont de sortie » de Stephie et « Petit Bac 2016 » d’Enna, pour ma 1e ligne, catégorie lieu.
Belles lectures et découvertes,
Blandine.