Les liens du silence. Gilda PIERSANTI.

Publié le 27 Octobre 2015

Les liens du silence. Gilda PIERSANTI.

Les liens du silence.

Gilda PIERSANTI.

Editions Le Passage, diffusion Seuil, octobre 2015.

286 pages.

Thèmes abordés : Italie, mafia, famille, amour, liberté, mort.

Ce roman nous entraîne au cœur d'une famille italienne, pas tout à fait comme les autres… Calabraise, elle est impliquée toute entière dans des activités mafieuses, sans que jamais le patriarche, Don Alfredo Cordallero, n'ait pu être inquiété par la justice. Il est même considéré, très respecté et aimé, tout autant que craint, dans sa région par l’ensemble de la population.

Naître dans une famille mafieuse implique d'en être le jouet, les intérêts primant sur les désirs individuels, et notamment féminins. La femme n'est qu’un pion, une pièce à jouer, au milieu de tous ces hommes, obéissant à des règles, des codes, immuables, d’honneur et d'un autre temps, tout en sachant parfaitement s'adapter au monde dans lesquels ils vivent.

L’honneur outragé se paie de la vie, c’était la loi gravé sur le pavé de tous les villages de cette terre qui était la leur.
L’honneur est avant tout celui des femmes – règle déclinée selon toutes les formes de la domination masculine ; car c’est la femme qui fait de l’homme un homme d’honneur, craint et respecté.
(…) Mais voici le prie. Chez nous, la femme, victime et complice, se fait la gardienne de son destin en transmettant dans l’ombre du foyer les valeurs du silence et du sang.

Page 15.

Pourtant, Don Alfredo, a voulu en écarter sa petite-fille, orpheline, Giulia. Il lui a offert une éducation, trop coûteuse, en l’envoyant dans une institution suisse, lui favorisant une ouverture au monde et particulièrement à la musique avec le violoncelle. Mais entraînant une profonde méconnaissance de sa famille, et de lui-même, qu’elle appelle Son chêne, Ses racines.

Il n’est pas nécessaire d’être aveugle pour ne rien voir. (Page 196)

Et on apprend pourquoi au fil des pages…

Mais son épouse, Lucrezia du clan Pellicani, la si bien surnommée l’Araignée, n’oublie pas que Giulia doit servir de gage, et elle veille et surveille…

Mais cette dernière tombe amoureuse de Lorenzo, journaliste et fils de Michele Cortese, un ancien magistrat lourdement handicapé depuis un attentat qui lui a pris sa femme. Mu par un esprit de vengeance, Lorenzo cherche d’abord à séduire la petite-fille de celui qui a commandité cet acte, avant de s’en éprendre. Et d’être très violemment agressé, l’envoyant à l’hôpital pour de nombreuses semaines et le séparant de Giulia, renvoyée de force en Calabre.

Et Giulia apprend, se rebelle ou joue le jeu selon les moments. Elle comprend qu’elle ne peut se délivrer de son nom qui la lie, l’enferme dans cette famille qui décide pour elle comme pour toutes les femmes. Elle repense à sa tante Alba (qui lui a servi de mère), qui a collaboré avec la justice avant de se rétracter puis de mourir dans d’atroces souffrances.

Mais Giulia refuse de se soumettre…

Cette histoire d’amour, à la shakespearienne, à la fois si banale et si tragique, ne sert qu’à démontrer tout le pouvoir et l’étendue de la mafia.

Que ce soit à l’intérieur des familles, avec tout un panel de sentiments et ressentiments, ou dans le fonctionnement administratif et politique du pays, Gilda Piersanti décrit avec précisions, dates et chiffres ses diverses activités et mutations.

Trafic de drogues et notamment cocaïne, détournements de fonds publics, trucage des appels d’offres, utilisation sans vergogne de l’immigration clandestine, et diversification avec le traitement des déchets ménagers ou investissement dans des boutiques bio… la mafia est partout.

Don Salvatore était le boss suprême, il faisait partie de cette vieille garde qui entretenaient des liens avec les Corleonesi de Sicile et pouvait se vanter de contacts jusqu’en Amérique du Nord. Son clan s’était d’abord imposé par la contrebande de cigarettes, lorsque le trafic se déplaça des côtes siciliennes – traditionnellement utilisées pour la réception de marchandises – aux côtes ioniennes. Plus tard, le trafic de drogue, qui fut longtemps une exclusivité des Siciliens – les clans calabrais dépendant d’eux pour l’approvisionnement -, suivrait le même déplacement. Outre la contrebande de cigarettes, les clans du Bunker continuaient également à pratiquer l’extorsion – le fameux pizzo – et le contrôle du travail au noir.

Page 47.

Malgré une narration parfois alourdie ou répétitive sur cette relation interdite, ce roman m’a plu et n’est pas sans me rappeler ceux d’un autre écrivain [que j’aime beaucoup], dont ils ont bousillé la vie en l’obligeant à vivre caché jour et nuit ? Caché et gardé à vue. Comme un criminel, alors que son unique tort a été de les démasquer, les criminels ! (Page 33)

Merci à l’opération Masse Critique de Babelio ainsi qu’aux Editions du Passage pour m’avoir permis de le lire.

      

Ce titre participe aux Challenges « Petit Bac 2015 » d’Enna pour ma huitième ligne, catégorie Musique, ainsi qu’à celui de Sophie Hérisson, « 1% Rentrée Littéraire 2015 ».

 challenge rl jeunesse

Belles lectures et découvertes,

Blandine.

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N
Ah, ces histoires de famille, de liens intergénérationnels ... Il y aurait tant de choses à dire, à écrire !<br /> Ce genre de romans met parfois mal à l'aise et bouleverse, ce sont des thèmes forts.<br /> Merci pour la découverte Blandine, belle soirée !
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B
Et le conditionnement invisible (ou pas!) des familles... Vaste sujet!<br /> Belle soirée pour vous également Nancy :-)
E
pourquoi pas.. je note dans un petit coin, pour l'Italie!
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B
;-)<br /> J'ai vu grâce à Bidib que tu faisais un challenge Italie mais ne pouvais pas l'assurer.<br /> Le referas-tu? ça pourrait m'intéresser ;-)