Touriste, regarde où tu poses tes tongs. Nicolas SANTOLARIA. (Essai)
Publié le 28 Juin 2015
Touriste, regarde où tu poses tes tongs.
Nicolas SANTOLARIA.
Editions Allary, mai 2015.
Essai, 237 pages.
Thèmes : Voyages, écologie, santé, patrimoine culturel, historique et touristique.
Voici un guide de voyage atypique, dans lequel l’auteur nous vante d’abord les mérites de 40 sites de rêves, incontournables, magnifiques de beauté et d'histoire, et qui se trouvent en France métropolitaine ou dans les DOM-TOM. Puis il nous dévoile avec beaucoup d’humour l’envers de la carte postale et des discours attrayants des brochures touristiques.
A peine reçu, je n’ai pas pu résister à l’envie/la crainte de découvrir si la Corse était épargnée, ou non.
La Corse, c'est aussi un rythme qu'il faut savoir appréhender, une pulsation nonchalante qui s'exprime dans la douceur du climat et la beauté lascive des plages à l'eau translucide. Face à ce spectacle, il est d'ailleurs tout à fait légitime de vous demander comment vous supportez de vivre, le restant de l'année, dans une mégapole si frénétique et inesthétique. Car ici, tout invite au ravissement des yeux, avec parfois une étonnante singularité.
Un sentiment que nous ressentons à chaque retour de vacances…
Heureusement, ce n’est pas l’Île dans son entier qui est concernée (ouf, mais quoique), mais le Cap Corse (zut), et plus particulièrement sa côte occidentale avec la belle plage de sable noir de Nonza. Elle est le résultat d’une intense activité d’extraction d’amiante qui a démarré en 1930 pour s’arrêter en 1965.
Le guide peut se lire dans l’ordre ou bien se picorer… ce qui vous évitera l’indigestion de trop de mauvaises nouvelles car toute destination semble cacher des secrets qui en feraient fuir plus d’un…
Qu’il s’agisse des effets concrets du réchauffement climatique, de la dégradation accélérée de nos écosystèmes depuis les « Trente Glorieuses » ou de notre passé militaire plus ou moins glorieux, nos zones de vacances recèlent désormais des périls qui ne se limitent plus à la simple tourista.
Chaque chapitre s’ouvre avec une belle photographie du lieu. Description alléchante, lieux incontournables à visiter, anciens ou très récents, petites touches d’histoire, anecdotes, attisent notre curiosité et notre envie d’évasion.
Le lac Bleu tutoie ainsi les sommets à Lesponne dans les Hautes-Pyrénées, son pourtour verdoyant est une agréable zone de promenade pour les chevaux dans l’Isère et, du côté d’Arolla, en suisse, il invite les estivants à une excursion digestive post-fondue jusqu’à la teinte très inhabituelle de son nuancier Pantone. Ces « lacs Bleus », malgré leur manque d’originalité sémantique, ont autant d’occasions d’escapades singulières. Mais c’est parfois dans les lieux de proximité que se déploie le tourisme le plus aventureux, dans ces zones où l’on ne s’attend pas à trouver un Maurice Herzog faisant du camping sous son dôme Quechua.
Puis Nicolas Santolaria raconte ce qu’aucun autre guide touristique n’oserait écrire. Avec à l’appui, chiffres, dates, rapports d’experts et discours de politiques, et répercussions sur la santé à plus ou moins court terme.
Dans l’anonymat du quotidien cette fois, ce sont plus de quatre millions de voyageurs qui empruntent chaque jour ce dédale bas de plafond. C’est aux heures des grandes migrations quotidiennes que cette vérité palpitante et sudorifique de la France laborieuse s’apparente avec le plus d’acuité, lorsque l’ouverture des portes métalliques invite soudain à un intense transport olfactif le touriste égaré. Lieu d’une poésie parfois atone transpercée par le cri métallique des wagons, le slam monocorde d’un sans-abri et les annonces avertissant de la présence de pickpockets, le métro est également un formidable shaker social et stylistique, duquel certains tentent bizarrement de s’abstraire.
(…)
Là, dans un conte de Lewis Caroll revisité, laissez-vous guider par Serge, le petit lapin sadomasochiste qui, depuis des décennies, lorsque les portes du métro se referment, continue à voir ses doigts se faire « pincer très fort ».
J’étais d’ailleurs dans le métro lorsque j’ai lu ce chapitre, pouvant ainsi confronter la réalité à la plume caustique de l’auteur.
Un autre chapitre a attiré mon attention, celui sur Verdun. Je savais que les lieux entourant cette ville-symbole de la Première Guerre mondiale en exhalaient encore de macabres résidus dus à l’emploi de gaz dit moutarde, puis à la destruction d’armes à l’Armistice créant « la place à gaz », désormais interdite d’accès depuis 2012.
Composé hautement toxique se mariant très mal avec les rillettes, l’arsenic, qui continue encore aujourd’hui à contaminer les nappes phréatiques, peut entraîner une diminution des globules blancs et rouges, des lésions au niveau des artères ou bien encore des maladies respiratoires.
L’auteur nous emmène aussi en Guadeloupe… et ses insalubres décharges sauvages ; Le Mont Blanc… et ses avalanches de crottes congelées ; La Lozère… et ses charmantes maisons au gaz radon ; La Martinique… et ses bananeraies flambées au chlordécone ; La Côte d’Azur … et ses embouteillages de méduses mauves…
En bref, toutes sortes de choses peu ragoûtantes qui feraient dire à beaucoup que nous ne pouvons plus aller nulle part.
Ce que ne veut pas dire l’auteur, qui conclue chacune de ses descriptions par une petite pointe d’humour, aussi pour en cacher l’indéniable tristesse.
J’émets juste deux petites remarques sur le livre.
J’aurais aimé que l’auteur nous écrive une petite conclusion à la suite de ce voyage un peu particulier, mais nécessaire.
L’objet-livre est très beau avec un papier glacé mettant en valeur les quelques photographies mais le rendant aussi plus lourd. Donc moins aisément transportable et donc pratique.
Cela ne changera peut-être pas la destination de vos vacances, mais au moins, vous saurez !
Ce titre participe au Challenge « Petit Bac 2015 » d’Enna, pour ma troisième ligne Pronom personnel sujet.
Merci aux Editions Allary et à l’opération Masse Critique de Babelio de m’avoir permis de le lire !
Belles lectures et découvertes !
Blandine.