Les amants Papillons. Benjamin LACOMBE - 2007 (Dès 8 ans)
Publié le 3 Juin 2015
Pour vous présenter ce magnifique album, Laurette et moi avons décidé, à nouveau, de faire une lecture croisée !
J’aime beaucoup ce principe qui permet de recouper nos vues sur un livre, d’en saisir les similitudes et surtout, les dissemblances… parce que nous n’avons pas les mêmes vécus, ressentis, analyses…
Les amants Papillons
Textes et illustrations de Benjamin LACOMBE.
Editions du Seuil Jeunesse, novembre 2007.
Dès 8 ans.
Notions abordées : Japon, Histoire, condition des filles, famille, amour, mort.
Avec sa plume et son pinceau, Benjamin Lacombe nous entraîne au Pays du Soleil Levant là où les traditions semblent immuables et magnifiques… Où les femmes sont superbement apprêtées, toilettées, maquillées, où le service du thé est une cérémonie et leurs paroles, des poèmes… Mais pour arriver à cette perfection, il leur faut quitter le domicile familial, étudier, et … s’oublier.
C’est ainsi que Naoko apprend le jour de ses 14 ans que son père l’envoie à Kyoto pour apprendre à devenir une femme convenable en vue, ensuite, d’être mariée.
L’éducation d’une jeune fille dure au moins cinq années. C’est le temps nécessaire pour connaître l’art de servir le thé, de jouer du luth ou de faire danser les éventails. Et c’est surtout le temps qu’il faut pour savoir se tenir ! Car une jeune femme du monde ne doit parler, se lever, s’asseoir, sourire, presque respirer qu’au moment opportun.
Cela ne convient pas à Naoko. Ce qu’elle aime, c’est lire, écrire des poèmes et des haïkus, rire lorsqu’elle est heureuse et pleurer lorsqu’elle est malheureuse.
En voyant un kimono de son père, elle sait que pour échapper à ce sort et faire ce qu’elle aime, il lui faut se travestir. Mais pour cela, elle a besoin de l’aide de sa vieille servante, Suzuki, qu’elle considère comme sa confidente, presque deuxième mère, depuis que la sienne n’est plus.
Naoko s’en va, en ayant convaincu la vieille. Du moins le croit-elle.
A Kyoto, perdue dans la foule, elle bouscule un jeune homme, Kamo, 16 ans qui s’en va aussi étudier la littérature, les mathématiques et les haïkus.
Une rencontre improbable, salutaire, qui évolue bien vite.
Les deux amis se retrouvent souvent, discutent, échangent, admirent, et finissent par s’entr’aimer. Ce qui pose bien des soucis à Kamo, persuadé que Naoko est un garçon.
Mais leur bonheur s’interrompt brusquement lorsque Naoko reçoit une missive de Suzuki l’enjoignant à rentrer immédiatement. Et se retrouve piégée par l’annonce de son mariage arrangé.
Prévenu grâce à un poème de Naoko, Kamo part la retrouver mais est refoulé par la vieille… Effondré, il meurt d’amour. Naoko obtient la permission de se rendre sur sa tombe sous un orage effroyable zébré d’éclairs, pour une ultime retrouvaille…
Voici une histoire d’amour triomphant, shakespearienne, sobrement contée et superbement illustrée par Benjamin Lacombe.
Réciprocité du texte et des illustrations, stylisées, effets-miroir entre eux, ombres et lumières, clair-obscur, dualités des personnages, des décors, des objets, des couleurs. Fragilité dans les visages, de la vie, comme des ailes de papillons, qui pourtant volent, enfin libres et réunis.
Une immersion dans la culture nipponne renforcée par le grand format de l’album (39*27 cm), un jeu de découpe pour la première page, qui nous narre, en filigrane, la condition des filles.
A l’inverse d’autres pays du monde où elles ne sont certes pas considérées comme étant moins que du bétail, elles n’en restent pas moins des femmes-objets, devant exceller dans le domaine des Arts (musique, danse, lettres) et de l’effacement.
Tous ces éléments m’ont renvoyée à la Légende de la Princesse Kaguya, qu’Isao Takahata a superbement adaptée en version animée. Et contée par Alice Brière-Haquet et illustrée par Shiitake.
Kaguya. Princesse au Clair de Lune. Alice Brière-Haquet et Shiitake. -
Kaguya Princesse au Clair de Lune Textes de Alice BRIERE-HAQUET et illustrations de Shiitake. Editions Nobi-Nobi, collection " Soleil Flottant ", mai 2012 (troisième édition). (Dès 6 ans) Notion...
J’ai voulu faire quelques recherches sur internet pour savoir si les jeunes filles japonaises avaient autrefois recours au travestissement pour échapper à leur condition de filles, mais je n’ai pas vraiment trouvé réponse à ma question. Le travestissement masculin était chose courante, notamment dans le théâtre Kabuki, alors en retour, le théâtre Takarazuka, créé en 1913, n’avait que des femmes pour tenir tous les rôles.
Dans les mangas et animés, l’ambigüité sexuelle et l’androgynie sont très répandues. Pour en savoir plus, lisez cet article très détaillé.
Aujourd'hui, des Japonais se travestissent volontiers en femmes pendant leur temps libre pour échapper à la pression que leur pays exerce sur les hommes, ce sont des « otoko no ko », soit « jeunes filles-garçons ». Rien à voir avec l'amour ou un trouble d'identité sexuelle, c'est juste un hobby, un divertissement.
Pour l’un d’entre eux, se travestir permet d’oublier le quotidien : « Je garde toujours mon air sérieux au bureau, alors tant qu’à faire je veux m’éclater à être une femme sans retenue », confie un participant. Pour certains, c’est un moyen d’explorer une « facette de leur personnalité », ou de s’exprimer, comme l’affirme Shun Aranami, adepte du travestissement. (source)
L'ambiguïté sexuelle dans les manga et l'animation japonaise
Je me souviens avoir un jour lu une critique sur la série Martin Matin, évoquant la transformation du héros en fille lors d'un épisode comme un événement " original ". Pour moi, déjà lecteu...
http://gemini.neetwork.net/2013/12/11/lambiguite-sexuelle-dans-les-manga-et-lanimation-japonaise/
Ces Japonais qui ne veulent plus être des hommes
Etouffés par les conventions liées à la condition masculine, certains prennent plaisir à se travestir en dehors de leur temps de travail. Pourtant ils se disent hétérosexuels.
Article très complet, détaillé, ruche d'exemple et de témoignages sur les "otoko no ko"
Mais j’ai découvert que Benjamin Lacombe s’est inspiré d’une légende chinoise, vieille de plus de 1600 ans, également appelée Les Amants Papillons ou La romance de Liang Shanbo et Zhu Yingtai pour créer son album. (Certaines sources stipulent qu’il ne faut pas les confondre).
Cette légende nous raconte leur histoire d’amour, et de mort. Car ils préfèrent mourir plutôt que d’être séparés.
En 2006, la Chine a présenté cette légende, si importante dans sa culture, au classement de l’UNESCO pour qu’elle entre dans son répertoire du patrimoine oral et immatériel.
Il y a de grandes similitudes entre les deux histoires, mais aussi plusieurs différences sensibles. Le pays d’origine d’abord, et dans la légende chinoise, le père est d’accord avec le travestissement de sa fille, petite dernière d’une grande fratrie de huit garçons. La suite est similaire avec la découverte de l’amour mutuel, la préférence de la mort à la séparation et la renaissance en papillons.
En 1959, Chen Gang et He Zhanhao créent un concerto pour violon et orchestre inspiré de cette légende. C’est l’une des œuvres les plus célèbres de la musique chinoise et la plus connue hors du pays.
梁祝 - The Butterfly Lovers Violin Concerto [High Definition Audio]
Butterfly Lovers Violin Concerto In High Definition Sound
Los Amantes Mariposa - Madame Butterfly de Benjamín Lacombe
Las dos obras son del Ilustrador Benjamín Lacombe, y aunque diferentes...tiene un denominador común "El Amor imposible" Les deux oeuvres sont l' illustrateur Benjamin Lacombe et, bien que ...
Pour découvrir la musique avec les illustrations des albums de Benjamin Lacombe Les Amants Papillons et Madame Butterfly.
Cette légende a aussi été adaptée en film, notamment dans celui de Tsui Hark , The Lovers, en 1994.
Un album magnifique, comme un trésor, qui ne se lasse pas d’être admiré.
Il participe aux Challenges « Petit Bac 2015 » d’Enna, pour ma sixième ligne, catégorie Animal et pour celui de Sophie, « Je lis Aussi des Albums 2015 ».
Les amants papillon - On est bien chez laurette
Avec Blandine, nous prenons goût aux lectures croisées, aujourd'hui, nous nous envolons vers le Japon pour un album coup de cœur, que je crois partagé (mais je n'ai pas encore lu sa chronique.....
http://casalaurette.over-blog.com/2015/06/les-amants-papillon.html
Une autre lecture, d'autres aspects abordés, d'autres albums de l'auteur à découvrir et Virgile à rechercher!
Belles lectures et découvertes, Blandine.
PS : cet album existe en petit format dans la collection Seuil’issime. Petit format et donc, petit prix !
Je vous ai déjà chroniqué un album de Benjamin Lacombe, un autre coup de cœur : La mélodie des tuyaux, avec Olivia Ruiz.
Les Amants Papillons, Benjamin Lacombe, éd. Seuil Jeunesse (2007)
L'Amour : éphémère et fragile comme les battements d'ailes de deux papillons bleus virevoltant ensemble, libres pour l'éternité... "C'est ainsi que Naoko apprend le jour de ses quatorze ans qu...
Un autre avis très enthousiaste sur cet album et le travail de Benjamin Lacombe. « Ces notions délicates et difficiles à expliquer et à exprimer avec des mots sont superbement orchestrées par les illustrations douces et fragiles qui accompagnent le texte avec brio ! Le trait est précis, gracieux et doux ce qui rend les personnages attachants, sensibles et profonds. Nous baignons dans une atmosphère à la fois chaude, grave et poétique grâce à une palette de couleurs variées allant du rouge-orangée jusq’au bleu-vert. Il y a un jeu permanent entre les couleurs chaudes et froides qui permet de retranscrire au plus près les sentiments qui tourmentent nos personnages. »