Le roman du café. Pascal MARMET.
Publié le 15 Avril 2014
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Le roman du café.
Pascal MARMET
Editions du Rocher, collection « Le roman des lieux et destins magiques », janvier 2014.
234 pages.
C’est grâce à l’opération Masse Critique de Babelio que j’ai reçu ce livre, entre le roman, l’essai et le documentaire. Je les remercie vraiment car ce fut, au final, une très bonne découverte.
Au final, car j’ai eu beaucoup de mal au début de ma lecture. J’ai du m’arrêter pour reprendre à zéro et ce n’est qu’à la 85e page que j’ai vraiment pris du plaisir pour terminer ensuite le livre d’une traite.
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J’aime énormément le café et commence toujours ma journée avec mon Nespresso. Eh oui, j’ai succombé au charme de la capsule colorée et son « What else ? », utilisée en parallèle du café filtré, après avoir essayé le café « Senseo » de Philips, et auparavant le soluble « Nescafé » Nous avons aussi une cafetière, dite italienne, achetée suite à un voyage en Sicile mais dont on ne se sert plus vraiment…
Et pourtant, j’ai des souvenirs d’enfance paradoxaux sur le café. Je me souviens que, petite, mon père se préparait son café du matin dans cette cafetière « italienne » et se précipitait pour la retirer à temps du feu car« café bouillu, café foutu ». L’odeur du café emplissait alors l'appartement et me faisait dire « jamais, je ne boirai de café ! » L’expression dit vrai : « ne jamais dire jamais ! » et maintenant, ce parfum me plaît terriblement !
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La majorité des gens aiment le café, noir ou au lait ou…, seul ou en groupe, à tout moment de la journée et de multiples façons. L’engouement pour la chaîne « Starbucks » le prouve bien, et 12000 tasses de café sont bues chaque seconde en France! (page 15) Et comme l’auteur nous le dit au début du chapitre 2 :
Ne pas aimer le café est un tour de force qui vous condamne au thé, ou pire, encore, au coca.
Eh oui, on oppose souvent le thé au café et les deux servent bien souvent à définir une personne ! Quant au coca, beurk!
Mais qui connaît vraiment l’histoire du café et ce qui se cache, réellement, derrière ce breuvage ?
C’est là l’objet du livre de Pascal Marmet!
Le café, c’est une histoire d’amour, de passion, d’argent et désormais d’écologie.
Julien Saurelle, 20 ans, mal-voyant, est foutu à la porte par son grand-père, torréfacteur de la Brûlerie de la rue du Four à Paris.
De fait, son truc à lui, c’est le café ! La seule chose que son grand-père n’ait jamais su lui transmettre d’ailleurs ! Orphelin, sa mère est morte des suites de sa naissance, son père est parti sans laisser de traces et lui a perdu la vue à 9 ans. Fardeau pour son grand-père mais néanmoins utile à la boutique, il ne sait que faire de sa vie dorénavant. Il décide d’aller chez son amie Johanna, la seule, depuis la primaire, qui pourra l’aider.
Julien, vit, pense, parle café en permanence et raconte à son amie légendes, histoire, inventions autour de ce grain.
Au fur et à mesure que l’on progresse dans la fiction et que l’on suit Julien entre souvenirs et transmissions sur le café, on entre avec eux dans les différents cafés prestigieux de Paris, anciens ou récents tels le Procope ou la Caféothèque.
Puis sur un coup de tête, ils décident de s’envoler ensemble pour le Brésil, et Johanna pour le Costa Rica, dans les méandres de la mémoire, de la transmission générationnelle, de l’écologie et de l’économie, avec une petite intrigue policière.
L’histoire de Julien se termine…bien mais il n’est pas encore temps de refermer le livre ! L’auteur y a ajouté des annexes très intéressantes et complètes, partie que j’ai d’ailleurs préférée ! Pourquoi ?
Car j’ai eu du mal à saisir le fil du roman et à comprendre pourquoi Julien avait été viré, ainsi que le mode d’écriture de l’auteur au début du roman.
La lecture est compacte, les phrases sont longues malgré des chapitres courts. Chacun est ouvert par une citation ou un poème, petit clin d’œil que j’ai beaucoup apprécié ! Mais les dialogues sont inégaux, longs monologues de Julien contre interventions courtes et souvent interrogatives de son amie. Le scénario de la fiction qui entoure les aspects documentaires sur le café, permettent d’alléger la « leçon ».
Puis, un changement s’opère, les rôles sont plus équilibrés, et désormais trois voix s’alternent, celle de Julien, de son grand-père et de Johanna.
Dans les annexes, se trouve d’abord un petit précis chronologique sur l’histoire du café qui reprend du XIe siècle à nos jours, les grandes étapes qui ont entouré son installation dans les mœurs et dans nos cœurs, de près ou de loin. Cette partie entre en résonnance avec plusieurs propos tenus dans la première partie du livre, la fiction avec Julien Saurelle.
Bien sûr, plus on progresse vers notre époque et plus les dates sont nombreuses et les références précises. Chaque siècle est introduit par une phrase dont celle pour le XXe siècle est à la fois une apogée, un paroxysme, un éloge et son envers.
Invention, fabrication, exploitation, surproduction, pollution, destruction, déforestation… et ignorance des conséquences sur l’amie Terre.
L’auteur fait aussi des prévisions peu enjouées sur le futur à très court et moyen terme (2016-2080)
Le savoir-faire ancestral et passionné des torréfacteurs est aujourd’hui soumis à de fortes pressions spéculatives, à des systèmes véreux, aux brusques changements climatiques et à des cultures plus rentables et envahissantes (telles le soja) qui menacent la survie des plants de café et à terme le remplissage de nos tasses. Pour seul exemple, prenons le Brésil et le Vietnam que l’auteur associent et opposent en introduction du chapitre 21, page 114.
En 1900, le Brésil produit 90% du café mondial. En 2008, c’est 35%, en 213, 30%.
Conclusion : la production de café n’est pas directement responsable de la déforestation. L’ogre s’appelle désormais soja entraînant 22 millions d’hectares de forêts et de savane brûlés … et des paysans sans terre pour cultiver leur café.
En 1900, le Vietnam produit 90% du riz mondial. En 2014, le Vietnam est le deuxième producteur de cafés. Juste après le Brésil. Cherchez l’erreur.
C’est grâce ou avec George Clooney pour Nespresso (crée en 1986 par Nestlé !) et l’implantation mondiale de Starbucks (maison fondée à Seattle en 1971 !) que tous « redécouvrent » le café et qu’en parallèle mouvements spéculatifs et écologiques se créent (1988 pour Max Havelaar et le commerce équitable, Jacques Vabre dans les années 2000, page 122 et plus récemment Malongo.).
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Campagne TV 2013 : Ek'oh, l'alternative expresso par Malongo
Éthique, fabriquée en France, plus respectueuse que jamais du goût et des arômes, telle est Ek'oh, la nouvelle machine expresso signée Malongo. Ek'oh, c'est une machine expresso d'une nouvelle...
Pub Malongo.
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Parallèlement, on désire plus de qualité mais c’est bien la quantité, dans toute sa démesure qui menace sa survie.
La production de café (en 2014) excède la demande pour la quatrième année consécutive.
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Suivent ensuite une description de quelques grands crus, parmi les 400 recensés, dispersés de par le monde ; puis quelques rites autour de ce breuvage et la manière dont il est consommé de par le monde. Cette annexe m’a beaucoup plu !
Par exemple, en Ethiopie, outre sa préparation faite par les femmes, on ajoute dans le liquide « du gingembre, du sel marin, du beurre, du miel, de la cardamome, de la cannelle ou des clous de girofle. » alors qu’en Allemagne, on le consomme avec du lait condensé ou de la crème fouettée. Et parfois avec du sel (qui permet de couper l’amertume du café). » (Page 210)
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Un abécédaire amoureux. Le vocabulaire employé pour décrire les saveurs qui se dégagent olfactivement ou gustativement de ce breuvage, sont du même ordre que pour l’œnologie : un peu pompeux peut-être mais une affaire de passionnés pour sûr !
-Une merveille, je vous dis…une saveur d’épices, fumée, un peu sucrée dans une sensation de pureté avec une note de pomme verte élégante.
-Trop corsé, c’en est dérangeant, cette pointe d’acidité de limon…
-Dégustez-moi ce suave… C’est un caramel, coco, chocolat, délicat, équilibré.
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Puis la relation particulière que les femmes ont développé avec le café, leur présence désormais admise dans les bistrots, suivent quelques idées de consommation (sucrer le café), de santé ou d’utilisation du marc de café (autrement que pour y lire l’avenir !)
Vraiment, ce livre est très intéressant, très documenté, engagé et dont les dires sont aisément vérifiables sur internet.
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Je ne connaissais pas son auteur, Pascal Marmet, chef d’entreprise dans l’hôtellerie, écrivain donc, chroniqueur radio et organisateur de rencontres littéraires.
Photo prise sur son site.
Voici quelques-uns de ses précédents livres :
- Ludmilla, publié en 1996.
- Le prince de Paris, en 2001 et réédité en 2011 par les éditions Frédéric Serre.
- Il y a longtemps, en 2008.
- Si tu savais, France empire en 2010.
- A la folie, France empire en 2012.
- Le roman du parfum, Éditions Du rocher 2013. Livre pour lequel il a reçu le Prix spécial Albayane 2013.
Il prépare un livre sur l'histoire du thé avec l'auteur Jean Siccardi pour 2015. Intéressant !
J’ai appris quantités de choses et suis sûre de ne plus boire mon café de la même manière à présent !
Et vous, connaissez-vous son histoire, ses rites ? Dîtes-vous eXpresso (à la française) ou eSpresso (comme moi, à l’italienne) ? Et d’ailleurs savez-vous pourquoi y a-t-il ces deux prononciations ? Connaissez-vous la différence entre robusta et arabica ?
Vous l’avez compris, ouvrez ce livre, apprenez et dégustez le, vous ne serez pas déçus !
Blandine.