Il y a - Guillaume APOLLINAIRE et Illustrations de Laurent CORVAISIER - 2013 (Dès 8 ans)
Publié le 9 Novembre 2014
Il y a
Guillaume APOLLINAIRE
Illustrations de Laurent CORVAISIER
Editions rue du Monde, octobre 2013
Dès 8 ans
Notions abordées : Poésie, Première Guerre Mondiale, Amour, oubli, dualité du temps.
Par le biais de cet article, je souhaite rendre hommage à ce merveilleux poète, mort le 9 novembre 1918.
Ce poème, écrit en septembre 1915, mais publié qu’en 1918 dans le recueil Calligrammes, aspire à d’autres ailleurs, d’autres possibles. Il l’écrit en pensant à sa bien-aimée, Madeleine Pagès, rencontrée en janvier 1915, et à laquelle il vient de se fiancer.
Mais Madeleine est partie dans sa famille, en Algérie, et lui, n’a plus que sa plume, l’attente et l’espoir.
Adressé à elle, mais aussi à nous tous, ce poème fait l’énumération de ce que vit, ressent et espère Guillaume Apollinaire au sein de cette guerre. Guerre immonde et sale, qui enlève toute beauté et détruit tout, les paysages, les corps et les âmes.
Il écrit la boue, les armes, les espions, les courriers, l’artisanat de tranchée, les prisonniers, les soldats coloniaux, et l’amour. L’amour qui l’aide à tenir, l’amour qui réconforte, l’amour qui tarde…
Et pendant que lui assiste à l’extinction violente et anonyme de son monde, il nous décrit la dualité du temps.
Ce temps qui permet que pendant que certains meurent, d’autres vivent.
Pendant que certains combattent, d’autres rient.
Pendant que certains souffrent de la guerre, d’autres souffrent de la faim.
Pendant qu’il se passe quelque chose d’atroce ici, certains ignorent ce qu’est la guerre.
Et surtout, que des choses immuables, et magnifiques, poursuivent le cours normal et insolent de leur existence aux quatre coins du monde.
Cette schizophrénie rend ce poème universel et intemporel. Alors qu’aujourd’hui nous assistons à des drames quotidiens, des guerres, des barbaries, à petite ou grande échelle, des bébés naissent, des gens font la fête, réalisent leurs rêves…
Il y a des hommes dans le monde qui n’ont jamais été à la guerre.
Comment peut-il y avoir tant d’émotions contraires, de vies si opposées au même instant partout sur terre ? Par cette énumération, cette litanie, Guillaume Apollinaire se résigne.
Les superbes couleurs des peintures de Laurent Corvaisier accentuent ce contraste. Couleurs chaudes contre couleurs froides. Expressions des personnages et de la terre. Quelques photographies d’Apollinaire ou de soldats parsèment les pages de l’album ce qui lui confèrent une autre portée, une réalité tangible. Elles appuient le texte et les illustrations. Ici, on le voit suite à sa trépanation du crâne en mai 1916 car blessé par un éclat d’obus à la tempe en mars 1916 (soit six mois après ce poème). Ici avec sa bien-aimée Madeline Pagès, là une famille mexicaine au moment de la Révolution, vers1910, là des prisonniers…
Les deux dernières pages de l’album nous offrent un petit lexique de quelques mots employés dans le poème et la légende des photographies contenues dans l’album. Alors qu’une brève biographie de l’auteur ouvre l’album.
Guillaume Apollinaire serait né le 25 août 1880 à Rome.
Il est issu, par sa mère, d’une famille polonaise de l’Empire Russe.
Son nom entier, avant sa naturalisation française en 1916, était Wilhelm Albert Włodzimierz Aleksander Apolinary Kostrowicki, herb. Wąż. Apollinaire est en réalité son cinquième prénom. Il aurait décidé de le conserver en mémoire de son grand-père maternel, Apollinaris, qui vient d’Apollon, dieu grec du Soleil, des Arts, et de la poésie en particulier.
Arrivé à Paris en 1900, il va vite se mêler aux divers courants artistiques qui foisonnent dans la capitale française au début du XXe siècle. En 1913, il publie un premier recueil de ses poésies écrites depuis 1898, Alcools.
En septembre 1914, il souhaite s’engager dans l’Armée française, mais est réformé car étranger. En décembre de la même année, sa demande est acceptée, accélérant sa naturalisation.
Il contribue à la naissance de plusieurs mouvements artistiques, et notamment à celui du sur-réalisme dont il inventa le nom, dans une lettre adressée à Paul Dermée.
Amateur de femmes, il épouse cependant Jacqueline en 1918. Mais affaibli par sa blessure, et ayant contracté la grippe espagnole, il meurt chez lui, à Paris, le 9 novembre 1918, à deux jours de la signature de l’Armistice.
Je trouve cela si triste.
Triste car il est mort en temps de guerre. Triste, car même si ces deux jours n’aurait certainement rien changé à son issue fatale, il aurait connu la paix. Paix pour laquelle il avait combattu et tant rêvé.
Au passage de son cercueil, les Parisiens criaient « A mort Guillaume », non pas pour lui, mais parce que le Kaiser, Guillaume II, avait abdiqué le 9 novembre 1918. Que d’étranges coïncidences et dualités !
Un album à découvrir lu dans le cadre du Challenge "Une année en 14" de Stephie.
Belles lectures.
Blandine.
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