Nos étoiles contraires. John GREEN. (Dès 14 ans)

Publié le 7 Décembre 2014

Nos étoiles contraires. John GREEN. (Dès 14 ans)

Nos étoiles contraires.

John GREEN.

Editions Nathan, février 2013. (Publié aux Etats-Unis en 2012 sous le titre The Fault in Ours Stars)

327 pages.

Dès 14 ans.

Notions abordées : adolescence, maladie, amour, regard et estime de soi, mort.

J’ai lu ce roman une première fois en août dernier. Très vite, en une journée, coincée au lit par une migraine.

La blogosphère résonnait encore de ce roman, de son sujet et de la manière dont l’auteur s’en était approprié. Les avis dithyrambiques se succédaient, l’encensaient. Peu ne l’aimaient pas. La barre était donc haute et générait une certaine attente, pas tout à fait comblée à ma première lecture.

J’ai eu le sentiment au cours et après ma lecture de l’avoir lu trop vite, d’être passée à côté de certaines choses et j’ai donc ressenti le besoin de le relire, de le décortiquer, de m’en imprégner davantage et inversement !

Mais de quoi parle ce roman pour avoir été élu « Meilleur roman 2012 » par le Time Magazine ?

C’est une histoire d’amour entre deux jeunes adolescents. Une love story, pur jus américaine.

Elle, la narratrice, Hazel Grace Lancaster, a 16 ans. Lui, Augustus Wathers, a 17 ans.

Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils ont des amis, ils aiment lire, jouer aux jeux vidéos, rigoler, se moquer, et ont des parents parfois encombrants…

Normal, sauf…

Sauf qu’il y a la maladie…

Maladie qui vous prend par petits bouts, qui s’installe en vous, vous ronge puis vous emporte. Maladie aux noms divers, ostéosarcome ou leucémie, ou plus généralement, cancer ! Cantonné ou qui s’exporte dans une autre partie du corps, qui se généralise, qui vous bouffe…

Hazel a d’abord eu un cancer thyroïdien qui a métastasé dans ses poumons, la rattachant à vie à une bonbonne d’oxygène et à la prise d’un médicament encore expérimental, le Phalanxifor. Il semble avoir stoppé l’évolution de la maladie, mais pas sans effets secondaires pour autant. Hazel se définit par la maladie. Le cancer est elle et elle est le cancer. Elle avance dans sa vie, étudiante, réaliste, parfois cynique, sa mère toujours sur ses talons.

Augustus est beau, et le sait. Il était au lycée, basketteur, pris d’un soudain doute existentiel lorsque s’est manifestée la maladie.

Il boitait légèrement en raison d’une prothèse dont j’avais déjà deviné l’existence. L’ostéosarcome vous prend généralement une jambe, histoire de vous tester.
Si vous lui plaisez, il prend le reste.

Page 27

Ils se rencontrent à un groupe de soutien, dans le cœur littéral de Jésus, où va leur ami commun Isaac, atteint d’un cancer de l’œil, qui lui en a pris déjà un et s’apprête à lui prendre le second.

Très vite, ils se fréquentent, amicalement, parfois avec Isaac, plaqué par sa copine Monica, malgré leurs toujours amoureusement échangés, avant son intervention.

Je suis allée au groupe de soutien pour la même raison qui m’avait déjà poussée à accepter d’être empoisonnée par des produits chimiques aux noms exotiques administrés par des infirmières formées en moins de dix-huit mois : faire plaisir à mes parents. La seule chose qui craint plus que de mourir d’un cancer à seize ans, c’est d’avoir un gosse qui meurt d’un cancer.

Page 17.

Hazel est lucide, elle a les pieds sur terre mais ce qui l’effraie le plus est la blessure qu’elle impose et imposera aux autres du fait de sa maladie, de sa mort, de sa disparition, à plus ou moins moyen terme.

Et je me suis demandé si ce qu’on dirait de moi après ma mort se résumerait aussi à mon combat héroïque, comme si je n’avais jamais rien fait d’autre de ma vie que d’avoir le cancer.

Page 110.

Elle est l’inverse d’Augustus qui craint plus que tout de ne pouvoir imprimer la marque de son passage sur Terre. Ils savent bien que leur temps est davantage compté et il importe donc de bien l’occuper et de profiter au maximum de ces instants, par définition limités.

Tous deux partagent leur passion de la lecture. Ils s’échangent et échangent sur leur livre préféré. Lui avec Le Prix de l’Aube issu du jeu vidéo du même nom, elle pour Une Impériale Affliction (U.I.A.), écrit par Peter van Houten, illustre écrivain inconnu, qui n’a publié que ce livre, et qui reste en filigrane tout au long de leur histoire, comme des métaphores.

Mon livre préféré, et de loin, était Une Impériale Affliction, mais je n’aimais pas en parler. Il arrive qu’à la lecture de certains livres on soit pris d’un prosélytisme étrange, tout à coup persuadé que le monde ne pourra tourner rond que lorsque tous les êtres humais jusqu’au dernier auront lu le livre en question.
Et puis, il existe des livres, comme Une Impériale Affliction, des livres particuliers, rares et personnels, pour lesquels on ne peut pas manifester son attachement sans avoir l’impression de les trahir.
Ce livre n’était même pas un chef d’œuvre.
Il se trouvait juste que l’auteur, Peter van Houten, semblait me comprendre d’une manière inexplicable. Une Impériale Affliction était mon livre, au même titre que mon corps était mon corps, mes pensées étaient mes pensées.

Page 41.

Dès lors, une complicité, une histoire d’amitié amoureuse, intime et médicamenteuse, voit le jour. Le roman Une Impériale Affliction les lie et grâce à Augustus et à son cadeau Cancer, Hazel réalise un rêve fabuleux qui l’emmène bien plus loin que ce qu’elle aurait pu imaginer pouvoir vivre.

Mais la vie est ce qu’elle est, cruelle, et les illusions d’Hazel crèvent à la surface de la réalité. Leurs étoiles sont bien plus contrariées que contraires et l’Epée de Damoclès s’abat.

J’ai aimé, adoré cette lecture, qui m’a parlée, touchée, émue, questionnée. Mais bien que triste et traitant d’un sujet difficile et sensible, la maladie, celle des enfants, de leur mort, de leur impact sur ceux qui restent et vivent, cette histoire est positive. Très bien écrite, elle nous fait passer des larmes au sourire, voire au rire. Pas de pathos ni de lourdeurs. Elle nous pousse à voir au-delà de la maladie, à aller de l’avant, à envisager des possibles, à construire des choses, des relations, un avenir, pour nous, pour nos proches.

Les mots sont parfois cruels, mais au fond, la société que forment ces personnes atteintes du cancer, qui se retrouvent entre elles, car la maladie instaure une différence et crée un fossé d’incompréhension et de peur, n’est au fond qu’un microcosme de la notre toute entière.

Le truc avec les morts… Le truc, c’est que tu passes pour un salaud si tu ne donnes pas une belle image d’eux, alors que la vérité est … compliquée. J’imagine que tu connais le refrain sur la victime stoïque et déterminée qui se bat héroïquement contre son cancer sans jamais se plaindre ni cesser de sourire, même sur son lit de mort, etc.
(…)
-Les jeunes cancéreux ne sont pas plus géniaux, charitables, persévérants ou ce que tu veux du commun des mortels.

Page 182.

Les différents jeux de regards qui parsèment ce roman sont très intenses et intéressants. Celui qu’Hazel porte sur elle-même et sur sa maladie, sa vie, celui qu’elle pose sur ses parents. Celui d’Augustus sur lui-même et le fait qu’il préfère user de métaphores dans bon nombre de situations. Mais cela a tendance à le rendre un peu trop démagogique, c’est dommage.

Evidemment le jeu de regards que l’un et l’autre porte sur l’autre, ce qu’ils échangent et apprennent l’un de l’autre.

Certains infinis sont plus vastes que d’autres, nous a appris un écrivain qu’on aimait bien, Augustus et moi. Il y a des jours, beaucoup de jours, où j’enrage d’avoir un ensemble de nombres infinis aussi réduits. Je voudrais plus de nombres que je n’ai de chances d’en avoir, et pour Augustus Waters, j’aurais voulu tellement plus de nombres qu’il n’en a eus. (...) Tu m’as offert une éternité dans un nombre de jours limités, et j’en suis heureuse.

Page 274.

Hazel et ceux qui ne sont pas malades ou qui ne semblent pas l’être. La maladie est insidieuse, et quel que soit son nom, ne se voit pas toujours. Avec sa canule et sa bombonne d’oxygène, Hazel ne passe pas inaperçue. Seuls les enfants semblent ne pas être rebutés par son aspect. Leur innocence lui fait du bien.

Cette différence la gêne, crée une distance, une compassion, voire une pitié, une incompréhension, un effet « bête de foire » dont elle se passerait volontiers ! Mais malgré cela, parfois, parce qu’il n’y a pas d’autres attitudes, elle l’adopte également.

L’auteur nous décrit très bien les émotions ambivalentes d’Hazel, ses doutes et espoirs, son combat parfois désabusé contre la maladie. Son récit sonne affreusement vrai, et nous questionne cruellement. Et si c’était nous, et si c’était à nous, à l’un de nos proches ou de nos enfants, que cela arrivait ?

Le récit est très détaillé, les traitements, la roulette russe de leur succès, les douleurs et souffrances, les sentiments contraires très réalistes et très bien rendus… et l’auteur ne cache pas s’être beaucoup renseigné (liste à la fin du roman), bien qu’il ait pris quelques libertés. Mais il y a quelques invraisemblances.

Les réflexions sur la vie, la mort, les attitudes à avoir ou pas, que l’on soit ou non malade, tout cela sonne si vrai, si réaliste, que ces petites choses alourdissent le texte. Hazel aime tellement le roman Une Impériale Affliction qu’elle a essayé de contacter l’auteur, Peter van Houten, un nombre incalculable de fois. Augustus y arrive, comme par magie, et obtient bien plus encore. Tout ceci me semble trop flou, imprécis, irréaliste a contrario du reste. Leur histoire est aussi trop belle pour pouvoir durer et voilà pourquoi elle doit s’arrêter !

Petite question, avez-vous ressenti cela aussi ?

Petite remarque toute personnelle: j'ai aimé qu'Hazel soit végétarienne et qu'aucun jugement ne lui soit fait. J'aime l'explication qu'elle en donne: C’est parce que les animaux sont trop mignons ? a demandé Gus. -Je préfère réduire au minimum le nombre de morts dont je suis responsable, ai-je expliqué. (Page 22)

Nos étoiles contraires. John GREEN. (Dès 14 ans)

Une adaptation cinématographique a été réalisée par Josh Boone et sortie en juin 2014 aux Etats-Unis et août en France.

J’avoue ne pas avoir été voir le film.

D’une part parce que je ne vais quasi plus au ciné faute de temps et aussi car le physique des personnages m’a déçu/déplu. Quand on passe du temps avec des personnages de papier, que l’on vibre, pleure ou rit avec/pour eux, on se les imagine, se les crée. Et Hazel et Augustus ne correspondent pas à l’image que je me suis faite d’eux. Pas très éloignée certes mais pas ça quand même !

Le film a été récompensé aux Golden Trailer Awards 2014 et davantage encore aux Teen Choice Awards 2014, et aux Young Hollywood Awards et nominés au Festival International du Film à Seattle 2014. Les deux acteurs principaux, Shailene Woodley et Ansel Elgort, ont été particulièrement primés !

Mais c’est surtout l’enthousiasme du public, à défaut de celui de la presse, qui a plus que contribué à son succès !

Comme souvent malheureusement, la traduction en français du titre ne retranscrit pas vraiment la teneur du roman.

The Fault in Our Stars, titre original, dit tout mais sans rien révéler ! John Green l’a emprunté à la pièce de Shakespeare, Jules César, dans l'acte I, scène 2, où Cassius dit à Brutus : « The fault, dear Brutus, is not in our stars, But in ourselves, that we are underlings. ». William Shakespeare, Jules César (1599)

« Si nous ne sommes que des subalternes, cher Brutus, La faute en est à nous et non à nos étoiles. » Traduction de François-Victor Hugo (1872).

Tout comme le sous-titre du film. En anglais One sick love story, en français Tombez amoureux. Un mot manque et un aspect essentiel du film est affecté !

Nos étoiles contraires est un livre à lire, à mettre entre toutes les mains car il est résolument positif. Il ne rend pas la vie plus rose ou plus gaie, il la décrit telle qu’elle est, riche, multiple, dure, cruelle, vraie.

OK.

Blandine.

Nos étoiles contraires. John GREEN. (Dès 14 ans)

Ce roman fait partie de la sélection pour le Prix des Incorruptibles, sélection 3e/2nde, pour l’année scolaire 2014-2015. Je vous ai présenté d’autres livres sélectionnés pour ce prix, pour cette année ou non, et d’autres catégories d’âge.

Depuis 26 ans, les Incorruptibles décernent un prix, par le biais des élèves à l’école/collège, à un album ou livre. Six livres sont mis en compétition selon un ou deux niveaux de classe. A tour de rôle, les élèves lisent et ramènent chez eux pour le lire en famille, ou simplement plus calmement.

Parfois les parents sont même invités à voter pour leur livre préféré, comme ce fut le cas pour nous lorsque ma fille était en CP (2010-2011).

« Le prix littéraire des Incorruptibles a été conçu comme un jeu, un défi à relever. Son objectif est de changer le regard des jeunes lecteurs sur le livre, afin qu’ils le perçoivent comme un véritable objet de plaisir et de découverte. L’association a reçu en 2013 l'agrément de l'Éducation Nationale, en tant qu’association éducative complémentaire de l’enseignement public. »

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N
Article tres complet et bien détaillé ! J'ai adoooré ce livre ;) que j'ai lu il y a quelques jours :)<br /> Blogduneadoepanouie.over-blog.com
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B
Merci beaucoup :-)
S
Merci pour ce très bel article, qui me donne envie de le RElire. :)
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B
Merci à toi :-)<br /> <br /> As-tu aussi eu les mêmes ressentis lors de ta lecture?