Sweet sixteen. Annelise HEURTIER - 2014 (Dès 12 ans)
Publié le 21 Avril 2015
Sweet sixteen
Annelise HEURTIER
Editions Casterman, Octobre 2014.
220 pages.
Dès 12 ans.
Thèmes : ségrégation raciale aux Etats-Unis, différences, courage, études, adolescence.
Sweet Sixteen.
Un titre doux et sucré. Sucré comme la fête promise aux adolescents américains pour leurs 16 ans. Un anniversaire, un rite comme un passage de l’adolescence à l’âge adulte. Rires, joies, amis, famille, cadeaux…
Mais cette année-là n’aura rien de doux ni de sucré…
La fête aurait été préparée dans un scrupuleux respect de la tradition. Fleurs blanches, paillettes et choux débordants de crème. Plus ce serait désuet et mieux ce serait.
D’abord, on aurait allumé les seize bougies. La première pour les parents, la deuxième pour les grands-parents, puis le reste de la famille, les amis, le petit ami… jusqu’à la dernière, pour la chance.
1957, Little Rock, Arkansas, Etats-Unis d’Amérique.
C’est bientôt la rentrée des classes et cette nouvelle année scolaire s’annonce mémorable, violente, historique. La loi « Brown versus Board of Education », votée en 1954, et qui rend inconstitutionnelle la ségrégation raciale à l’école, va enfin être mise en application dans le prestigieux Lycée Central de la ville.
Neuf étudiants noirs vont pouvoir bénéficier de la même éducation que les 2500 élèves blancs du Lycée.
Sous le couvert d’une fiction Annelise Heurtier nous relate un évènement historique avéré et documenté. Elle fait parler tour à tour deux adolescentes, une noire, Molly Costello (inspirée par Melba Patillo), et une blanche, Grace Anderson.
L’une est aussi rejetée que l’autre est populaire. L’une est aussi timide et effacée que l’autre est pimpante, aguicheuse, sûre de sa personne et de son physique.
Pourtant, quand elle s’est portée volontaire, Molly sentait que « quelque chose » de plus grand, de plus important qu’elle, était en train de se jouer…
Molly avait grandi dans le rejet et le mépris des Blancs, au mieux dans leur indifférence, mais jamais elle n’avait cru devoir faire face à une telle concentration de brutalité. C’était tout simplement ahurissant.
Les rôles s’inversent.
Ceux qui se gargarisent de civisme se transforment en « bêtes », insultant, tabassant, humiliant. Et à leur inverse, les « sauvages » se taisent, n’osent lever les yeux, répondre, de peur de subir pire, d’être renvoyés de l’établissement, de confirmer leurs thèses…
La politique et la justice s'en mêlent...
Manifestations des partisans de la ségrégation raciale à Little Rock en 1959, à l'écoute d'un discours du gouverneur Orval Faubus protestant, devant le Capitole, contre l'intégration de 9 élèves noirs au lycée central de la ville. http://fr.wikipedia.org/wiki/Orval_Faubus
A comportement égal, ce n’était pas demain la veille qu’un Noir serait jugé comme un Blanc. Un Blanc pouvait vous insulter, vous cracher au visage, vous frapper, vous pendre à un lampadaire… il aurait toujours raison. Les Noirs, eux, avaient simplement le droit de se laisser faire sans broncher.
La déferlante de haine va ainsi aller crescendo…
Actions de la Ligue des mères blanches et du Klux Klux Klan, procès, puis protection individuelle de ces neuf étudiants noirs par des soldats de la mythique division 101e aéroportée.
Molly se retrouve esseulée, tant dans le lycée qu’à l’extérieur… Ses amis lui tournent le dos, ne l’invitent pas ni ne prennent de ses nouvelles. Ils ont peur des conséquences…
Grace, quant à elle, reste indifférente à ces questions politiques et raciales, même si elle préfère rester hors de contact d’une Noire. Sauf de Minnie, sa bonne, qui lui permet d’écouter les chansons si décadentes d’Elvis Prestley et de lire La Presse de l’Arkansas. Elle préfère user de son charme pour conquérir le beau Sherwood.
Au fur et à mesure, son regard change et se prend même de pitié, voire même d’amitié, pour Molly avec qui elle a des cours en commun… Jusqu’à en payer les conséquences…
En arrière-plan, Annelise Heurtier nous relate des anecdotes du quotidien, l’éducation, la soumission. Les domestiques noires dont les maîtresses dénigrent leurs semblables alors qu’elles sont là, semblant impassibles. Le bon vouloir de l’épicier pour vendre ses denrées aux Noirs. L’importance grandissante des différents médias comme moyens de communication : journaux, télévision, radio, téléphone.
Mais le mouvement est en marche!
1er décembre 1955, à Montgomery dans l’Alabama, Rosa Parks a refusé de se lever pour laisser sa place à un Blanc comme l’exigeait la politique de ségrégation raciale en vigueur dans les transports publics et a ainsi déclenché le boycott des bus par Martin Luther King pendant un an.
1956, la ségrégation est abolie, dans la loi, pas dans les faits.
Bientôt, l’action de ce pasteur va prendre de l’ampleur jusqu’à gagner la Maison Blanche et aboutira à la Marche sur Washington en 1963, avant d’être assassiné en 1968.
De son côté, Malcom X, plus radical, œuvre à New-York.
Leur lutte a été reprise, poursuivie, enrichie…
Tous pareils, tous différents, et tous uniques. (Histoire, albums, poèmes ,chansons, artistes...) -
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Pour créer le personnage de Molly Costello, Annelise Heurtier s’est inspirée de la vie de Melba Patillo, l’une des « Neuf de Little Rock » qui a décrit cette terrible année scolaire dans son autobiographie, publiée en 1994, Warriors don’t cry.
I sometimes wish I could change myself into a psychiatrist to determine what makes me such a hated member of this school. Can they really be treating me this way because I am brown?
Warriors Don't Cry- Book Trailer
Book trailer for the book "Warriors Don't Cry" by Melba Pattillo Beals
En 1999, Melba Patillo Beals a reçu “The Congressional Gold Metal”, la plus grande distinction qui puisse être remise à un citoyen américain. En décembre 2008, tous furent invités à l’investiture de Barack Obama, premier président afro-américain des Etats-Unis d’Amérique.
Les « Neuf » sont retournés à Lillte Rock où l’on peut désormais observer des statues les représentant.
https://thisblksistaspage.wordpress.com/2010/09/06/the-little-rock-nine-are-now-eight-the-ancestors-bring-home-jefferson-thomas/
Sweet sixteen est un roman qui m’a vraiment percutée, souvent révoltée.
Très fin, très bien écrit, il y a peu de mots pour "trop" de ressentis... Et pourtant, j’ai eu un sentiment de « pas assez », j’aurais aimé rester davantage en compagnie de Molly et de Grace, ressentir et observer leurs changements et l’impact de ces derniers sur l’après de ces évènements…
Une lecture riche, indispensable, pour savoir, pour ne pas oublier.
Rentrée sous haute tension : Sweet Sixteen - Le tiroir à histoires
Little Rock, Arkansas, 1957. L'été touche à sa fin, les jeunes filles se pâment avec une excitation coupable devant Elvis qui chante " Let me be your Teddy Bear ". Un an plus tôt Rosa Parks a ...
http://tiroirahistoires.canalblog.com/archives/2013/08/28/27911813.html
Découvrez l’avis de Céline sur ce roman, Cinquante ans après le discours « I have a dream » de Martin Luther King à Washington, et 46 ans après la fin officielle de la ségrégation, Sweet Sixteen est un roman percutant et essentiel.
Ces figures symboliques ont œuvré toute leur vie afin que la ségrégation disparaisse. Grâce à leurs actions, la ségrégation raciale a pu reculer. Ils ont permis de faire évoluer la situati...
http://segregation-raciale.e-monsite.com/pages/1-le-role-des-figures-symboliques/page-3.html
Ce roman fait partie de la sélection pour le Prix des Incorruptibles, sélection 3e/2nde, pour l’année scolaire 2014-2015. Je vous ai présenté d’autres livres sélectionnés pour ce Prix, pour cette année ou non, et d’autres catégories d’âge.
Belles lectures et découvertes,
Blandine
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