Flon-Flon et Musette. Elzbieta. (Dès 4 ans)
Publié le 5 Novembre 2014
Flon-Flon et Musette
Elzbieta
Pastel pour l’Ecole des Loisirs, avril 1993
Dès 4 ans
Notions abordées : Amitié, guerre, séparation, espoir.
Comment expliquer le concept de la guerre à un petit enfant ? Comment expliquer que des hommes (et femmes aujourd’hui) puissent y aller, y mourir ou en revenir blessés, changés ? Pourquoi et qu’est-elle, la guerre ?
Elzbieta a ici choisi de la raconter d’une manière délicate et sensible au-travers de la séparation imposée de deux amis. Elle a choisi la Première Guerre mondiale comme cadre, sans jamais la nommer, en s'y référant par ce qui est devenu ses symboels.
Deux petits lapins, Flon-Flon et Musette sont des amis, et des amoureux, inséparables. Tous les jours, ils se retrouvent et jouent ensemble.
Mais un jour, la guerre, bien qu’invisible est là, et le papa de Flon-Flon s’en va… Le ruisseau qui sépare leurs maisons devient une frontière rendue infranchissable par une haie d’épines. La guerre leur défend de pouvoir se voir, où même de parler de l’autre.
La guerre fait rage, elle rugit et son souffle détruit tout. Elle perdure et s’installe.
La guerre était trop grande.
Elle n’écoutait personne.
Puis plus rien, la guerre est finie.
Le papa de Flon-Flon revient, médaillé, mais plus tout à fait le même. Et Musette ?
Un trou dans la haie permet aux deux amis de se retrouver, et d’espérer.
Le texte d’Elzbieta est doux et poétique, il tente de dire la guerre, d’expliquer son existence, inhérente à l’Homme.
La guerre ne meurt jamais, mon petit Flon-Flon. Elle s’endort seulement de temps en temps. Et quand elle dort, il faut faire très attention de ne pas la réveiller. (…) Les enfants sont trop petits pour réveiller la guerre.
Les illustrations sont délicates, jouent sur les blancs, ocres, et marrons.
La fenêtre pose un cadre, protège et impose une distance, tantôt ouverte sur l’intérieur de la maison, tantôt sur l’extérieur. Ses rideaux n’occultent pas tout à fait la désolation que la guerre sème. Elle peut être comprise comme étant une métaphore de la propagande et de la censure, mais qui ne peuvent empêcher l'horreur de la guerre, le flot des mauvaises nouvelles (et notamment des décès) d'arriver.
Les deux amis se retrouvent sous la neige, un monde nouveau en renaîtra-t-il ?
Je m’interroge sur le fait que la haie (barbelés) soit toujours présente, bien que le papa soit revenu. La guerre est-elle finie pour lui car il y a perdu une jambe ? Ou, bien que la guerre se soit rendormie, les haines et antagonismes perdurent encore ?
Les noms des lapereaux n’est pas anodin. Ils renvoient à la musique, à la guerre aussi.
Les flons-flons désignent une musique bruyante, mais la plupart du temps joyeuse. Ils ont surtout été utilisés pour constituer des refrains de chansons, vaudevilles ou opérette. Des airs en vogue au temps de la Première Guerre mondiale.
Le terme musette est double. C’est d’abord un ancien instrument de musique, populaire et qui se rapproche de la cornemuse. Il donnera ensuite son nom à plusieurs genres musicaux, dont le bal musette est peut-être le plus célèbre !
La chanson de Craonne, chant contestataire et antimilitariste chanté par les soldats français entre 1915 et 1917, est souvent dans le style de la valse musette, avec accompagnement d’accordéon.
Ici, la version de Marc Ogeret, 1973.
La musette est également le nom d’un cabas de toile, que l’on porte en bandoulière. Durant la guerre, elle contenait tout ce dont le soldat avait besoin d’avoir à portée de main. Il n’était pas rare qu’ils en portent une deuxième.
Les Allemands ont vite compris que porter ainsi un sac, fatiguait le soldat et entravait sa respiration, c’est pourquoi, leurs musettes furent pourvues d’attaches pour être accrochées au ceinturon.
Flon-Flon et Musette est un album qui aborde avec délicatesse la notion de guerre, de blessures, de séparation, de frontières et du temps. Un album pour sensibiliser et se souvenir.
Belles lectures et découvertes !
Blandine.