Le mystère de la chambre noire. Serge RUBIN. (Dès 10 ans)
Publié le 18 Mai 2015
Le mystère de la chambre noire.
Serge RUBIN.
Editions Les Incorruptibles avec l’aimable autorisation des Editions Talents Hauts, octobre 2014. (Première publication en avril 2013.)
176 pages.
Dès 10 ans.
Thèmes abordés : Cinéma, enquête et mystère, féminisme, première guerre mondiale, amitié/amour.
Voici un roman qui m’a fort intriguée et qui m’a énormément plu !
Intriguée de par son nom qui en appelle forcément un autre, et qui lui emprunte bien plus que son titre, même si légèrement détourné. Puis par l’illustration de couverture.
Serge Rubin nous transporte en 1908, dans le petit village de pêcheurs de La Barre de Monts, situé en face de l’île de Noirmoutier.
C’est l’été et les vacances pour Jeanne qui quitte sa pension de Nantes pour rentrer chez elle, où l’attend son père, le médecin du village.
Grâce au développement du chemin de fer, la mode est de venir à la plage. Et même si les mœurs empêchent encore les corps de trop se dévoiler et de prendre le soleil, les touristes affluent en masse dans le petit village et ses alentours !
C’est une aubaine pour les forains qui se déplacent de village en village, montreurs de monstres ou ceux, plus modernes. Et justement, Jeanne en voit arriver et ne se doute pas encore de la merveilleuse invention que cache leur camion Peugeot jaune lancé à plus de 20 km/h.
Intriguée, elle se rend de suite à vélo sur la place où ils installent le chapiteau et est interpellée par Clément, le fils du forain Antoine Baudry. L’entente est immédiate. Clément est audacieux, plutôt mignon et beau parleur. Il l’entraîne à l’intérieur à la découverte de cette invention très récente, un nouveau genre de spectacle qui change la perception de la réalité : Le cinématographe !
La jeune fille est ébahie ! Clément lui explique tout, lui décrit le processus, lui montre les machine, les procédés…
-La moindre étincelle au contact de la pellicule et tout ce chapiteau se transforme en un immense brasier ! Il n’y a rien de plus inflammable que le celluloïd… Mais rassure-toi, le Bauer est équipé d’une lampe à lumière froide qui en chauffe pas le film lorsqu’il passe devant. En plus, il est aussitôt enroulé sur une deuxième bobine. C’est ce qui se fait de mieux dans le cinématographe.
Cet engouement, son père ne le partage pas. Il est encore traumatisé par l’incendie du Bazar de la Charité lors de la projection du film L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat le 4 mai 1897, et auquel il a miraculeusement réchappé.
Mais Jeanne, doublement conquise, retrouve Clément.
Je pars à bicyclette pour gagner du temps et surtout épater Clément. C’est mon parrain qui m’a offert ce moyen de transport moderne, ainsi qu’une jupe-culotte grâce à laquelle on peut pédaler plus aisément. Je la porte rarement parce que c’est une tenue tolérée seulement pour le vélo. Accoutrée en cycliste, je ressemble un peu à un garçon. C’est la seule occasion où je peux porter un pantalon : autrement, c’est interdit aux filles.
Avec Clément, elle devient même la vedette du court-métrage, Deux enfants sur la plage, où Antoine Baudry les filme d’une manière tout à fait innovante, en train de courir, rire, tourner…
Le film séduit les spectateurs venus en masse assistés à la projection, où le journaliste Joseph Vrignaud, dit La Ficelle, est en reportage pour son journal Ouest-éclair. Et Jeanne se rêve déjà star…
Seuls trois individus, à la mine aussi triste que leur costume officiel, semblent pour le moins contrariés. Les enfants se souviennent les avoir vus plus tôt sur la plage échanger avec deux autres, dans une langue aux étranges sonorités.
Dans le silence de la nuit noire, dans la chambre éclairée de rouge d’Antoine Baudry, une détonation rugit soudain. Porte fermée à clef de l’intérieur, chambre mise à sac, le forain retrouvé blessé et inconscient, un revolver à son côté. Un des hommes, entrevu plus tôt et qui se dit policier, conclut au suicide. Il veut emmener Clément, qui s’enfuit avec une bobine réchappée du vol (car c’en est un, il en est persuadé), le journaliste, flairant le scoop, à ses trousses.
Avec l’aide de Jeanne qui compte bien prouver qu’une fille peut faire autant qu’un garçon, le trio s’en va résoudre le mystère de la chambre noire.
Avec nombre de détails, Serge Rubin nous immerge dans une époque en mutation, tant sur le point politique que social, sociologique, ou technologique.
Une société transformée par l’apparition du cinématographe qui chamboule le rapport à l’image, à son pouvoir et ses possibles utilisations. Il nous décrit son histoire, son développement, son fonctionnement, les divers procédés, les craintes et l’engouement qu’il suscite.
J’ai particulièrement aimé l’incrustation de cette intrigue policière aux accents féministes dans un contexte européen, voire international, fiévreux.
Une petite histoire dans la grande Histoire, un pan qui m’attire particulièrement.
Cette révélation peut faire capoter des négociations en cours. Les Etats sont comme des enfants. Ils constituent des équipes avant un match, sauf que la guerre n’est pas un jeu et elle se prépare dans la vieille Europe en cette année 1908. La région des Balkans est un gigantesque chaudron sur le point d’exploser. Certains pays veulent accéder à l’indépendance, d’autres former des empires et d’autres encore reconquérir des territoires perdus. Chacun cherche à conforter ses alliances en vue de la confrontation prochaine qui sera peut-être mondiale.
Jeanne est une jeune fille volontaire qui entend bien avoir voix au chapitre dans la résolution de cette affaire.
-Fi-llet-te ! On ne joue pas à la poupée. On a des espions aux trousses. Ces gaillards n’hésitent pas à se servir de leurs armes. Ce n’est pas une histoire pour les filles !
-Vous m’énervez avec vos histoires qui en sont pas pour les filles… On croirait entendre mon père ! Nous sommes en 1908. Il est temps que le monde change… Je suis aussi capable que Clément de vivre une aventure. Regardez Marie Marvingt : elle pilote un ballon gonflé au gaz et bientôt peut-être un aéroplane, elle pratique l’alpinisme, elle a même son brevet de chauffeur automobile.
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Ce roman fait partie de la sélection pour le Prix des Incorruptibles, sélection CM2/6e, pour l’année scolaire 2014-2015. Je vous ai présenté d’autres livres sélectionnés pour ce Prix, pour cette année ou non, et d’autres catégories d’âge.
Depuis 26 ans, les Incorruptibles décernent un prix, par le biais des élèves à l’école/collège, à un album ou livre. Six livres sont mis en compétition selon un ou deux niveaux de classe. A tour de rôle, les élèves lisent et ramènent chez eux pour le lire en famille, ou simplement plus calmement. Parfois les parents sont même invités à voter pour leur livre préféré, comme ce fut le cas pour nous lorsque ma fille était en CP (2010-2011).
« Le prix littéraire des Incorruptibles a été conçu comme un jeu, un défi à relever. Son objectif est de changer le regard des jeunes lecteurs sur le livre, afin qu’ils le perçoivent comme un véritable objet de plaisir et de découverte. L’association a reçu en 2013 l'agrément de l'Éducation Nationale, en tant qu’association éducative complémentaire de l’enseignement public. »
Rue des petits singes. Texte d'Agnès LAROCHE et illustrations de Frédérique VAYSSIERES Rageot Editeur, mai 2013. 159 pages. Dès 8 ans. Thèmes abordés : vieillesse, famille, enquête, animaux ...
http://vivrelivre19.over-blog.com/tag/prix%20des%20incorruptibles/
Une écriture fluide et des thèmes forts rendent cette lecture particulièrement attractive.
J’ai littéralement dévoré ce livre !
Un bel hommage aux résonnances multiples, qui me donne des envies de relecture et que je vous recommande chaudement !
Livre lu dans le cadre du Challenge "Petit Bac 2015" d'Enna pour ma quatrième ligne, catégorie Lieu et pour celui de Stephie, "Une année en 14".
Belles lectures et découvertes !
Blandine.