Parvana. Une enfance en Afghanistan. Déborah ELLIS. (Dès 12 ans)

Publié le 12 Juillet 2015

Parvana. Une enfance en Afghanistan. Déborah ELLIS.  (Dès 12 ans)

Parvana.

Une enfance en Afghanistan.

Déborah ELLIS.

Le Livre de Poche Jeunesse, février 2008. (Canada, 2001 sous le titre The Breadwinner)

Traduit de l’anglais (Canada) par Anne-Laure BRISAC.

190 pages.

Dès 12 ans.

Thèmes abordés : Afghanistan, guerre, conditions des filles/femmes, famille, amitié, entraide.
Parvana. Une enfance en Afghanistan. Déborah ELLIS.  (Dès 12 ans)

C’est grâce au 26e Prix des Incorruptibles et le roman de Charlotte Erlih, que j’ai découvert, avec consternation, la tradition afghane des Bacha Posh.

Elle consiste à travestir de jeunes filles prépubères en garçons afin de pallier à la honte de n’avoir eu que des filles, ou tout simplement, pour leur permettre de sortir de chez elles, pour faire des courses ou rendre visite à la famille.

Ce récit m’avait profondément heurtée et n’ai, dès lors cessé, d’y penser. Chose favorisée par d’autres lectures sur ce phénomène, dont ce roman. C’est avant tout sa couverture qui m’a attirée, avant le titre. Une photographie percutante, à la fois attractive et repoussante.

Parvana a onze ans, elle vit avec son père, sa mère, sa grande sœur Nooria, sa petite sœur Maryam et son petit frère Ali, dans une seule petite pièce d’un immeuble en ruines.

Vingt ans que le pays est en guerre, mais un an et demi que la situation s’est grandement détériorée ave la prise de pouvoir des Taliban.

Kaboul est à feu et à sang. Cette ville autrefois gaie et prospère, n’est à présent qu’un amas de ruines et de décombres fumantes, subissant l’assaut de bombardements incessants. C’est à cause d’eux que Parvana et sa famille ont dû quitter leur maison, détruite, et s’entasser dans des appartements, puis pièces toujours plus petites, en laissant derrière eux, toujours plus d’objets et de biens, ainsi que d’eux-mêmes.

C’est ainsi que leur père perdit une jambe, et leur grand frère, Hosseyn, la vie, en marchant sur une mine.

Les Taliban ont édicté des règles très strictes quant aux femmes. Elles se doivent d’être soumises et cachées. Oubliées leurs vies d’avant, professeures, journalistes, sportives ou serveuses. Toutes les fenêtres doivent être peintes en noir pour qu’on ne puisse pas les voir, elles ne peuvent sortir seules dans la rue sans un accompagnement masculin, et sont contraintes de se couvrir entièrement avec ce drapé bleu qu’est le tchadri, ou burqa, avec juste un grillage devant les yeux.

Mais la burqa est un vêtement si ample, si long, que nombre de femmes tombent, les pieds pris dans le tissu, alors beaucoup font le choix de ne plus sortir, telles la mère ou la sœur de Parvana. Dix-huit mois qu’elles ne sont pas sorties, n’ont pas humé l’air, ni senti le soleil sur leur peau, la terre sous leurs pieds.

Dix-huit mois que les Taliban font régner la terreur, traînant et enfermant en prison n'importe qui, avec ou sans raison... C'est ainsi que son père, ancien professeur devenu lecteur et écrivain public au marché, accompagné par Parvana que son statut de fillette oblige « seulement » à porter le tchador, voile qui cache les cheveux et se noue sous le menton, est battu devant femme et enfants, avant d'être enfermé sans possibilité pour sa famille de savoir ce qu'il est devenu...

Qui va ramener de l'argent, à manger?

La mère et la sœur aînée de Parvana ne peuvent sortir seules, sa cadette est trop petite, et Ali n'a même pas deux ans. Grâce à l’aide de Madame Weera, professeure de sport et amie de sa mère, rencontrée au marché, Parvana se retrouve dans l'obligation, plutôt consentie, de se travestir en garçon.

Elle devient Kaseem.

La liberté d'aller et venir comme avant s'offre à elle, malgré la peur qui se transforme peu à peu en adrénaline. Mais de nombreuses tâches et responsabilités lui incombent aussi désormais. Sachant lire et écrire, elle reprend la place qu’occupait son père au marché, tout en vendant les rares affaires que la famille avait conservées.

C’est ainsi qu’elle retrouve Shauzia, une ancienne camarade de classe, qu’il lui faut désormais appeler Shafiq. Toutes deux se soutiennent et s’encouragent. La situation familiale de Shauzia est encore plus désespérée que celle de Parvana et elle ne songe qu’à une chose : s’enfuir en France.

« Sur toutes les images de la France que j’ai pu voir, il fait beau, les gens sourient, il y a des fleurs partout. Il y a sûrement des moments difficiles, aussi, pour les habitants de là-bas, mais je ne pense pas que cela soit aussi difficile qu’ici. »

Page 140.

Elles trouvent une combine pour gagner davantage d’argent et agrémenter l’ordinaire. Mais cela n’est pas sans conséquences sur leur enfance et leur innocence, brisées. Toujours à faire attention à tout et à tous, les yeux et la mémoire emplis d’horreurs sans certitude du lendemain.

Jusqu’à présent, pour elle, les taliban étaient des hommes qui battaient les femmes et arrêtaient les autres hommes : c’est tout ce qu’elle les avait vu faire… Ainsi, ils pouvaient avoir des sentiments, du chagrin, comme n’importe quel être humain ?

Page 87.

Au moment où elle quittait le stade, Parvana croisa le regard d’un taliban, un tout jeune homme, tellement jeune qu’il ne portait pas encore la barbe.
Il tenait une corde sur laquelle étaient accrochées quatre mains, comme si ç’avaient été des perles pour un collier. Il montrait son tableau de chasse à la foule en riant.

Page 135.

Heureusement, quelques signes de joie parsèment ce quotidien. Sa mère reprend de l’allant grâce à la présence de Madame Weera qui veut faire publier un journal clandestin, Nooria va se marier et se rend dans le nord avec sa famille, mais sans Parvana, ni son père dont on n’a aucune nouvelle, jusqu’à ce qu’il réapparaisse, affaibli, mais vivant.

Parvana a sauvé la vie d’une jeune fille, Homa, qui vient de Mazar, précisément là où Nooria doit se marier. La ville est tombée aux mains des Taliban qui la détruisent et assassinent avec acharnement.

C’est ainsi que Parvana quitte Kaboul.

L'auteure a écrit des suites à cette histoire. Récit fiction qui est le reflet de tant d’autres, bien réelles, et qui lui est venu au contact de populations afghanes réfugiées au nord-ouest du Pakistan puis rentrées au pays, comme nous l’apprend la toute fin du livre.

  • Le voyage de Parvana. Déborah ELLIS. Le Livre de Poche Jeunesse, collection "Histoires de vies", avril 2004.
  • Je m'appelle Parvana. 10 après Une enfance en Afghanistan. Déborah ELLIS. Editions Hachette, collection "Témoignages", février 2014.

Ce roman est tout aussi dur, percutant et révoltant que Bacha Posh.

Alors que celui de Charlotte Erlih se centre davantage sur les ressentis intérieurs de l’héroïne et les conséquences sur la cellule familiale, celui de Déborah Ellis nous apprend davantage de choses sur la prise de pouvoir des Taliban et ses effets sur la population. L’avant et le contraste avec le présent sont détaillés en filigrane, avec des descriptions de la vie dans son quotidien, alimentaire, vestimentaire avec de nombreux mots écrits en italique et des notes de bas de pages pour davantage d'informations. Et un petit précis d’histoire afghane clôt le livre et nous apprend que le pays est aussi la convoituse de beaucoup d'autres...

En cela, les deux se complètent même s’ils ne se situent pas au même moment historique. Dans les deux, comme dans le reportage de Stéphanie Lebrun, la France représente une échappatoire, un rêve de liberté et de retrouvailles. Shauzia donne rendez-vous à Parvana à la Tour Eiffel dans vingt ans.

[Mais en attendant,] « -Tout ce que je souhaite, c’est redevenir une enfant normale, voilà, dit Parvana. Aller à l’école, rentrer chez moi après la classe et manger ce que quelqu’un m’aura préparé. Mon père serait là. Une vie normale, c’est tout, une vie banale.
(…)
Parvana était fatiguée. Elle aurait voulu s’asseoir dans une salle de classe, et qu’on l’ennuie à mourir avec une leçon de géographie. Elle voulait être avec ses amis, parler des devoirs qu’il y avait à faire, de jeux, de ce qu’ils feraient pendant les vacances. Elle ne voulait plus entendre parler de mort, de sang, ni de douleur.

Pages 142 et 144

Parvana. Une enfance en Afghanistan. Déborah ELLIS.  (Dès 12 ans)

Pour ne pas oublier notre chance d’être nés ici, ou en tout cas pas là-bas, d’avoir nos libertés et nos possibles.

L’importance de l’éducation, du savoir, pour ne plus subir ni reproduire est distillée tout au long des pages.

Quinze ans que ce livre a été écrit et aujourd’hui encore la terreur continue… Je vous en parlerai à nouveau avec le très beau roman de Nadia Hashimi, La perle et la coquille.

Ce titre participe au Challenge « Petit Bac 2015 » d’Enna pour ma cinquième ligne, catégorie Lieu.

Un roman essentiel à partager et transmettre.

Blandine.

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N
J'ai le cœur serré simplement en lisant votre ressenti sur ce roman et les quelques extraits alors je n'ose pas imaginer ce que l'on doit ressentir à sa lecture...<br /> Il faut des romans forts et percutants comme ceux que vous citez, mais il faut également des lecteurs et des chroniqueurs pour les faire vivre, alors merci !<br /> Belle soirée Blandine.
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Y
Moi aussi
B
Merci beaucoup Nancy!