Boomerang. Tatiana de ROSNAY -2010
Publié le 6 Octobre 2015
Boomerang
Tatiana de ROSNAY
Editions Le Livre de Poche, juin 2010
377 pages
Thèmes: famille, transmission intergénérationnelle, Mort, famille, mémoire.
Comme le boomerang qui toujours revient, le passé refait inlassablement surface, par petites touches ou violemment. Son impact n’est pas anodin, que l’on ait cherché à le connaître, à savoir ou à le fuir. Ses secrets plus ou moins dissimulés ont une incidence sur notre présent et notre futur, notre manière d’être et d’agir.
Pour savoir où nous allons, il faut savoir d’où nous venons…
Mais la connaissance a un prix. Faut-il savoir, déterrer le passé, ou au contraire le laisser, car il ne saurait que blesser, abîmer des relations parfois déjà bien fragiles ? Connaissons-nous vraiment nos parents? C’est à ces questions qu’Antoine, le narrateur, va être confronté.
Pour fêter le quarantième anniversaire de sa sœur Mélanie, et la sortir de sa tristesse, il décide de l’emmener à Noirmoutier.
Pourquoi Noirmoutier ? Parce qu’ils y avaient passé des étés de rêve. Parce que Noirmoutier symbolisait l’enfance, ce temps de l’insouciance, ces grandes vacances que l’on croit éternelles. Rien n’était plus beau que la perspective d’un après-midi à la plage avec des copains. (…) Noirmoutier avait quelque chose de privé, d’intime, ce lieu incarnait leur passé, à lui et à Mélanie. Un passé pur et idyllique.
Tout heureux de sa surprise, il a occulté que c’était là, en 1973, qu’ils avaient passé leur dernier été avec leur mère, Clarisse, décédée brutalement six mois plus tard, quand il avait dix ans Tout les rappelle à elle qui hante ces lieux, à leurs grands-parents, Blanche et Robert, à leur tante Solange, à leur père si souriant bien que souvent absent, et si tyrannique depuis.
Souvenirs, douceurs, mais aussi petits détails qui, comme des grains de sable, viennent abîmer la mémoire enjoliveuse. Le vernis s’écaille et les enfants, devenus adultes, entrevoient à présent les cassures, les tensions sous-jacentes, le paraître des attitudes.
Sur le retour, Mélanie, qui conduit, s’apprête à lui faire une révélation. La voiture tourne en même temps que sa tête, terrible choc qui l’expédie au bloc et Antoine dans l'analyse des ces deux derniers jours comme de toute sa vie. Récemment divorcé d'Alice, il ne reconnaît plus rien: ses enfants devenus ados, son métier d'architecte qui l’ennuie, son rôle en tant que père, sa personne…
Dès lors il se questionne sur son identité, fait des rencontres improbables, attend, encaisse. Trois mois et 217 pages plus tard, Mélanie se souvient. Elle sait et veut en savoir davantage sur leur mère, cette ombre fugace, pour comprendre qui elle était.
Nous aussi, lecteurs, sommes dans cette impatiente attente, questionnée par quelques lettres que nous devinons de Clarisse, glissées au début du récit, et permettant le doute sur sa mort, ou ses circonstances, admises.
Dès lors, Antoine cherche, fouille, trouve, approche sa mère comme il n’a jamais pu le faire avant, trouve des réponses dans les épreuves que traversent ses enfants. Nous les éduquons mais eux aussi nous apprennent des choses de la vie, de nous-mêmes. Langues qui se délient, secrets de famille inavouables, Mélanie qui se ferme soudainement quand Antoine veut savoir, comprendre, extirper, partager. Savoir aide-t-il à comprendre, à accepter, à tourner la page, à continuer ? Peut-on tout accepter ? De la part de sas parents, de sa famille, la maladie aide-t-elle, ou nous oblige-t-elle, à nous voir, à nous comporter différemment ?
Mais et si, et si, et si ???
Ce soir, je sens à quel point la mort me submerge. Jamais dans ma vie elle ne m’a semblé plus présente. Elle est là, tout autour de moi, comme le bourdonnement incessant d’un papillon de nuit.
La Mort, et la renaissance liée, est le fil conducteur de ce roman percutant qui pose des questions existentielles sur la vie, la famille, l’amour. Une thématique aux questionnements multiples et inépuisables et aux réponses conditionnelles.
Une image revient souvent au long des pages, celle du passage du Gois qui mène à l’île de Noirmoutier. Route dangereuse et attractive, que les eaux recouvrent à une vitesse folle, piégeant les aventureux ou inconscients. Il est le lien et le symbole de ce roman. Il représente la crainte, la peur que le passage (la mémoire) disparaisse, que l’oubli survienne, mais tout autant l’espoir qu’il ressurgisse, vive, demeure.
Le passage du Gois. http://lesalbumsdejean.canalblog.com/archives/2008/01/30/7759506.html
Sommes-nous condamnés à être façonnés par notre enfance, ses blessures, ses secrets, ses souffrances cachées ?
Je crois que certaines lectures n’arrivent pas par hasard dans nos vies.
En ce moment, les miennes tournent autour de la famille, de nos liens dans celle-ci, des incidences entre les générations, de la Mort. Je suis persuadée que même à un autre moment, ce roman m'aurait plu de par sa thématique, mais il a actuellement une résonnance particulière, très forte, presque troublante. C'est une des forces de la littérature de savoir nous parler à nous tous, comme à chaque lecteur, unique.
Nous nous dévisageons, ma grand-mère et moi.
Mélanie nous observe, avec étonnement. Je veux être sûr que Blanche mesure à quel point je la déteste.
Qu’elle prenne cette rage en pleine face, de plein fouet, que sa chemise de nuit immaculée en soit complètement souillée. Mon mépris est tel que j’en tremble de la tête aux pieds. L’envie me démange de saisir un de ces oreillers brodés et de l’écraser contre son visage, pour étouffer l’arrogance de ses yeux perçants.
J’ai lu ce roman grâce à Enna qui m’en a proposé une lecture croisée, retrouvez son article ici.
"Au-delà du côté « enquête » sur le passé qui est bien amené de façon très subtile dans le roman, ce que j’ai vraiment aimé c’est l’observation de ces personnages qui semblent un peu sur des sables mouvants dans leurs vies : rien n’est vraiment stable, que ce soit dans les relations amoureuses ou professionnelles et dans les relations avec la famille et puis finalement avec le passé."
Il participe à son challenge « Petit Bac 2015 » pour ma septième ligne, catégorie Titre en un seul mot.
Ce roman a été adapté en film et vient de sortir en salles.
Je ne viens que de voir la bande-annonce car je ne voulais pas "polluer" ma lecture avant la fin. J'ai bien fait. Je ne peux que déplorer les multiples changements entre le livre et le film (cela va de la couleur des cheveux à l'intrigue), mais qui, paradoxalement, ne veulent pas dire que le film est mauvais. Je ne pense pas aller le voir de suite.
Et vous?
Aimez-vous voir les adaptations des livres en romans? Quel est votre sentiment en règle générale?
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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