Sous le soleil de Toscane. Une maison en Italie. Frances MAYES.
Publié le 26 Septembre 2014
Sous le soleil de Toscane.
Une maison en Italie.
Frances MAYES.
Editions Quai Voltaire/La table Ronde, Paris, 1998.
328 pages.
Thèmes abordés : voyage, rénovation, patrimoine culturel et architectural, cuisine, histoire, mémoire, à la transmission.
Ce livre, entre le roman et le récit, vous fait voyager, goûter, sentir, ressentir. Une vraie invitation au dépaysement, à la douceur, au soleil.
On suit les « aventures » de Frances Mayes et de son compagnon, Ed (Edward Mayes), dans l’acquisition de leur maison, résidence secondaire, en Toscane, à Cortona. Tous deux sont américains et vivent en Californie, où ils sont professeurs à l’université.
Grands voyageurs, ils ont une préférence pour l’Italie et la Toscane en particulier (page 171). Voilà pourquoi, ils décident d’y acheter une maison. Après plusieurs visites, quelques déceptions, leur choix s’arrête sur Bramasole (nom du premier chapitre Bramare (vieil italien) : se languir de, et ici du soleil).
Après des années de recherches, menées parfois en dilettante, mais aussi jusqu’à l’épuisement, je n’ai jamais vu une maison me dire oui aussi parfaitement.
On lâche toujours quelque chose en renonçant à un toit, puisque vendre revient à se détourner d’une masse de souvenirs et qu’acheter implique de choisir un lieu pour l’avenir. Un lieu qui ne sera jamais neutre et qui exercera sur nous une influence certaine.
Une maison typique, laissée vide depuis 30 ans et presque rendue à la nature de ses 2 hectares de terrain. Après quelques premières surprises avec l’administration italienne, l’auteure nous livre ses espoirs, ses listes de choses à faire, ses craintes, ses déboires et envies.
Le propriétaire tente de nous faire comprendre que le prix réel dépasse forcément le prix annoncé. Il insiste : « Mais c’est toujours comme ça qu’on fait. Personne n’est assez fou pour déclarer la valeur réelle. »
Avec elle et à ses côtés, nous assistons à la restauration et renaissance de la maison qui se situe dans une région où il est interdit de construire ou de transformer les maisons anciennes. La région veut garder son caractère typique, ce qui va dans le sens des volontés et visions futures de Frances et Ed.
Elle nous relate la longueur des travaux, les mauvaises surprises, mais aussi l’aménagement de la maison, la décoration intérieure, les rencontres, les descriptions de la ville de Cortona, de ses habitants, de ses commerces, églises, paysages, et de son histoire. De ses habitudes et de la vie italienne. J’ai beaucoup aimé les passages sur les marchés où Frances va acheter ses draps, ses descriptifs quasi tactiles des choses, olfactifs de la cuisine.
Puis par cercles concentriques, ils visitent les environs immédiats, puis plus lointains, de la maison. Région où quantité de vestiges étrusques sont à explorer, à découvrir.
La pierre des vieilles villes toscanes ne me donne pas cette impression de remonter le temps que j’ai ressentie en Yougoslavie, au Mexique ou au Pérou. Les Toscans vivent à l’heure d’aujourd’hui ; ils ont simplement eu la bonne idée, naturellement, de garder le passé avec eux. Si notre culture nous demande de brûler les ponts derrière nous -n’est-il pas- la leur demande d’y repasser souvent.
Grâce à ses descriptifs, on a l’impression de travailler et de récolter les produits de la terre : les fleurs, les olives que Frances plante, cultive et cuisine. Elle nous explique leur première récolte d’olives pour en obtenir de l’huile et tout le processus de transformation.
La cuisine toscane est à la fois simple, familiale, traditionnelle et raffinée, mais aussi pleine de ressources, pour réhabiliter les restes.
Le texte est parsemé de mots d’italien (traduits dans la foulée) de cuisine et recettes, dont les couleurs et odeurs semblent venir jusqu’à nous : cuisine du soleil, tomates, aubergines, mais aussi gibier (ça, c’est sans moi !), desserts (avec notamment la torta della nonna p82-83), vins…
Elle nous décrit la chaleur d’un foyer, le charme d’un matin d’été ou d’une soirée d’hiver.
Les nuits sont fraîches à presque cinq cents mètres d’altitude. Ce qui nous ravit, car nous pouvons préparer des plats riches, parfois incompatibles avec la chaleur. Si le prosciutto aux figues, la soupe de tomates froide, les artichauts à la romaine et les pâtes au zeste de citron et asperges sont parfaits sous le soleil, les soirées plus douces ravivent l’appétit. Nous servons des spaghettis avec le ragù (j’ai finalement appris le secret d’un bon ragù : y mettre un foie de poulet), des minestrones avec de bonnes cuillerées de pesto, de la polenta grillée, des poivrons rouges marinés, farcis de ricotta et de flan aux herbes, des cerises tièdes au chianti avec leur quatre-quarts aux noisettes.
Elle nous livre plusieurs recettes au sein du récit mais consacre aussi deux chapitres pleins à celle-ci : un pour l’été, l’autre pour l’hiver.
Un formidable voyage qui nous transporte malgré quelques passages trop longs, voire même pesants dans le récit, surtout vers la fin, où le propos se veut plus intime, presque ésotérique, dans son rapport à cette terre italienne.
On est obligé de sourire à la lecture du passage sur la conduite, toute sportive, des Italiens, que j’ai lu à mon mari alors que lui-même conduisait ! Cela nous a rappelé quelques souvenirs siciliens !
La plupart des étrangers admettent que conduire à Rome porte vraiment le titre d’expérience à l’échelle d’une vita, que les parcours journaliers sur l’autostrada sont des parties de bravoure, et que la côte d’Amalfi est une définition exacte de l’enfer. J’entends encore Ed dire : « Ils savent vraiment conduire, ces gens. » (…) « Bon c’est vrai, il y a aussi des péquenots qui s’obstinent à rouler au milieu, mais la plupart des gens respectent les règles. »
J’ai demandé « Quelles règles ? », tandis qu’une voiture aussi petite que la nôtre nous doublait à 160 à l’heure. Il y a apparemment, des vitesses limitées, selon la taille du moteur, mais je n’ai jamais vu, de tous mes étés en Italie, quelqu’un se faire arrêter pour excès. Si on roule à 100 à l’heure, on est dangereux. Je ne sais pas quels sont les chiffres en matière d’accidents, j’en ai rarement vu, mais j’imagine qu’ils ont pour cause les conducteurs trop lents (touristes peut-être ?) qui provoquant les voitures derrière.
Un livre très documenté et à la fois très personnel, où ses doutes côtoient ses envies et émotions, la dualité de sa vie entre les Etats-Unis et l’Italie. Deux vies en une.
Le temps que je passe ici me permet d’échapper à la violence, à cette folie surréaliste qui étreint souvent l’Amérique, et à une vie parfois trop remplie. Au bout de trois semaines, je me rends compte que j’ai oublié cette attitude de défense qui est devenue un instinct, à force de vivre dans une grande ville américaine, sans que je l’aie vraiment voulu. (…) Mon cœur se met à battre plus lentement, ici, c’est évident. Pourtant, c’est là-bas que je travaille le mieux – c’est ma culture, ma base, mon passé.
J’ai découvert que ce livre a été adapté en film en 2003, mais ne l’ai pas vu. Je crains d’être déçue tant le texte m’a offert une nette représentation de ce petit bout d’Italie.
Un livre qui nous invité au voyage, à la découverte d’un pays, d’une région, de la différence, des autres mais aussi de soi-même. A lire sous le chaud soleil d’été ou sous le soleil vivifiant des froideurs toscanes !
Belles lectures et découvertes !
Blandine.