Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...

Publié le 7 Novembre 2014

Voir différemment la Première Guerre Mondiale

Pourquoi ce titre ?

Car cet article se propose de voir ce conflit sous un autre angle, par ceux qui l’ont vécue, hommes comme animaux, à terre ou dans les airs, ou qui l’observent un siècle après.

La Première Guerre Mondiale signe, dans le sang, la fin d’une époque et l’avènement d’une autre. La guerre offre cette horrible faculté d’accélérer et d’accroître les connaissances dans des domaines aussi variés que la médecine, l’industrie, les progrès technologiques tant magnifiques que mortels.

Pour autant, les anciennes méthodes ne sont pas encore toutes reléguées. Elles changent de mission ou agissent en complément (telle la cavalerie), voire deviennent vitale, comme la colombophilie, les pigeons voyageurs.

Voici des albums et magazines qui nous font lever la tête. Pour suivre les trajets des messagers du ciel, qui vont devenir essentiels à mesure que la guerre s’enlise. Et les avions, ces merveilles de technologies qui vont devenir une véritable arme de guerre grâce à l’épreuve du feu !

Sylvestre s’en va-t-en guerre


Stéphane HENRICH


Editions Kaléidoscope, Diffusion Ecole des Loisirs, septembre 2014
Dès 5 ans

Thèmes: Première Guerre Mondiale, animaux, peur, amitié.

Merci aux Editions Kaléidoscope et à l'opération Masse Critique pour m'avoir permis de découvrir cet album.

Sylvestre est un ancien pigeon voyageur. Blessé par un chasseur, il a été recueilli par Léon. Pendant que son ami vend ses fleurs, lui, fait la cour à une jolie Colombe, Célestine.

Je ne voyage plus et je dois avouer que ça me manque bigrement.

De l’action, il va en avoir ! Un archiduc assassiné et voilà que le pays mobilise : Sont réquisitionnés les hommes, les chevaux, les mules, les chiens et les pigeons.

Sylvestre chantonne dans la campagne où passent et/ou se reposent quelques soldats dont l’uniforme au pantalon rouge garance concurrence celui des coquelicots. Le service commence, les pigeons sont nombreux et les messages plus encore.

Les armées s’enterrent, les troupes coloniales arrivent, les généraux pensent. Le temps s’écoule lentement, la boue stagne, le froid se fait plus mordant, tout comme les poux ou les rats.

Les attaques continuent mais une explosion blesse Léon.

La guerre est finie pour nous. Pas pour tout le monde. Mais pour nous, oui.

Le texte est succinct et résolument positif malgré les illustrations. Il met en avant le lien, très fort et intangible de l’amitié entre l’homme et son animal. Il décrit du point de vue de l’oiseau les tranchées et ses ennemis, les tirs et les gaz.

Les illustrations sont très parlantes et riches de détails. Elles sont exécutées au crayon et à l’aquarelle, à la fois précises et troubles.

Précises lorsqu’on y voit la Une du Petit Journal, l’Ordre de Mobilisation, le quotidien des soldats, leur barda, les coquelicots dans les champs (fleur qui deviendra le symbole du Jour du Souvenir, le poppy anglais), et les bleuets (fleur symbolisant tous les Morts pour la France, de la Première Guerre mondiale à nos jours), les différents uniformes. D’ailleurs, à la fin de l’album, comme sur la couverture, certains hommes portent le nouvel uniforme français, le « Bleu horizon », assorti du nouveau casque Adrian. Tandis que Léon a gardé son uniforme bleu et rouge et son képi. Il est apparu mi-1915, tout comme les premiers colombiers roulants, suite à la transformation de bus à l’impériale et à la volonté du commandement de reprendre le mouvement.

Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...

Le nombre de pigeons est impressionnant et chacun porte un nom. Un pigeonnier ouvre et ferme l’album. On y voit des oiseaux blessés, absents, ou une rose le remplaçant et bien sûr Vaillant !

Elles deviennent plus floues lorsqu’il s’agit des combats. On y distingue les explosions, les troncs calcinés, le terrain éventré, les pigeons à terre et les barbelés qui emprisonnent les rats comme les hommes.

Pour autant, on ne voit pas vraiment le terrain à hauteur d’oiseau comme je m’y étais attendue. Sylvestre est souvent à hauteur d’homme et il ne surplombe que rarement les scènes.

Le titre m’a tout de suite évoqué une chanson que j’adorais enfant : Malbrouck s’en va-t-en guerre. Une autre époque, une autre guerre.

L’amie de Sylvestre, la colombe, est un symbole de paix. Les pigeonniers portaient d’ailleurs le nom de « colombiers ».

Pigeonnier au Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux.

Petit anachronisme de ma part, l’oiseau de la Paix, la Colombe, (outre sa symbolique religieuse) dessinée par Pablo Picasso pour la Conférence de la Paix de 1949, était à l’origine un pigeon !

Cet album constitue une très bonne première approche de la Grande Guerre pour les plus jeunes. Il les sensibilise au-travers de l’histoire de cette amitié et du sort des animaux liés, de près ou de loin, à l’Homme.

Comme l’Ordre de Mobilisation le stipule, il n’y a pas que les hommes qui sont engagés, mais aussi les bêtes. On les distingue, ces compagnons d’infortune, désirés ou non : papillons, rats, oiseaux…

D’autres auteurs les ont représentés et remis à l'honneur:

Livret-jeu du Musée en février 2014. http://vivrelivre19.over-blog.com/2014/05/le-musee-de-la-grande-guerre-du-pays-de-meaux.html Livret-jeu du Musée en février 2014. http://vivrelivre19.over-blog.com/2014/05/le-musee-de-la-grande-guerre-du-pays-de-meaux.html

Livret-jeu du Musée en février 2014. http://vivrelivre19.over-blog.com/2014/05/le-musee-de-la-grande-guerre-du-pays-de-meaux.html

Aujourd’hui, il existe toujours des pigeons voyageurs au sein de l’armée.

Le magazine Images doc numéro 311, novembre 2014, de chez Bayard Presse pour les 8-12 ans, a été visiter le colombier militaire du Mont Valérien, qui abrite aussi un musée.

180 pigeons y sont élevés et Alexandre, 11 ans, a pu comprendre pourquoi ils sont toujours là, les approcher et envoyer un message !

Le caporal-chef explique que pendant la Première Guerre mondiale, des pigeons transmettaient des messages durant les combats, « Si dans une guerre modernes tous les circuits électroniques étaient détruits, poursuit-il, les pigeons pourraient toujours porter leurs précieuses informations. »

Page 21.

Le magazine consacre son dossier à la Grande Guerre où, au-travers de dessins légendés, l’enfant visualise les différents uniformes (français/allemands), les tranchées et boyaux (en vue aérienne), un hôpital, l’arrière, l’emploi des animaux.

Une BD, Abel, le poilu, écrite par Catherine Loizeau et illustrée par Grégory Elbaz, retrace les quatre années de guerre de ce soldat. On y voit son quotidien, les tranchées, les munitionnettes, les différentes nations et armées engagées, les espoirs et souvenirs.

Le dossier se clôt par une petite chronologie illustrée. Ces articles sont interactifs et peuvent être complétés par ceux du blog d’Images Doc. ou par ceux du site Hérodote, pour un exposé par exemple.

Ce magazine et son dépliant La guerre dans les airs me permettent de faire le lien avec un autre album. Il nous décrit la passion de René pour cette prouesse technologique qu’est l’avion puis son dégoût de l’utilisation guerrière et mortelle qui en est faite.

Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...

On nous a coupé les ailes


Fred BERNARD et Emile BRAVO


Editions Albin Michel, 2014


Dès 8 ans


Thèmes: Première Guerre Mondiale, rêve, aviation, jeux, transmission

Voici un album, poignant, qui oscille entre deux époques de la vie. Celle de l’enfance, insouciante et fascinée, où tout est prétexte au jeu. Surtout lorsque le cousin Firmin est là ! Et celui, adulte, où ces mêmes jeux d’enfant prennent une tout autre tonalité.

Au-travers des lettres que René envoie à sa mère du fond de sa tranchée, il en dresse le douloureux parallèle Il se souvient de ces jeux apparemment innocents où l’on se jouait de la vie d’un crapaud, où l’on admirait le sabre du grand-père, ancien combattant, où l’on se concentrait pour viser au lance-pierres ou à la carabine. Ce sont aussi les premiers avions. René les voit évoluer, les admire et les reproduit en maquettes.

Du rêve éveillé au cauchemar enduré, seulement quinze années ont passé.

René les voit et les entend au-dessus de sa tête, évoluer, aller de plus en plus vite. Il admire tellement ces machines volantes, qu’elles soient françaises, anglaises, ou même allemandes, et leurs pilotes, des as !

Je m’enivre de leurs vrombissements et vibrations dès que je les entends. Puis les vois apparaître au loin, et grossir, grossir, grossir, pour finalement disparaître à l’horizon.
Ils se rencontrent parfois, et se battent au-dessus de nos têtes.
C’est à la fois terrible et merveilleux, ce boucan et les dessins qu’ils font dans le ciel. Les mitrailleuses Hotchkiss sont parfaitement synchronisées, et le tir passe à travers les pales de l’hélice.

Mais ce prestige enfonce davantage l’infanterie dans la boue des tranchées, souvent obligée de se replier, alors que l’aviation a conquis le ciel.

« Capitaine ! Vous êtes un in-ca-pa-ble !!! Vous allez nous reprendre cette colline avant ce soir ! Vous avez deux compagnies et deux heures avant la nuit ! Un jeu d’enfant !

Toute la guerre est décrite, dans les mots ou les illustrations : les tranchées, ce paysage constant de boue qui anéantit toute saison, les soldats coloniaux, la Mort, la faim et les souvenirs qu’elle suscite, les attaques, la Mort sous toutes ses formes, anonyme et intime (Firmin, ses frères…), le quotidien, les coquelicots, l’artisanat des tranchées.

L’avion est devenu une arme, et René les transforme en petits avions grâce aux balles ou douilles d’obus.

Mais la guerre a perverti le rêve, et jamais René n’ira dans un avion…

Ici aussi les animaux sont présents, les rats, les chevaux, mais aussi tous ceux qui volent. Les oiseaux, papillons, bourdons, hirondelles ont été remplacés par les corbeaux ou pigeons…

Cette histoire est réelle. René Nicolas, après la guerre, est devenu le chef d’atelier joaillier place Vendôme à Paris pour Van Cleef & Arples, comme nous les rapportent les pré et postfaces de l’album.

Ses petits avions sont aujourd’hui conservés par son arrière-petite-fille.

Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...
Voir différemment la Première Guerre Mondiale: par les animaux, depuis les airs...

Cet album figure dans le magazine La Classe numéro 253 de novembre 2014 et qui consacre son dossier à l’étude de la Grande Guerre 100 après pour le cycle 3 (CM1-CM2-6e).

Comment aider les écoliers de 2014 à se représenter ces hommes, ces soldats, cette guerre, cette époque ? Comment leur faire comprendre la nécessité du souvenir, de la mémoire, les enjeux et les conséquences de ce conflit majeur ?

Ce dossier propose quelques réponses à apporter en classe au-travers d’ateliers, de lectures et de fiches, de journaux, de films, documentaires, monuments aux morts et pourquoi pas, de visites. Il est adapté à la fois pour des leçons ponctuelles ou pour une étude plus structurée.

Voici quelques exemples de livres/documents à exploiter :

  • Zappe la guerre. 1914-1918 : la première des guerres mondiales. PEF. Editions Rue du Monde, collection « Histoire d’Histoire », octobre 1998. Dès 8 ans.
  • On nous a coupé les ailes. Fred Berbard et Emile Bravo. Cité juste au-dessus.
  • Maudite soit la guerre, de Daeninckx et PEF, Editions Rue du Monde.
  • Parle-moi… de la Première Guerre mondiale, Isabelle Bournier et Emmanuel Chaunu, ouest-France.
  • Des hommes dans la Grande Guerre. 14-18. Isabelle BOURNIER et Tardi. Casterman.
  • BD Les Godillots, d’Olier et Marko, Editions Bamboo.
  • Extraits du DVD Apocalypse – La Première Guerre mondiale. Isabelle, CLARKE et Daniel COSTELLE. Diffusé sur France Télévision et dont Flammarion a édité deux livres, dont l’un destiné aux enfants.
  • Extraits des romans Le feu d’Henri Barbusse, ou Les Croix de Bois de Roland Dorgelès.
  • Extraits de la BD de Tardi, après explication du titre : Putain de Guerre, aux Editions Casterman.

 

N’oublions pas.

Blandine.

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P
Merci à vous pour ce superbe billet !
Répondre
B
C'est moi qui vous remercie, vraiment!